Un traitement de faveur. C'était comme ça qu'Eirik appelait la chose. Jusqu'à aujourd'hui, être son Primero n'avait pas été quelque chose de très... Comment dire ? En tout cas, on avait jamais fait ce que nous étions en train de faire. Sortir ensemble. Comme un couple. Ce mot me dérangeait énormément, sûrement parce que je n'avais pas l'impression d'être vraiment en couple avec lui. Je lui appartenais oui, mais je n'étais pas son égal. Lui ne me verrait jamais sans doute comme tel à mon avis.

Quoiqu'il en était, il avait envie de me gâter. Bien que je n'étais pas sûr de ce qu'il voulait dire par là. Techniquement, je n'avais besoin et je ne manquais de rien. Je m'étais toujours débrouillé pour tout obtenir par moi-même et je n'aimais pas trop l'idée qu'il m'achète des choses sans pouvoir bien expliquer pourquoi. Peut-être tout simplement parce que je n'avais appris à compter que sur moi-même... Hum, j'allais dans une mauvaise direction en pensant à cela.

Pour en revenir à nos concombres, nous étions donc dans la ville. Ville remplie de brigades à la recherche de monstres. Et pourtant, nous autres, les fameux monstres, nous arrivions tout de même à nous promener dans le coin. Il suffisait juste de faire profil bas. Et de savoir où aller. Et quand l'on était de la fumée comme moi, on se débrouillait pour utiliser cette forme pour découvrir les dessous d'un endroit.

Et là, en l'occurrence, le marché noir. Très bien caché sous de très lourdes illusions pour qu'aucun humain ne puisse s'y inviter. L'endroit était très bien tenu, plutôt coloré même comme pour faire oublier que nous étions aussi des proies pour les hommes sans pouvoir. C'était quelque chose d'y venir, j'avais des frissons à chaque fois. D'appréhension, d'anticipation. Il se passait toujours quelque chose ici. A voir ce que cet fin d'après-midi allait nous offrir.

-La dernière fois, j'ai trouvé des livres très rares, ici.

J'étais simplement habillé d'un chemise blanche et d'un jean noir moulant. Pas de veste en cuir rouge ici, elle était trop voyante parmi les humains et ça avait tendance à les intriguer, je l'avais noté. Et puis, entouré de tant de monde, je n'aimais pas du tout me faire remarquer.

-Ils m'ont été vendus pour pas grand chose, la pauvre femme avait besoin de se nourrir. En regardant bien, tu pourrais trouver des choses géniales.

Peut-être même du sang de qualité. Je regardai Eirik sans oser le toucher. Je ne lui avais même pas pris la main, ce qui prouvait que je ne savais réellement plus où j'en étais.

Quand Eirik finit par me chopper pour me garder contre lui, je fus un peu choqué. Fallait dire que je ne pensais pas qu'il aurait envie de montrer qu'on était ensemble dans une foule d'inconnus. Mais j'avais semblait-il sous estimé sa possessivité. Et cette dernière était bien éveillé bien que je ne comprenne pas exactement pourquoi. Franchement, comme si quelqu'un se serait amusé à me draguer... Bah, un jour, il se rendrait compte que je n'étais baisable qu'à ses yeux et encore...

Restant donc contre lui puisque c'était ce qu'il voulait, j'errai d'étal en étal sans voir pour le moment quelque chose qui pourrait réellement attiré mon attention. Il fallait dire que les stands les plus intéressants réussissaient la plupart du temps à se hisser au centre du marché noir. Au point le plus dangereux de l'endroit aussi. C'était comme si on avait mis des abeilles en plein milieu d'un carrefour. Elles veillaient et elles n'hésitaient pas à piquer. Je l'avais vu la dernière fois...

-Tu es sûr ? Parce que les livres, ça peut être assez cher, vraiment... Enfin, tu dois en savoir quelque chose vu ta collection.

C'était sûrement des ouvrages qui m'attireraient l'oeil, je me connaissais. L'or, les bijoux, les tentures, les tableaux, les téléphones, les araignées, les cannes à pêches... Tout ça, ça ne m'intéressait pas. Oh, possiblement, il y avait aussi le thé. Bien que je buvais moins que la moyenne des gens, mais l'eau chaude, en général, ça allait.

-Tu as l'air à l'aise, ici. Tu te sens dans ton élément ?

Nous finîmes devant un étal composé normalement d'objets d'époque mais je savais déjà que ça n'était pas le cas. Hum, comment expliquer ça ? Les livres s'imprégnaient de leur environnement, des endroits où on les avait laissés et donc d'air plus ou moins différents. Et l'air, c'est du gaz et des éléments chimiques qui pouvaient me composer. D'ailleurs, comme d'habitude, je détournai la fumée de la cigarette d'Eirik pour la détourner -plus subtilement que d'habitude vu le lieu- vers moi.

Et je dus bientôt me retenir de rire même si je ne pus m'empêcher d'avoir un énorme sourire sur le visage. Voir Eirik plus ou moins engueuler quelqu'un, ça m'amusait. Et j'étais content de ne pas être la cible pour une fois. Je savais que pour lui, je faisais un peu des bêtises... Même si en vérité, je ne comprenais pas ses notions sur ce qu'était une bêtise en réalité. Faudrait qu'on en discute un jour. Quand nous repartîmes, je lui avouai tranquillement.

