Alyss est née... Eh bien en fait elle ne sait pas exactement où elle est née. Mais bon cela n'a pas vraiment d'importance. Il vous faut juste savoir que c'était il y a dix-sept ans. Un point c'est tout. A l'époque elle n'était guère plus qu'une petite lamia criant  pour avoir droit à un peu de lait -déjà gourmande comme pas deux- Sa petite queue enserrant le bras maternel pendant qu'elle tétait goulument. Sa mère avait choisi son nom à partir d'un nom humain dont elle appréciait la résonnance mais ayant quelque difficulté à prononcer le "Ice" d'Alice, elle avait quelque peu changé pour son propre confort.  Voilà la raison pour laquelle Alyss possède un nom aussi particulier.

Pour que vous compreniez bien son histoire, il faut que je vous explique un tant soi peut le fonctionnement de la société des lamias. C'est assez simple, il n'y a que des lamias femelles. Leurs membres peuvent s'accoupler avec plusieurs autres races, les humains prédominant, et le descendant sera toujours une petite fille lamia. Il n'y a pas de hiérarchie ou de réelle organisation. Chaque Lamia est indépendante. Il peut y avoir quelques liens entre les lamias d'une même région ou d'une même famille mais rien d'aussi concret que dans la plupart des autres races. La mère transmet à sa fille la plupart de ses connaissances et lui apprend à maîtriser ses pouvoirs. Dès qu'elle est autonome et assez âgée, en général vers ses seize ans, la jeune lamia est encouragée à quitter sa mère et à trouver sa place dans le monde. Il faut aussi savoir que les lamias ne sont pas très bien considérées par les autres races, ce qui rend leur intégration assez difficile.

Ce fut à peu près la même chose pour Alyss. Sa mère et elles étaient très proches. Autant que peuvent l'être deux lamias, mais pas plus. Elles voyageaient énormément. A vrai dire, Alyss a passé quasi toute sa vie sur les routes. Sa mère profitant surtout de ses pouvoirs pour  assurer leur subsistance. C'était impressionnant de voir comment elle pouvaient convaincre une pauvre personne de lui donner tout ce qu'il avait de précieux sur lui et de voir leur victime s'exécuter avec le plus vif empressement et le sourire aux lèvres. Bonne pour ne se rendre compte de ce qu'elle avait fait que après qu'elles soient parties.

Malgré tout l'enfance d'Alyss ne fut pas de tout repos. D'abord parce qu'elle ne cessait d'échapper à l'attention de sa mère pour aller vagabonder, ensuite parce qu'une vie sur les routes n'est pas des plus simples. Elles s'installaient régulièrement pour quelques temps dans des lieux abandonnés ou dont elles charmaient l'occupant pour rester. Cela variait, quelques jours la plupart du temps, un mois ou deux plus rarement. Le record a été de trois mois et douze jours. Elles restaient en mouvement pour leur protection mais cela a empêché la lamia d'avoir beaucoup d'amis...

Deux événements marquèrent fort Alyss dans son enfance.

Le premier fut à ses huit ans. Elle s'était éloignée de sa mère et était arrivée le long d'une petite crique dans le sud de l'Espagne. Le coin était désert et la petite pouvait se balader tranquillement sous sa forme originelle. Lorsqu'elle alla jusque dans la crique, elle remarqua les sirènes qui y nageaient. S'amusant dans l'eau peu profonde, ces poiscailles s'adonnaient à des jeux qui semblaient terriblement amusants à la petite lamia. Croyant naïvement que tout ce qui a une queue comme la sienne est gentil, elle s'approcha en oubliant toutes les recommandations de prudence maternelle. Les sirènes étaient stupides, tout simplement. Du moins c'est le souvenir qu'en garde Alyss. Pour elle aujourd'hui, ce ne sont guère que des poissons idiots doués de la parole. Oui elle éprouve un vif ressentiment envers cette race. Tout simplement parce que ne sachant pas nager, elle glissa rapidement dans l'eau et manqua de peu de se noyer et que les sirène riaient de son incompétence à se déplacer rapidement dans un milieu aquatique. L'un d'eux voulait même tenter de l'attirer dans les haut-fond pour lui apprendre à sa nager... Probablement une dizaine de mètres en dessous du niveau de la mer pour plus de facilité, ne se rendant pas compte qu'elle avait besoin d'oxygène elle ! Elle fut sauvée par l'arrivée in extremis de sa mère, furieuse... Son arrière train s'en souvient encore. Elle en garde une aversion pour les sirènes et un dégout de l'eau particulièrement vif.

Le second arriva peu après. Alors qu'elles s'étaient installés dans un vieux château à moitié en ruine dans un coin perdu de France. Il semblait inhabité mais était la demeure de quelques  fantômes des plus espiègles. Ces derniers ne craignaient pas leurs visiteuses puisqu'elles étaient elles aussi des monstres et se montrèrent dès qu'elles furent convaincues qu'il n'y avait pas de danger -bien que pour un fantôme, la notion de danger soit plutôt relative- Sa mère n'y prenait garde et trouvait même que Alyss aurait dû surmonter sa peur face à eux. Mais ce fut tout le contraire, elle n'arriva pas à les ignorer et finit tremblant e dans un coin, pleurant toutes les larmes de son corps la queue enroulée autour d'elle en se balançant doucement jusqu'au matin. Cela marqua à jamais son esprit, elle reste encore terrifiée à la simple idée d'entrer dans un manoir hanté.

Il y aurait énormément d'anecdotes à raconter. Son apprentissage de ses pouvoirs, les nombreuses rencontre qu'elle fit. Néanmoins il n'y en a aucune qui soit si exceptionnelle qu'elle mérite vraiment d'être racontée. Passons plutôt à ses seize ans. Comme le veut la coutume, Alysss quitta sa mère. Elle fut attirée par le monde humain auquel elle n'avait jamais vraiment pris part. Elle l'avait visité, côtoyé mais toujours avec une marge de prudence. Elle se fit passer pour une humaine pendant presque un an, apprenant de ses erreurs et du lycée dans lequel elle s'était inscrite en manipulant le directeur de l'établissement pour qu'il fasse de faux-papiers et lui permette de suivre les cours. Sa plus grande erreur fut de révéler son identité à une camarade la fin de la première année. Elle était encore fort naïve à l'époque. Cela eut aussi l'effet bénéfique de lui apprendre énormément de choses. Dont que même une bonne amitié a ses limites quand il s'agit d'humains. Ils sont prompts à s'effrayer et vous trahir.

S'étant dévoilée, elle s'était mise en danger. Alyss fila sans demander son reste. L'affaire fit peu parler d'elle mais assez toutefois pour qu'un des traqueurs la poursuive et ne glisse une tablette dans son sac. Autant dire que c'était la solution à ses problèmes. Peut-être qu'après tout là-bas elle trouverait sa place ? Ne plus avoir à faire croire à tout le monde qu'elle était une humaine, à dissimuler ses pupilles avec des lunettes... Qu'elle pourrait ne plus avoir à retrouver sa forme naturelle dans des coins sombres et discrets avec la peur au ventre d'attirer l'attention.