Les jours sont tellement monotones... j'ai toujours pensé qu'ils se ressemblaient tous, mais jusqu'à présent, je n'en avais encore jamais vraiment été dérangé. Et pourtant, à en être réduit à rester sur la terre ferme, cloîtré dans ma solitude, je me sentais seulement vide. Désintéressé. En colère ? Ouais, carrément, envers tout et n'importe quoi, sans aucune logique. Bien sûr, la plupart du temps, j'étais maître de moi-même et de mes pensées, mais je n'avais aucune envie de me retreindre dans tout ce que je pensais et ressentais, pour la simple et bonne raison que ça faisait passer le temps. Quand c'était pas le cas, je dormais simplement. Ça me permettait de laisser à mon corps le temps d'assimiler les nouveautés sans trop me fatiguer.

Avant, j'aimais pas faire des cauchemars. Maintenant, plus ils sont horribles, plus je suis content, parce que j'espère que c'est Daeron qui passait dans le coin, et me les a provoqués. Mais bien sûr, j'en doute, je ne sens pas sa présence en me réveillant, et la plupart du temps, ils ne sont largement pas assez atroces pour être son œuvre. Par contre, celui que j'ai eu cette nuit, j'avoue que j'ai vraiment pas comprit. J'étais en train de nager, tout simplement. J'explorais les coraux colorés tranquillement, là où la lumière du soleil parvenait encore à percer, puis au détour d'un récif, j'ai croisé une citrouille. Sérieusement. Qu'est qu'une citrouille foutait au fond de la mer ?! Même en dormant, j'ai trouvé ça bizarre. J'ai essayé de me réveiller, mais sans y parvenir, alors que d'habitude j'ai aucun problème à faire ça. Je me suis retrouvé coincé par le corail pendant que la citrouille grandissait à vue d’œil et... j'aurais jamais pensé dire ça un jour, mais je me suis fait manger par la citrouille.

J'ai enfin pu ouvrir les yeux après ça, j'étais pas effrayé, mais bien septique, et étourdit. Je me sentais engourdit aussi, plus que d'habitude. Les méthodes avaient beau être différentes, je reconnaissais le même genre de sensations qu'en entrant en terrain d'entraînement. Je sentais le froid tout autour sans qu'il ne m'atteigne, et même si c'était effectivement une simulation, je connaissais pas le lieu. Après, je comprenais pas ce que je foutais là, j'étais tout seul, allongé sur l'herbe humide. Je me suis levé, scrutant ce qui semblait être un labyrinthe en face de moi. J'imagine que ça devait être le chemin... Sauf que contrairement aux terrains, je sentais des présences. Les présences des élèves j'entends, alors j'imagine que je suis pas le seul à avoir été prit d'assaut par une citrouille.

Tout était sombre et brumeux, même moi j'avais du mal à voir très loin, mais ça m'empêchait pas de sentir je ne sais quoi remuer dans tout le labyrinthe. Est ce qu'il y avait aussi des monstres ? J'en doute, vu que les élèves étaient présents. C'était quoi le but de tout ça ? Soupirant, j'ai commencé à avancer, longeant la haie qui se croyait maligne à essayer de me choper avec ses racines. Si j'avais ma lance, j'aurais bien fait un peu de jardinage. J'étais franchement agacé. J'aurais pu me lancer direct sur le chemin en espérant finir le plus vite possible, mais j'avais juste envie de retourner dormir.

Il y avait un groupe d'élève un peu plus loin qui discutaient du lieu. Apparemment, quelqu'un en avait déjà fait le tour puisqu'il parlait de ce qu'il y avait à l'autre bout du parcours. Difficile de ne pas entendre, vu comme ils criaient rien qu'en discutant. J'avais aucune envie d'écouter ce qu'ils pouvaient se raconter en claquant des dents, mais j'entendais parler d'un bal... pourquoi encore un bal... après ce qu'il s'est passé la dernière fois, est ce qu'ils ont une putain d'idée d'à quel point je veux pas m'y pointer ?! Mais nan, les deux timbrés en font encore qu'à leur tête ! Et merde... j'ai tellement du mal à garder mon calme que l'air qui était déjà lourd et humide en devenait presque irrespirable pour les élèves qui se trouvaient non loin. Ils devaient rien comprendre, mais j'aurais si facilement pu noyer leurs poumons... non, en fait, j'ai sacrément envie de le faire, rien que pour faire chier les deux abrutis !

J'en pouvais plus de ces voix de gamins. J'aurais pu les noyer, ou juste traverser les haies qui nous séparaient pour venir les assommer, mais j'étais encore un peu trop clair d'esprit pour ça. Du coup, je me suis simplement mis à chanter pour leur faire bouffer la poussière, ne me préoccupant absolument pas de si les racines en profitaient pour les attraper ou non. Je m'en fous, j'allais pas non plus me salir les mains pour ça. Quant à la chanson, c'était un peu la première qui m'était venue à l'esprit, mais je la trouvais plutôt bien appropriée au lieu.