-J'aime quand tu montres aux autres qu'ils sont bêtes, c'est marrant. Oh, des cornes de gazelle à la drogue !

Je me dirigeai vers le stand pour voir de plus près. Des fois, ça me prenait comme ça de vouloir de ça. Pas que j'en prendrai aujourd'hui, mais il fallait toujours se renseigner. Comme sur les tulipes. Quand je sus d'ailleurs avec quelle drogue ils avaient été fait, ça ne m'intéressa plus. Le LSD, c'était caca.

-Pouah, non merci alors, j'aime avoir mes souvenirs.

Et la personne avec moi consentante.

-Puis c'est moi qui est pris alors, ça ne servirait à rien. LSD égal tripes de pigeons.

Je détestais les pigeons.

Bon, il en était sûr. Ma foi, qui étais-je pour me plaindre à ce propos ? J'espérais trouver une petite merveille alors, mais qui tout de même ne lui coûterait pas trop cher. Sa réponse ne me surprit pas bien que j'eus l'impression qu'il avait eu comme une sorte d'hésitation dans son récit. Ou qu'il y avait une sorte de non-dit. Puisqu'il avait volontairement écarté quelque chose, je ne poserai pas de question dessus. Je pensais qu'on s'était déjà assez disputé comme ça. Surtout que dans les propos d'Eirik pendant la dispute, quelque chose m'avait un peu chiffonné.

-C'est aussi grand qu'ici ou plus grand ? Comme je ne sais pas exactement de quel coin de la Norvège tu es...

Pas plus que mon vampire savait réellement mes origines. Il n'avait jamais demandé. Et moi, je ne posais pas de questions parce que je savais que les vampires adoraient être mystérieux. A voir si c'était une bonne ou une sale habitude. Et ça ne changeait pas le fait qu'il faisait bel et bien des choses comme tout le monde. Il mangeait, il se lavait, il allait aux toilettes... Logique, tout simplement. Je n'allais pas croire qu'il ne réalisait pas ce genre de choses pour me voiler la face comme dans ce roman français ignoble "Belle du Seigneur".

-C'est vrai que la bêtise a diverses formes. C'est amusant de constater que tout le monde peut être stupide à sa façon.

Même Eirik et moi. Mais moi, j'assumai ce fait pleinement. Je ne pouvais pas être intelligent tout le temps et sur tout. Je ris quand Eirik m'assura que normalement, il aurait empalé le pauvre arnaqueur. Même si l'idée était amusante, je trouvai que c'était beaucoup et que mon vampire exagérait un peu. Il essayait juste de gagner sa vie, des fois, on devait faire des choix pas évidents. Comme moi, aujourd'hui, j'avais choisi de sauter le déjeuner. Mais j'avais été récompensé par des choux à la crème et du sexe avec lui.

Par contre, j'eus l'impression qu'on serait bientôt reparti sur des sujets qui fâchent Eirik et moi. Pourquoi me questionnait sur ma prise de drogue quand il en prenait lui-même, hein ?

-Euh... Des fois, quand je suis en dépression, j'en prends. Plutôt que de prendre des trucs humains. Et oui, ça fonctionne mais pas aussi bien que sur les humains quand ils prennent une dose normale. Ça me permet juste... de me détendre. Comme la cigarette te détend.

Hum, il risquait de prendre ça pour une pique mais c'était vrai ce que je disais.

-Je préfère en fumer de toute façon avec mon narguilé.

J'avais peut-être été un peu trop précis sur la question. Après, ça n'aurait jamais le même effet sur moi que sur un humain. Je n'étais pas dépendant en plus. Je ne pouvais pas puisque mon esprit ne restait jamais bien longtemps fixé sur quelque chose. J'aperçus alors qu'on approchait du milieu une créature inattendu.

-Un cerbère...

Il ne devrait pas être là. Et très franchement, les chaînes qui le retenaient n'allaient pas le retenir longtemps. Je tiquais un peu face à ça. Ça allait être un carnage... Mais ça n'était pas mon problème, ce n'était pas moi qui avait fait venir cette chose. Par contre, je me sentis aussi attiré par une personne et sans chercher à expliquer le pourquoi du comment à Eirik, j'allais vers elle. Une femme richement habillée qui se dévorait les ongles. Je lui souris, l'air plus sérieux.

-Bonjour madame. Puis-je exaucer votre vœu ?

Elle me regarda avec méfiance et autre chose. Sans doute que je devais lui paraître un peu fou. Mais je lui expliquai calmement que j'étais un djinn et qu'elle n'avait qu'à demander pour être exaucé. Le tout avec un sourire presque charmeur. Mon "piège" se referma facilement et elle m'avoua ce qu'elle voulait, me priant même de me dépêcher. Heureusement, nous étions à l'écart et quand je me dispersai en fumée avant de reprendre ma forme humaine, personne ne le remarqua.

-Votre vœu est exaucé. Votre mari a retrouvé sa richesse.

Mais en contrepartie, elle m'avait nourri. Et elle ne pourrait jamais profiter de la nouvelle fortune de son époux. Au contraire, à chaque fois qu'elle essaierait, l'argent lui brûlerait les doigts. Mais ça, je n'étais pas du tout obligé de le lui dire. Elle repartit d'ailleurs sans me poser la question. Bête de sa part. Et incroyable que les gens confondent les djinns et les génies. C'était comme confondre un lys et une mauvaise herbe.

