Ça n'était plus Noël depuis un moment mais j'avais toujours des chants de cette période dans la tête. Après tout, j'avais en effet passé un premier vrai bon Noël. Même si j'avais fini complètement épuisé à l'époque, faire l'amour toute la nuit, ça épuise. Sifflotant malgré moi, je voletais tout contre le plafond de la salle commune de ces chers élèves qui allaient avoir une sacré surprise le lendemain matin. Je ne savais pas du tout qui allait se prendre ce seau de chocolat fondu qui ferait sentir comme du pain d'épice mais je savais que j'allais bien rire parce que rire était bien sûr tout le but de la manœuvre.

En y réfléchissant, si ça tombait sur le coup de cœur de Maks', mon ami élève, ce serait amusant. Peut-être qu'il aurait envie de le lécher... Hum, j'étais un peu plus pervers, moi. Fichu vampire !

Personne ne m'avait remarqué jusque là. Il fallait dire qu'avec le mauvais temps qu'il y avait, peu de gens pensaient à lever le nez vers le plafond. Et c'était tant mieux pour moi, parce que les préparatifs prenaient déjà plein de temps alors si ça ratait au moment de la mise en place, c'était juste triste à mon sens. Par ailleurs, je me demandais si Maks' avait trouvé d'autres blagues pour le premier avril... Devoir le laisser pour mon rendez-vous avec Alphonse, mon ami écrivain, m'avait un peu embêté, surtout que c'était moi qui l'avait lancé sur le sujet.

Et qu'en plus, ça n'avait pas du tout plu à Eirik... De toute façon, c'était couru d'avance cette histoire...

Ce fut alors que je sursautai à cause d'un éclair qui déchira le ciel. J'eus l'impression d'être illuminé comme une de ses fameuses grottes du pacifique pleines de vers luisants. J'y étais allé une fois, j'avais trouvé ça plus amusant que poétique. Sans doute que je n'y avais pas été avec le bon état d'esprit mais en réalité, je ne savais pas trop quel était l'état d'esprit recommandé, surtout quand on était un intellectuel qui préférait étudier que rêver. Quoique je rêvais pas mal puisque l'éclair m'avait surpris, non ? Je me rendis alors compte que le seau de chocolat fondu m'avait échappé - il était peut-être temps que je le note d'ailleurs - et qu'il avait atterri sur quelqu'un.

-Mince alors ! La blague était sensé être pour demain matin !

J'avais tout foiré à penser à des chiens-loups qui aveuglaient les gens en aboyant. Oui, je savais que le concept était bizarre mais ces dits chiens-loups l'étaient aussi. Peu de gens les considéraient comme tels et beaucoup les craignaient. Personnellement, je les avais trouvés mignons mais de toute façon, mon avis sur ce genre de choses était toujours très bizarres. Je me laissai tomber du plafond, retirai le seau sur la tête de l'élève. Oh, mince, une fille en plus...

-Désolé, ce n'était pas sensé tomber sur vous, en fait, je préparais une farce qui devait tomber sur quelqu'un d'aléatoire demain mais l'éclair m'a fait peur. Ça va aller ? C'est juste du chocolat fondu, promis. Je me suis dit que de la boue, ce serait vache. Sans compter que quelqu'un aurait pu être allergique à la composition de ladite boue et je ne veux pas envoyer quelqu'un à l'infirmerie. Vous me direz, il y a aussi des gens allergique au chocolat... Ah mince, il faut vraiment que je trouve autre chose, je ne veux pas faire tomber quelqu'un malade... En plus, les directeurs me disputeraient, tout comme Eirik et Eirik, quand il me dispute, c'est pas chouette...

Oh... Hum... Je devais l'avoir un peu soûlé la pauvre élève. Je lui donnais des mouchoirs pour s'essuyer un peu avec un sourire penaud. Il fallait vraiment qu'un de ces jours, j'apprenne à me taire, surtout quand je commençais à être stressé. Elle n'allait pas pleurer, hein ? En plus, il n'y avait personne pour la voir couverte de chocolat donc pas de raison de se sentir humiliée à cause de ce que j'avais fait malencontreusement. Hein ?