Fear of the dark - Iron Maiden

A part dormir, j'avais pas grand chose en tête pour le moment. Je voulais rentrer chez moi, me reposer, me rouler dans mes draps...mais nan, j'étais coincé là, et avec les bruits et les mouvements environnants, aucune chance que je puisse m'assoupir en me blottissant au pied d'un arbre crevé. Alors oui, du coup je me réveillais lentement, et la bande de mioches qui braillaient me tapait sur le système. Je les trouvais tellement pathétiques à claquer des dents pour un peu de brume. La chanson, c'était pour me foutre de leur gueule, mais je doute qu'ils soient capable de remarquer ce détail pendant que je les faisais s'écraser d'eux-même au sol, et se piétiner en essayant de s'extirper de mon emprise. Oui, parce que je ne prenais le contrôle que de leurs jambes, sinon c'est pas drôle.

J'en étais à peu près à la moitié de ma chanson quand j'ai sentit une présence qui m'a figé d'un coup. J'ai même presque faillit faire une fausse note. Mais non, j'ai continué à chanter comme si de rien n'était... alors que mon cœur s'était mis à tambouriner, et que je n'avais soudainement plus envie de torturer les gosses. J'ai pas vraiment bougé de là où j'étais... j'y ai pas vraiment pensé, je savais pas quoi faire. Je n'avais pas vu Daeron depuis la fois où mes pouvoirs avaient faillit me tuer. Je savais toujours pas comment me comporter envers lui.

Pendant un temps, il n'avait pas bougé non plus, mais mes lèvres continuaient à souffler les paroles sans que j'en ai réellement conscience. J'étais totalement absorbé par sa présence, j'aurais voulu juste fermer les yeux, profiter de son énergie que je sentais d'ici, en espérant pouvoir parvenir à sentir son parfum. Puis une fois ma chanson achevée, et les élèves enfuis aussi vite qu'ils le pouvaient, je me suis retrouvé un peu comme un con, toujours face au chemin du labyrinthe. C'est là que je l'ai sentit s'approcher, et quand il est entré dans mon champ de vision, mon regard s'est tout de suite accroché à lui, sans plus pouvoir s'en détacher.

C'est là que je me rends compte que ces derniers temps, je me laisse beaucoup trop aller à mes pulsions, au point de me sentir devenir un peu trop 'sauvage'... J'avais eu envie de le poursuivre, m'accrocher à lui. Je meurs d'envie de pouvoir toucher sa peau si froide. J'en oubliais presque de respirer. Puis il m'a sortit son 'commentaire', si on peut appeler ça comme ça. Je comprenais que c'était en rapport avec la chanson, et je comprenais aussi que pour lui, les paroles devaient être un peu grotesques. Seulement, je lui aurais bien balancé un 'toi-même' mais déjà que c'est ridicule et gamin, ça risque en plus de le contrarier. Je suis pas assez déglingué pour prendre le risque. Je suis juste resté planté debout, penchant la tête sur le côté sans que mon regard ne le quitte.

« Tu trouves pas ça approprié à l'ambiance ? J'trouve que ça correspond bien, ça mérite pas plus. »

Nan parce qu'il faut l'avouer, les élèves sont morts de trouille pour pas grand chose. Ou alors j'ai trop fréquenté Daeron. Bref, tout ça pour dire que j'allais pas chercher des paroles plus intenses que celles-là, et j'avais franchement d'autres idées en tête. Peut être que je devrais juste me jeter à genoux et supplier...

Tenue du soir!:

J'avais remarqué ma tenue en me réveillant, mais j'avais choisi de l'ignorer totalement. Franchement, ça me surprend même plus que les dirlo me fassent me balader à moitié à poil à chaque fois qu'ils font mumuse à m'envoyer je ne sais où. Par contre, ce que j'avouerai pas, c'est que je trouvais ça plutôt confortable. En revanche, j'avais absolument pas sentit le regard de Daeron sur moi, et c'était assez frustrant. Je sais qu'il avait fait attention à ma présence, mais pas autant que je voudrais.

Je l'avais regardé continuer à avancer, et si je n'avais pas franchement relevé sa première remarque, la deuxième m'avait fait hausser un sourcil.

« Stupide... ? »

Aouch. J'aime ce groupe, moi, même pour des humains je les trouve bons. Enfin, j'ai pas vraiment relevé ce détail, et j'ai simplement balancé mon poids sur une de mes jambes, celle pas couverte, la main posée sur la hanche.