Ah donc plus Nordique que ça, tu meurs, comme dirait les jeunes. Pourtant Eirik n'avait pas tellement l'apparence d'un Viking bien qu'il soit un vampire, ça aurait pu être le cas. Il semblait par contre avoir le mal du pays, le pauvre. Ça n'était pas du tout mon cas, j'avais un mal fou à vivre au Qatar. Probablement parce que je savais ma mère non loin et que très franchement, je n'aimais pas du tout rester dans les environs quand elle était là... Même si je l'aimais. C'était comme être un cage avec des souris blanches. Elles étaient mignonnes mais elles finiraient tout de même par vous bouffer.

-J'habitais dans la capitale de mon pays... Enfin, je suis né en France mais j'ai quasiment toujours vécu au Qatar à Doha. Dans une maison, tout seul à partir de mes sept ans. Je ne voyais mon père que pour les vacances d'été.

Quand je revins auprès de lui après avoir exaucé le vœu de la femme, j'eus droit à un baiser renversant. J'avais du mal à comprendre pourquoi, je n'avais fait que ce dont j'avais besoin pour me nourrir. A moins qu'Eirik ait retenu qu'un jour, ça finirait par me permettre de faire plus de sang. Sans doute ça, oui. Nous finîmes devant un étal de livres rares mais pas si rarement que ça parce que j'en avais les deux tiers.

-Ça me fait bizarre que tu me félicites parce que je me nourris. Tu me ferais presque croire qu'avant, je m'affamais.

Et en disant cela, je tiquais. Parce qu'en réalité, c'était bel et bien le cas. Mais plutôt que d'avouer que j'avais compris, je pris l'un des livres écrits en araméen et je le feuilletais délicatement. Ce n'était pas le véritable livre mais une copie d'un des manuscrits trouvés à la Mer Morte. Normal, les vrais étaient très bien gardés par leurs véritables propriétaires et les copies des humains étaient elles aussi farouchement protégées. Je le mis de côté, réfléchissant à l'idée d'en faire une étude ou non, sachant que déjà des tas de gens y travaillaient.

-Dis, j'ai vraiment le droit de venir quand je veux chez toi ?

Parce que je n'avais toujours pas remis la main sur sa collection d'ouvrages sur les vampires et que j'avais envie de la lire. S'il y en avait de ses ancêtres à lui en plus, ça m'en dirait plus sur sa famille. Oui, j'étais curieux mais ça ne soignerait pas un hérisson de voir des ratons-laveurs volaient des tapis de sol... Hum, je m'étais un peu perdu là... Pourquoi une écrevisse ? Je regardai autour de moi, j'avais l'impression qu'on m'appelait encore. Décidément.

Je fis un sourire penaud à Eirik et allait rapidement régler le probl... les soucis et je revins dix minutes plus tard, attrapant un livre en énochien.

-Je voudrais celui-là. C'est amusant de lire sur la vie des anges de temps en temps.

Et je pris aussi la copie, commençant à débattre avec le vendeur sur le prix. Logique, je n'allais pas le laisser nous arnaquer et j'étais à moitié arabe. Et tout le monde savait que nous étions de fins négociateurs. Alors que nous quittions le stand, après un baiser pour Eirik pour son cadeau, je demandais tranquillement à mon vampire.

-Alors, tu as fais quoi à ce cerbère ?

Parce que j'étais sûr qu'il n'était pas aussi calme plus tôt. Là, on aurait dû une plante carnivore qui attendait que sa proie approche. Et présentement, je le trouvais plus flippant qu'auparavant. Qu'avait donc prévu le chien à trois têtes ? Et Eirik par la même occasion ?

Oh bon sang... Ah oui, quand même... Il me donnait carrément la clé ? J'en étais un peu abasourdi. Il avait beau me dire qu'en tant que son Primero, j'avais quelques passe-droits, celui-là... Eh bien il était énorme. Personnellement, j'aurais un mal fou à fournir la clé de ma demeure à quelqu'un, ne serait-ce que par pur souci intellectuel. J'avais fait des tas d'études et j'espérais encore que certaines seraient publiés. Et dans ce monde à qui a la meilleure théorie, le vol de manuscrits était courant et des professionnels étaient engagés pour ça.

Du coup, qu'il n'ait même pas une hésitation mais juste un soupir comme si le fait qu'il ait oublié de me la proposer l'irritait un peu... Ouais, j'en restai très surpris. Mais j'appréciais vraiment qu'il me fasse confiance de la sorte et je lui fit un beau sourire avant d'attacher la clé au reste de mon trousseau et de remettre le tout dans ma poche intérieure.

-J'y ferai très attention, merci, Eirik.

Je m'en voulais un peu d'avoir l'air aussi ému, ce n'était pas du tout l'endroit pour ça. Et dire qu'on s'était un peu disputé plus tôt, des fois, j'avais réellement l'impression d'avoir l'eau et le feu quand je le regardais. Et alors que nous nous éloignions du stand de livres, je lui expliquai tout en me demandant ce que fichait des canards à six pattes ici.