-Oh, euh... Je ne vous reconnais pas... En même temps, je reconnais peu de gens, je suis nul en physionomie. Vous êtes ?

Il semblait qu'au moins, mon chocolat n'était pas complètement perdu puisque je vis que la demoiselle était plus ou moins en train de se lécher les doigts et les lèvres. Oui, j'avais tout de même pris du bon chocolat pour ma farce, après tout, ça avait été dans l'optique que Maks' lèche son ami elfe. Même si je savais bien que je ne devrais pas me mêler des affaires de couple des autres. Par contre, pourquoi la demoiselle me regardait bouche bée. Certes je l'avais inondé d'informations - tiens, j'arrivais à rester sur un thème aquatique même si techniquement le chocolat n'était pas un liquide... - mais ce n'était pas une raison pour m'observer de la sorte ! Non ? Si ? Ouistiti ?

Au moins, elle voulait bien de mes mouchoirs qui n'avaient été là que pour son visage. Elle allait être obligée de passer à la douche mais de toute façon, comme il semblait qu'elle venait de l'extérieur et vu le déluge qui s'y déroulait, ce n'était pas plus mal qu'elle ait une raison de plus pour finir sous une eau chaude et relaxante. Du moins, je me consolais en me disant cela parce qu'elle allait sûrement m'en vouloir. Je savais que les filles avaient en horreur qu'on touche à leurs cheveux. Sauf que c'était la faute à ce fichu éclair qui m'avait surpris !

Aussi, quand elle rigola, je fus un peu perplexe mais je lui serrai tout de même la main, me moquant qu'elle finisse pleine de chocolat. J'en avais vu d'autres.

-Oh, enchanté dans ce cas, mademoiselle Andar ! Et bienvenue parmi nous ! On est un peu fous pour certains mais on ne mord pas tous.

Pas que j'étais fou ou peut-être que si en fait. Faudrait que je demande à Eirik.

-Je suis Ambroise Poitiers, le bibliothécaire ! J'espère vous voir bientôt rôder dans les rayons !

Et je fus surpris qu'elle aille aussi rapidement dans les questions pas si indiscrètes mais tout de même, c'était rare qu'on me demande ma nature comme deuxième quoique là c'était troisième question. Je ne pus m'empêcher de rire tout en nettoyant ma main avec le dernier mouchoir en papier que j'avais. Le chocolat répandu sur le sol se mit soulever par une plaque de fumée et finit à nouveau dans le seau.

-Je suis un djinn, j'exauce les vœux des gens contre une certaine rétribution.

Je n'allais pas dire laquelle puisque la rétribution en question n'était jamais fixe. En tout cas, la demoiselle était bien curieuse mais elle avait raison de l'être, tant qu'elle l'était avec les bonnes personnes. Je n'imaginais pas ce que ça donnerait si elle tombait sur Eirik. Enfin, je n'avais pas tout à fait fini de lui répondre.

-Comme je suis composé de fumée, je ne sais pas si l'on peut réellement dire que je vole. Je suis simplement bien plus léger que beaucoup, beaucoup de gens. Mais permettez que je vous retourne la question, qu'êtes-vous, mademoiselle Andar ?

J'espérai qu'elle s'intégrerait bien ici. Elle semblait toute mignonne et gentille, il n'y aurait pas vraiment de raison pour que cela ne soit pas le cas. Ma fumée continuait de racler le chocolat, ayant presque tout récupéré sauf bien sûr ce qui collait à la demoiselle. La pauvre, ça la rendait un peu ridicule. J'allumai les lumières pour lever les yeux au plafond. Tout mon système de cordes était à refaire. En fait, je n'aurais même pas le temps de recommencer et je n'avais plus de chocolat. J'eus un soupir déçu.

-Bon, ça m'évitera les ennuis quelque part mais ça reste dommage. Si ce fichu éclair ne m'avait pas fait sursauter...

Je revins à la demoiselle.

-Etes-vous sûre que ça ira ?