-En fait, les génies et les djinns ont tendance à éviter les villes normalement, pour ça. Parce que quand on se retrouve entouré d'autant de personnes, on se sent constamment appelé pour exaucer les vœux. Et c'est très difficile de ne pas répondre à l'appel, ce serait comme refuser de la nourriture alors que tu sais que tu as faim et que tu en as besoin. Mais je pense que ça ne te dérange pas trop.

Quand au coup du cerbère qui allait donc faire un petit massacre à notre départ, je n'étais pas plus surpris que cela. Plutôt amusé, c'était vrai qu'une créature pareille réduite presque au rang de toutou par des chaînes, c'était quelque part insultant. Je repérais une chenille qui fumait au narguilé et intrigué, j'allais vers elle. Elle vendait tout un stock de tabac à la noix de coco, à l'amande, au café et à la réglisse. Mais je ne pouvais m'empêcher de regarder la chenille... Ça me rappelait un livre mais je ne savais pas lequel. On rencontrait vraiment de tout sur un marché noir.

Je finis par baisser les yeux pour m'intéresser à la marchandise tandis que la chenille me vantait la petite production qui faisait le tabac.

-Ahem... Ce sont des chenilles comme vous qui le font ?

Peut-être que j'étais en train d'halluciner, hein. S'il avait rajouté du cannabis, j'étais fichu, c'était l'une des drogues qui avaient le plus d'effet sur moi. Mais j'étais pourtant quasi certain de ne pas en avoir senti l'odeur.

-Oui, oui. Nous venons d'une autre dimension... Nous avons trouvé amusant de rester par ici... Même si ceux qui nous ressemblent ne parlent pas.

Et je se mis à parler des papillons bleus à la chenille, ceux-là même qu'on trouvait près de chez Eirik. Tout en me disant que je voulais bien essayer du tabac fait par des chenilles, je reniflai, vérifiai l'état des feuilles, tout en continuant à babiller, me perdant sur une multitude de détails entre tabac, chenilles, violon, pipes... Je me tournai vers Eirik.

-Tu as déjà consommé des cigarettes roulées ou tu ne prends que des cigarettes pré-fabriquées ?

J'avais l'impression qu'on nous observait mais je n'arrivais pas à dire d'où ça venait.

-Euh... Tu as des ennemis dans le coin ?

Quoique ça pouvait être moi, on avait déjà essayé de me tuer à cause des vœux que j'avais exaucé. Les gens n'aimaient pas qu'à notre époque, il y ait encore des choses non remboursées.

Oui, évidemment, il fallait qu'Eirik rappelle un peu son âge pour une question aussi simple que la mienne. C'était ma façon de lui demander s'il avait commencé à fumer récemment ou non mais clairement, c'était une habitude pour lui encore plus ancienne que ma naissance. Donc, il fumait depuis plus de deux cents ans. Mais après tout, ça n'était pas réellement un problème puisque ça ne pourrait jamais le tuer. Mais je me demandais si la nicotine avait exactement le même effet sur lui que sur un humain ou s'il lui en fallait plus... Après, il avait tendance à fumer quasiment toutes les demi-heures donc, il était dépendant.

-Donc, ça ne te gênera pas de fumer au narguilé avec moi alors. Enfin, si ça te tente.

En tout cas, j'allais me laisser tenter par la marchandise, j'étais du genre à essayer un peu tout et n'importe quoi de toute façon tant que ça ne risquait pas de me tuer. J'avais beau avoir des instincts suicidaires, je refusai toujours d'y répondre. Et j'avais bien fait, sinon, je n'aurai pas rencontré Eirik. Je rougis un peu, ça sonnait un peu midinette avec des fleurs violettes, des bisous orange et une petite culotte blanche à froufrous noirs. J'espérais que mon vampire ne lisait pas mes pensées.

Du coup, je pris du tabac à l'amande et au café tout en écoutant la réponse d'Eirik sur cette impression d'être surveillé. Je rougis un peu plus.

-Ma tenue est parfaitement normal, c'est juste un jean et une chemise. Tout le monde ne rêve pas de me déshabiller, voyons.

Bizarrement, j'eus l'impression que la chenille n'était pas d'accord avec mes dires et ça me mit mal à l'aise. Je n'étais pas zoophile, merci. Et puis une chenille, c'était un insecte donc on disait comment à ce moment là ? Insectophile ? Qui plus est, c'était une chenille parlante d'une autre dimension dans c'était un extraterrestre insecte... Argh, j'avais pas de mot mais non, je n'avais pas du tout l'intention de me faire une chenille. Rien que l'idée était sale ! Qu'on me nettoie le cerveau de ça, au secours !!!

-Alors ça doit être moi. Parce que y'a beaucoup de gens qui voudraient se venger quelques jours après que leurs vœux aient été exaucés. Ils ne veulent pas comprendre qu'il n'y a pas de SAV.

Et je ris un peu tout en récupérant le sachet contenant le tabac que j'avais acheté.

-Promis, si tu fumes avec moi, pas de drogues. Même si je me demande comment tu réagis drogué.