Ah, une élève qui aimerait donc passer du temps à la bibliothèque ? Voilà une nouvelle qu'il me plaisait toujours d'entendre et j'espérais que mon classement et mon choix dans les livres non scolaires sauraient être aussi à sa convenance. Cependant, malgré son rire quelque peu... Niais ? quelque chose me dérangeait chez elle sans que je sache ce qu'il en était réellement. Juste ça n'allait pas et je ne saurais l'expliquer. Ça viendrait sûrement, après tout, j'étais habitué à percer les mystères.

J'étais certain que dans son esprit, elle était en train de me comparer à un génie. Cependant, comme elle ne le faisait pas à haute voix, je n'allais pas lui en tenir rigueur. Je savais bien que les gens ne pouvaient s'empêcher de le faire mais ça restait vexant quelque part pour ceux de ma race... Probablement parce que les génies ne demandaient rien en retour alors que nous, les djinns, non seulement on prenait quelque chose mais en plus, nos services pouvaient réellement coûter très chers. Par contre, c'était à croire que la demoiselle avait croisé peu de créatures puisqu'elle continuait à rêvasser sur les informations que je lui avais donné. Elle finit néanmoins par me répondre.

-Oh, Eirik aussi est un vampire ! Vous le rencontrerez sûrement, c'est le professeur d'histoire de l'établissement. Il a un frère aussi, qui est le professeur de musique alors ne soyez pas étonnée d'entendre qu'il y en a deux.

Donc, je connaissais maintenant trois vampires dont l'un vraiment très intimement. Puisque j'étais son amant. La suite me laissa grandement perplexe. Elle se tenait la tête comme si elle souffrait, le seau avait tapé aussi fort que ça ? D'accord il avait été plein de chocolat mais quand même, un vampire c'était résistant justement. Alors pourquoi elle était dans cet état ? Au final, je risquais bel et bien de me faire crier dessus... Je ne voulais pas moi !

-Il faudrait que je vous emmène à l'infirmerie ?

Un vœu ? Elle voulait émettre un vœu, sérieusement ? Elle avait entendu le mot rétribution juste derrière ? J'étais gêné, je n'avais jamais fait commerce avec un élève jusque là mais techniquement, je ne pouvais pas refuser. Si je pouvais l'exaucer, je devais me mettre au boulot et c'était tout.

-Eh bien il faut que je sache ce que vous voulez, mademoiselle...

J'avais mis un peu de temps à répondre tellement j'étais choqué. Si on m'avait dit qu'en essayant de mettre en place une blague, j'aurais droit à cela... Je remarquai que ses yeux changeaient de couleur passant de l'or au... rouge sang ? Vraiment ? Après, je savais qu'il y avait des catégories chez les vampires mais ça me semblait vraiment très étrange. En plus, elle m'avait agrippé comme si ma réponse allait la sauver ou la détruire... Je détestais me sentir comme un prophète, merci. Quand elle tomba à genoux, j'en mis un à terre pour me mettre à son niveau.

-Mademoiselle Andar ? Qu'avez-vous donc ? Et quel serait votre vœu ?

Pouvais-je vraiment faire cela ? M'en voudra-t-on d'avoir fait ce pour quoi je suis né ? De m'être nourri sur une élève fraîchement arrivée ? Tant de questions, aucune réponse. Je posai une main sur son épaule, pas sûr de ce que cela donnerait. De toute façon, si elle tentait de m'attaquer, je saurais l'éviter. Et puis ça lui donnerait tellement d'ennuis puisque Eirik ne laisserait jamais quiconque lever la main sur moi sans représailles.

-Je ne pense pas que ce soit une si bonne idée pour vous de faire commerce avec moi mais si vous en avez si besoin, je passerai mes réticences.

Je me demandais bien ce que j'allais lui prendre...