Je me mis à siffloter en regardant autour. La nuit commençait à tomber et le marché noir allait se faire de plus en plus dangereux. D'ailleurs les chenilles commençaient à plier bagages, comme tous les autres marchands les moins téméraires. Des danseuses du ventre, des filles de joie sûrement, commencèrent à danser à l'entrée d'un bâtiment, certainement le lieu où elles emmenaient leurs clients. J'évitais de les regarder, ça me rappelait mon pays même si avec la mondialisation, Doha n'avait plus autant de danseuses maintenant.

-On ose rester ?

Je n'avais jamais pu le faire. Ou plutôt, je n'avais jamais osé puisque j'étais seul. Je voulais savoir ce qu'il pourrait y avoir d'autres. Ainsi que comprendre qui avait autant les yeux sur Eirik et moi.

Bon bon d'accord. J'avais pris un jean un peu plus serré que ce que je porterai normalement, mais c'était pour lui. Et sous ma chemise blanche, y'avait un débardeur, j'étais pudique moi et l'idée que qui que ce soit voit mes tétons et même le reste de mon torse ne m'enchantait pas plus que ça. Je n'avais rien d'un exhibitionniste et sincèrement, je n'avais pas pensé que d'autres que lui me regarderaient. Et si ça avait été ou si c'était encore le cas, je ne risquais pas de le relever, tellement j'étais naïf. L'avait quand même fallu qu'il me dise carrément qu'il m'avait embrassé par envie pour que je comprenne qu'il était intéressé...

-Non, ne t'énerve pas parce que je me suis habillé comme ça pour toi. Les autres, je ne les vois pas.

Bon, j'avais quand même remarqué la chenille mais là, c'était autre chose, c'était un... truc bizarre, une anomalie totale dans cette dimension donc, je n'aurais pas pu la manquer. Je retins un frisson alors que certaines images ne voulaient pas sortir de ma tête. Par les nuages, depuis quand je pouvais avoir des pensées aussi glauques sans prévenir ? Sûrement depuis que je m'étais remis un peu au sexe avec Eirik...

Par contre, j'étais un peu déçu qu'il ne me dise pas en quoi le voir drogué ne serait pas une bonne chose. Était-il plus violent ? Plus gai ? Plus pervers ? Plus amorphe ? Plus taureau ? Plus chenille ? Ah non, j'allais arrêter avec les chenilles. D'ailleurs maintenant qu'il faisait nuit, elle avait décampé et Eirik semblait à présent encore plus dans son élément dans ce marché perpendiculaire... Parallèle... Oh et puis zut ! Je commençais à avoir faim mais je n'avais pas du tout d'idée de restaurant par ici.

En plus, je les soupçonnais tous d'avoir des péripatéticiens dans leurs murs. Déjà qu'Eirik était très possessif. D'ailleurs...

-Euh bonsoir...

Je ne reconnaissais pas cette personne, je ne pensais pas lui avoir réalisé un vœu alors c'était quoi ce regard. Je me retins de me coller à mon vampire. Je savais que je pouvais passer un peu pour un trouillard mais je n'avais vraiment pas l'habitude de me mettre en danger véritable. Je grimaçai quand j'entendis les os se fracturaient, Eirik n'y allait pas de main morte et sûrement avec un contentement sadique.

-Je jure que je ne connais pas cette personne.

Je ne craignais pas réellement qu'Eirik soit en colère contre moi, je n'avais rien fait. Mais je préférais  l'assurer que c'était bel et bien le cas. J'avais eu un frisson qu'il me défende de la sorte. Ou qu'il défende son territoire, chacun le verrait à sa façon. Je me collai à mon vampire quand il m'attira à lui, caressant son torse de façon subtile avec un sourire.

-Oui, après tout, monsieur cerbère a encore son spectacle à faire et je veux voir un peu de danger avec toi. On sait tous les deux que ça arrivera rarement.

Et je me mis en route avec lui, regardant les nouvelles échoppes qui s'étaient installé. Maintenant, les organes, les potions d'amour, le sang et autres fluides étaient vendus sans détour sous mes yeux et je ne savais pas comment le prendre. L'on vendait aussi des esclaves et souvent des esclaves... inattendus. Tout paraissait déformé par la noirceur que chaque être émanait. Je ne savais pas quoi en penser.

-Tu as eu des esclaves à une époque ?

Je me demandais aussi si le sang donnait encore plus soif à Eirik. Et je résistai à un appel qui m'avait l'air particulièrement odieux mais ça devait se lire un peu sur mon visage. J'avais presque froid et pourtant, avec tous les braseros semés par-ci, par-là... A croire que le noir aspire réellement toute vie et toute chaleur.

-C'est remarquablement différent... Je crois que je vais attendre de rentrer pour dîner...

Un cri émana d'une des maisons de joie.

Ah ? Autant d'esclaves que de Primeros ? Se lassait-il donc aussi vite ? Ça paraissait un peu logique mais ça me donna très envie de m'agiter. Je ne voyais pas le temps passer moi. En fait, je doutais que ma façon de voir le temps soit la même qu'Eirik. Quand on pouvait voyager dans les dimensions et donc quelque part dans le temps, cette notion devenait très relative et plutôt abstraite. C'était aussi pour cela que je ne savais pas mon âge exact parce que justement, j'avais voyagé pour me nourrir. Donc plus de deux cents ans c'était bien. Je ne pensais tout de même pas avoir atteint les trois cents. Et je ne risquai pas de dire à Eirik que je pourrais m'amuser à voir sa naissance en direct...

-Juste, tu as tué tout tes Primeros ou il y a en certains que tu as laissé vivre même si tu n'en voulais plus ?

Pas que je m'inquiétais pour moi puisque de toute façon, ma maman me tuerait avant Eirik. Encore un truc que je ne lui dirais pas. En fait, j'accumulai beaucoup de choses comme ça. J'essayai déjà de lui parler de moi et ça n'était pas si simple. J'étais aussi intéressant qu'une limace arc-en-ciel alors...

-Non, j'en ai jamais eu. Maman n'aurait jamais accepté que je me fasse servir par quelqu'un. Elle m'a laissé à sept ans dans une maison pour moi tout seul. Je devais faire mon repas et tout le reste, même repasser. Si j'étais pas de la fumée, je me serai brûlé pleins de fois.

Et puis, si j'en avais eu, elle n'aurait pas pu me punir pour l'état de la maison. Je savais même faire de la plomberie. Enfin, ça c'était une autre histoire. Je fronçai un peu les sourcils devant les lanternes et les devantures des... allez disons le mot : bordels. Il y avait des gens pour y aller. Je ne comprenais pas, ce n'était pas si difficile de trouver quelqu'un... Fallait-il forcément payer ? A moins que toutes ces personnes aient une autre idée en tête.

-Oui, j'ai un peu faim mais surtout... Y'a encore quelqu'un qui m'appelle... Tu viens avec moi, cette fois ?

Parce que je le sentais mal ce vœu. Très mal. Et si je refusais de tuer, ça pourrait me retomber dessus. Ça, c'était encore une limite que je n'étais pas prêt de franchir pour le moment. L'appel devenait lancinant et je ne pus que me diriger vers le lieu d'où je le sentais venir, zieutant autour de moi plutôt nerveusement.

J'avais bien remarqué que mon vampire aurait voulu observer une arme plus attentivement mais il fallait que je me débarrasse de ça et vite. Je m'arrêtais pile-poil devant une personne voilée et quelque chose me soufflait qu'elle savait déjà ce que j'étais. Je reculais d'un pas.

-Que voulez-vous tant pour ne pas avoir cessé de quémander ?
-Je ne quémande, djinn. J'ai le droit à un souhait, comme tout le monde si je veux en faire l'usage. Vas-tu me nier ce droit ?

J'évitai de grimacer. Non, bien sûr que non. Enfin, presque bien sûr que non... Hum, ça se disait ça ? Le stress me donnait envie de me changer en fumée et de me nicher tout contre la peau d'Eirik.

-Quant à toi, le vampire, mêle toi de ce qui te regarde, je parle au djinn. Ce sont nos affaires pas les tiennes.

La personne n'avait donc aucune patience...

J'eus l'impression d'être dans la chanson d'Edith Piaf. Sauf que celui qui était mon manège, c'était Eirik et pas la chanteuse française. En plus, elle était morte et je n'étais pas nécrophile, merci. Quoique, certains pourraient avoir envie de réfuter cette hypothèse puisque j'étais l'amant d'un vampire. Je pris le paquet de pensées pour le jeter dans un puits sans fond. Il fallait vraiment que j'arrête plus d'une minute de me compliquer la vie avec des réflexions qui ne menaient nulle part. Bon, j'étais pas prêt d'y arriver mais je pouvais tenter.

Donc, collé à Eirik, mon menton dans sa main, je le regardai droit dans les yeux alors qu'il tenait à me communiquer quelque chose qui lui semblait très important. Capital. National. Mondial... Hum, on allait rester sur capital.

-D'accord, je resterai avec toi et à toi.

Tant que maman me le permettra. Heureusement qu'elle ne me rendait vraiment pas visites souvent. Sinon, j'aurais été souvent cloué au lit, au minimum. Enfin passons, je pensais un peu trop à elle ce soir. Le fait qu'Eirik me relâche aussi vite m'aida à me recentrer sur le moment.

Encore plus quand je fis face à cette personne qui tenait tant à faire réaliser son vœu. Tout le monde n'était pas poli mais là... D'ailleurs, ça énerva carrément mon vampire qui me prit contre lui en mode possessif et protecteur. Je remerciai mentalement la personne d'être ainsi puisque comme ça, Eirik me gardait contre lui. J'avais un peu remarqué qu'il avait du mal à savoir s'il devait être en contact avec moi ou si juste marcher l'un à côté de l'autre suffisait. Depuis qu'on était sur le marché, il oscillait entre les deux.

-Tsss, c'est bien les vampires de se croire tout puissant. Heureusement que le djinn va être utile.
-Ça, c'est encore à moi d'en décider si je vais réaliser le vœu ou non, merci.
-Oh mais j'ai un moyen de pression qui devrait vous aider à pencher en ma faveur.

Comment ça, un moyen de pression ? Je reculai précipitamment quand elle sortit une lampe en or. Oh merde !!! Je sentais la personne prête à rire. Est-ce qu'elle savait la formule ? Sûrement que oui.

-Vous voyez, je n'y touche pas, c'est inutile pour faire peur à un djinn...

Rire sardonique. Je savais qu'il était inutile que je tente de m'enfuir puisque le sort agissait dans un périmètre de cinq cents mètres. Périmètre dont je ne serai pas sorti à temps, même en changeant de dimension.