La débarrasser d'elle ? Elle voulait se suicider ? Si oui, elle n'avait pas besoin de moi. Qu'est-ce que c'était que ce cirque à la fin ? Elle devait être fatiguée et l'épuisement la faisait très certainement délirer. Ah, ça pouvait vraiment être très fragile les élèves... Par contre, je n'allais pas la porter, elle laisserait son odeur sur moi et je préférai ne pas énerver encore Eirik. En fait, parfois, j'avais plus l'impression de passer mon temps à essayer de ne pas l'irriter. Mauvais.

Puis d'un seul coup, la température tomba alors qu'elle changeait un peu d'apparence. Ce n'était grand chose puisque ses cheveux se firent plus longs et que ses yeux restèrent au rouge sang. Cependant, je sentais que je mettais enfin sur le doigt sur ce qui clochait chez cette fille. Elle me repoussa violemment, me faisant tomber par terre. J'aurais pu être choqué mais le rictus m'avait d'avance donner une idée de comment elle voyait le monde. Restant par terre, je penchai la tête alors qu'elle m'appelait "mon petit père".

-Je vous assure que ce n'est pas possible, je ne me serai jamais permis d'avoir un enfant. Et Eirik est le premier vampire avec lequel je suis, d'habitude, je couchais avec des humains.

Bien que je pensais qu'elle n'avait pas dit cela au sens littéral, je préférai prévenir, on ne savait jamais avec les psychopathes, ils étaient réellement capables de refaire la réalité comme ils l'entendaient si on ne les contredisait pas. Et je n'avais pas du tout envie qu'elle m'appelle papa. Ça me mettrait dans de tels ennuis que je me terrerai sûrement dans ma grotte pour y échapper. Je levai un sourcil quand elle me choppa par le col, retenant un sourire goguenard. Elle faisait petite frappe alors qu'elle était tellement mignonne en fait. Mais si je lui disais ça, elle le prendrait mal...

-Pour le réaliser, il aurait déjà fallu qu'elle soit plus précise. Enfin, je suppose que quand elle disait vouloir se "débarrasser d'elle", c'était de vous dont elle parlait. En fait, c'est un dédoublement de personnalité. Fascinant.

Par contre, je n'avais pas peur, sa menace était aussi mignonne qu'elle. Si elle n'avait pas de lien avec l'eau, elle ne pourrait pas me tuer. Par contre, je n'aurais aucun mal personnellement, je pouvais m'infiltrer dans ses poumons, son cœur et son cerveau et à un moment donné... Il n'y aurait plus rien. Bien que je ne le ferai pas, je n'aimais toujours pas tuer et je n'étais pas méchant à ce point là. Elle m'amusait beaucoup malgré moi, elle avait un sens du mélodrame la deuxième personnalité.

-Oh... Mais vous savez, ce n'est pas moi qui demandait à exaucer son vœu. Et vous ne pouvez pas m'en vouloir de vouloir me nourrir. Cependant, je ne peux décemment pas tuer qui que ce soit, je n'aime pas ça alors il semble que son vœu me soit hors de portée. Je le lui dirais.

Par contre faire ça... Je ne pus m'empêcher d'avoir l'air triste et dépité quand elle détruisit mon système pour ma farce. Pourquoi avait-elle fait ça ? C'était inutilement méchant ! Je me relevai lentement alors qu'elle me demandait où était les douches. La pauvre, chaque chambre avait une douche. Par contre, elle allait me payer ce qu'elle venait de faire. Déjà parce que je m'étais excusé envers son autre moitié et ensuite parce que ce n'était pas ma faute si son autre moitié ne supportait pas de vivre avec elle. Vu son sale caractère, ça pouvait se comprendre. Mais décidément, tous les vampires avaient un souci. Tous des grognons.

Sans prévenir, j'enroulai ma fumée autour de la demoiselle pour l'emprisonner et je récupérai la clé de sa chambre. Je lus le numéro et je me dirigeai vers les escaliers. Incroyable, il fallait vraiment apprendre aux enfants à respecter leurs aînés... Hum, ça sonnait comme Eirik ça...

-Je vais vous montrer moi... Vous devriez faire attention, il faut toujours être sûr d'être plus puissant que la personne qu'on attaque méchamment. Sinon, elle peut se venger.

Et j'allais le lui prouver.

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