-Qu'est-ce que vous voulez ?
-Je veux la mort de mes frères.

La personne laissa tomber son voile. Une femme. Super, mais je m'en fichais complètement ! Je ne tuais pas, bordel !!!

Je regardai la lampe avec des yeux aussi grands que des assiettes... Et je m'en fichais qu'on dise comme des soucoupes, compris ?! Elle était bel et bien en or de dragon, et j'étais fichu, fichu, fichu. De l'or normal, après ma belle frayeur, j'aurais pu lui rire au nez mais avec ça, non et définitivement non. Où avait-elle pu trouver un truc pareil ?! Les dragons étaient rares et ils rendaient encore plus rarement service aux gens par leur art. Au contraire, ils étaient même horriblement possessifs avec leurs affaires.

Et très sincèrement, même la présence d'Eirik ne me rassurait pas du tout. Je supposais au moins qu'il ne la laisserait pas m'emmener si elle réussissait à m'enfermer mais je ne voulais pas passer même un dixième de secondes dans ce truc ! Oui, on avait un dragon dans l'école mais pourquoi est-ce que celui-ci me libérerait, hein ? Le baiser de mon vampire ne me fit pas réagir, normal, l'autre continuait à rire comme si c'était normal de menacer quelqu'un qui ne vous avez rien fait de la sorte ! Et Eirik disparut. Pendant un instant, je ne compris pas du tout. Et la femme non plus.

-Que fait-il, le vampire ?
-Je... Je ne sais pas... Eirik ?

On entendait clairement à ma voix que j'étais angoissé et je mourais d'envie de pleurer alors que ça ne me servirait à rien. Je regrettai de ne pas avoir ma veste, j'avais l'impression de mourir de froid maintenant.

-Qui... Qui sont vos frères ?

Je ne voulais pas faire ça. Pourquoi est-ce qu'Eirik m'avait laissé tout seul ? Je croisai pathétiquement les bras pour ne pas m'effondrer sur moi-même tout en la laissant me donner les noms de ceux que j'étais sensé tuer. Bon sang, mais ça devait se voir à ma tête que je n'étais pas un tueur ?! Il y avait d'autres moyens, les tueurs à gage, les poisons ! Tout sauf moi, merde !

-C'est si important que ça pour vous ?
-Ne posez pas de question et faites-le !
-Vous ne savez même pas les contrecoups d'un tel vœu pour vous !

Quoi, il fallait bien que je retarde la chose comme je pouvais ! Je n'étais pas un tueur. Et je devais finir par en être un, je ne voulais pas que la première fois se passe sous contrainte. Je voulais le faire parce que je l'aurais décidé. J'essayai d'inspirer le plus paisiblement possible alors que mon cerveau se battait avec des milliards de possibilités d'actions, certains tellement absurde que je n'en revenais pas moi-même. Alors je lui expliquai les tenants et les aboutissants en cherchant une solution viable. Je ne pensais même plus à Eirik.

Et pourtant mon salut vint de lui. Je m'effondrai sur le sol alors qu'il récupérait la lampe tout en faisant taire la dame avec son eau. Je ne pus m'empêcher d'éclater d'un rire nerveux -et même hystérique dirait certain- alors qu'il disait être le seul à avoir le droit de me faire aussi peur. Il la tua sans état d'âme, clairement mais il me fallut encore quelques minutes pour cesser de rire comme un fou.

-Merci.

Je finis en fumée en bas mais je pus venir l'enlacer au plus vite.

-Merci, merci, merci, merci...

Je n'avais plus du tout envie de le lâcher. Surtout que quelque chose me disait qu'on en avait pas complètement fini pour cette soirée. Le pire, ce fut que mon estomac osa gronder. Comment pouvais-je encore avoir faim après ça ? J'embrassai Eirik et esquissa un pauvre sourire tout en faisant attention à ne même pas frôler la lampe.

-Tu crois que monsieur Dragon voudra bien la détruire ?

Je réussis à me refaire des jambes. Je ne savais plus quoi faire mais sûrement que mon vampire aurait la solution parce que moi, c'était la débâcle complète.

Eirik qui me faisait un câlin après m'avoir sauvé. Merci pour ce genre de petits cadeaux, j'avais tellement besoin d'être rassuré. Comment pouvait-on essayer de faire ça à quelqu'un et pouvoir encore se regarder dans la glace polaire ? Enfin, elle ne risquait plus de se regarder mais voilà quoi... Elle n'allait pas me tuer mais me priver de ma liberté éternellement sauf si un dragon avait la bonté de me détruire la lampe. Enfin, ça n'était pas arrivé et ça n'arriverait pas. Je savais combien je me serai brisé si j'avais été emprisonné.

Et en plus, il allait convaincre monsieur Dragon. Parce que si cette lampe n'existait plus, ce serait juste un profond soulagement pour moi. Moins y'en avait et évidemment mieux je me portais. Après, j'étais conscient que pas tout le monde connaissait la formule pour lier un djinn à une lampe mais quand bien même...

-J'espère qu'il comprendra, oui. Si c'est un très vieux dragon, sûrement qu'il sera raisonnable.

En tout cas, je croisai les os comme sur les drapeaux pirates. La suite me surprit tout de même un peu. On finit dans un snack et je mangeais ce que commanda Eirik sans même penser à m'en plaindre. De toute façon, j'avais trop faim, à croire que ma grosse panique m'avait vidée l'estomac. Tout en mangeant, je l'écoutai mais ne répondit pas de suite, puisque j'avais la bouche pleine.

-D'accord. On dort chez moi ou chez toi ?

Peu m'importait en vérité mais pour le coup, il était hors de question que je rentre dormir tout seul. Je voulais mon doudou. Ou mon vampire. Hum, s'il avait entendu mes pensées là, il n'aurait pas apprécié que je le vois comme une peluche. Il n'avait rien d'une peluche en fait, mais il me rassurait, ça c'était certain.

-Tu es toujours en colère... Ça me fait un peu bizarre que ça ne soit pas contre moi. Mais j'en suis content, hein.

Je n'avais pas envie d'attirer son tonnerre sur moi. Ou ses foudres...Argh, je commençais à fatiguer, trop d'émotions sûrement. Dès que j'eus fini de manger, nous retournâmes sur le marché. J'achetai une pomme d'amour au passage même si je me demandai ce qu'une confiserie faisait encore ouverte à cette heure-ci.

-On est toujours observé... Peut-être qu'on ferait bien de juste rentrer...

A peine eus-je fini ma phrase que des hurlements se firent entendre. Le cerbère venait de se libérer et il était déjà en train de broyer des personnes avec ses crocs. Je soupirai. Oui, oui, je soupirai.

-J'aurais jamais cru qu'ils seraient aussi stupides.

Un exorciste essayait de renvoyer l'animal aux Enfers, d'autres créatures s'étaient libéré, les esclaves s'étaient rebellé et certains s'enfuyaient. Une véritable cacophonie s'installait et partout autour de nous, c'était la folie maintenant.

-Ahem... C'est moi ou tout le monde est nul là ?

C'était drôle, après toute la panique que j'avais vécu, je me sentais complètement blasé maintenant. Fallait dire que je ne risquais rien. Je me changeai en fumée et le tour était joué. Je regardai Eirik et lui indiquai les toits. Ce serait le moyen le plus simple de partir, non ? Sauf que ceux qui nous avaient observés depuis un moment sortirent de leur cachette.

Ben dis donc... Eirik devenait de plus en plus sérieux quand il s'agissait de ma sécurité, c'était un peu... Surprenant. Je n'avais pas du tout l'habitude qu'on me protège. Ça me faisait chaud au cœur et en même temps, je me demandais bien ce que ça pouvait cacher. Parce que ce genre de réaction, ça cachait forcément des trucs. Et le problème, c'était qu'Eirik adorait me cacher des trucs à moins que ça ne soit juste plus fort que lui, ce besoin de faire le vampire mystérieux. A méditer.

Enfin, le repas avalé, et plus rassuré, le reste de la balade me paraissait aussi absurde et amusant que ce qu'il se passait en général dans ma tête. L'anarchie totale du marché noir maintenant que le cerbère croquait des gens, que les esclaves tapaient les maîtres et que ça criait de partout... J'avais l'impression d'être dans une fête foraine morbide. J'avais tout de même envie de rire malgré mon espèce d'impression blasé.

En fait, ce qui me donnait envie de montrer de la joie, c'était le sourire d'Eirik.

-A croire que tu aimes l'anarchie autant que moi ! C'est chouette, ça.

Mais ce ne fut pas le cas de la suite.

-Non, je ne les connais pas et ils ne veulent pas faire un vœu.

J'étais de nouveau à moitié en fumée alors qu'Eirik s'énervait à nouveau. Il n'aura que fait ça depuis que la nuit est tombée en fait. Mais j'étais un peu soûlé par tout ça même si je n'avais pas pris une goutte d'alcool. Alors pour une fois, j'agis de moi-même, créant de la fumée qui alla s'installer dans les poumons des deux hommes. Ils se mirent à tousser et essayer de recracher et je regardai Eirik, lui permettant de faire ce qu'ils voulaient d'eux.

Parce que plus vite ce serait fait, plus vite on serait tranquilles et je n'avais nullement envie de discuter avec eux. Je préférais m'amuser de tout le cirque qui se passait autour. Le cerbère était parti pour continuer puisqu'il avait tué l'exorciste.

-Quand même, on pourrait croire que tout le monde sait ce qu'il fait ici, et au final... Comme quoi, ce marché noir la nuit, c'est vraiment n'importe quoi.

Un vendeur qui bataillait avec un esclave me regarda d'un air outre mais je ne fis que lui sourire. Il n'y avait que la vérité qui faisait mal. Et franchement, pour une première sortie entre nous, la fin n'était vraiment pas à raconter. J'étais à la fois content et déçu de ma journée ce qui me donnait l'impression d'être bipolaire.

-Tu m'emmèneras en voir un autre ? Pendant un weekend, celui où tu as tes habitudes. Ce serait bien.

Je me dirigeai vers la sortie avec mon vampire, léchant toujours le sucre de ma pomme d'amour.

-Merci pour cette sortie avec toi.

Je me collai à lui, content de laisser derrière nous que des problèmes. Ce serait presque à croire qu'on les avait tous créés. Je regardai Eirik et rit. En fait, oui, on avait bien aidés.