« T'es trop coincé, j'trouve au moins ça divertissant. »

Ce que je remarquais surtout, c'est que Daeron avait pas l'intention de rester là. Il allait partir, et j'ai pas la moindre idée de quand je pourrais le croiser à nouveau. Ça pourrait être dans des mois, et attendre aussi longtemps, je le supporterais pas. J'ai enfin retrouvé l'usage de mes jambes, et me suis rapproché de lui à pas vifs, je voulais pas le laisser partir aussi facilement. Par contre, fallait que je retienne les gouttelettes d'eau qui se déposaient un peu partout sur les plantes et le sol de geler. Forcément, en me rapprochant de Daeron, j'ai toujours eu du mal à me contrôler, et là c'est le bordel, même si c'est léger, du givre est en train de se former lentement.

C'est dingue comme son énergie me fait de l'effet. Rien qu'en me rapprochant un peu, je la sens totalement m'entourer, ce qui est pas très étonnant d'ailleurs, il est dans son environnement, c'est normal qu'il soit en pleine forme, mais j'ai l'impression de me faire totalement engloutir, et mes pensées se brouillent. Au final, je lui ai juste affiché un grand sourire provoquant alors que je mourrais d'envie de simplement tendre le bras et l'atteindre.

« Tu veux que je te chante autre chose ? »

Tiens, ça faisait longtemps qu'on m'avait pas appelé 'gamin'. Ou alors c'est juste parce que tous ceux que j'ai croisé ces derniers temps n'ont pas survécu très longtemps à ma présence ? Par contre, j'avais pas du tout relevé le fait qu'il me trouve arrogant. Puis quand il m'a dit que ça m'arrangeait, j'ai haussé les épaules, pas tout à fait certain de savoir ce qu'il entendait par là.

« Ça dépend. »

D'un côté, ça fait le vide tout autour de lui, il s'attache à tellement peu de choses que non seulement je me sens spécial, mais en plus je sens pas de concurrence. C'est plutôt cool, même si parfois je suis plus sûr que mon statut soit très stable. D'un autre côté, ça rend aussi mes échanges avec Daeron souvent difficile, et là, c'est plutôt à ce point que je faisais allusion. Remarque, de toute façon je me vois assez mal parler tranquillement musique avec lui.

« Ça a ses avantages comme ses inconvénients. »

Je me suis quand même amusé à le regarder s'engager sur le chemin qu'il avait redécoré, et me suis pas franchement gêné pour le suivre. J'avais pas voulu faire chier les élèves à ce point, mais j'avoue que ça me faisait doucement rire. Puis c'est là qu'il s'est arrêté, et s'est tourné vers moi. Peu importe l'expression qu'il affichait, je sentais enfin son regard sur moi... j'en avais des frissons partout, j'aurais presque pu soupirer de plaisir !

Quand j'ai entendu sa remarque, il a bien fallu que je me reprenne un peu -juste un peu-, et alors qu'un mince sourire ornait toujours mes lèvres, j'ai instinctivement ramené ma main à ma gorge en haussant un sourcil.

« Nan, ça c'est t'assurer que je puisse plus chanter dans les jours à venir, c'est pas pareil. »

Est ce que cette éventualité me dérangerait ? Pas le moins du monde ! Je me gênais pas pour le dévorer du regard, savourant son énergie si proche, et pourtant trop loin. C'est de la triche, sa proximité me rend totalement dingue, et le voir aussi impassible me frustre. Et pourtant, alors que j'avais accidentellement refroidit l'environnement, mon corps était à la limite de bouillonner. Je pourrais presque croire que j'avais à nouveau de la fièvre. J'avais pas spécialement réfléchit en venant me rapprocher un peu plus de lui, profitant qu'il ne bougeait pas. Puis j'ai soufflé, presque comme une confidence :

« Avoue... ma voix te manque ! »

Prétentieux ? Moi ? À peine. Je sais que Daeron tient à moi. À sa façon. Autant qu'il en est capable... Bon, ça m'empêche pas d'avoir grave la trouille de lui, mais je suis au moins conscient qu'il me traite différemment. Quant au fait que je lui ai réellement manqué, non, j'y crois pas. Pas en aussi peu de temps, je ne doute pas qu'il ait eu de quoi s'occuper, et qu'il n'a probablement pas vu le temps passer. De toute façon, c'est pas comme si il avait la même emprise sur l'un comme sur l'autre. Dans tous les cas, j'avais amusé Daeron, et ça faisait tellement longtemps que mon sourire s'était élargit immédiatement.

« J'oserai pas... »

Comment pourrais-je oublier qui il est ? Je l'ai vu changer de forme sans vraiment me laisser le temps de réagir, et l'ai sentit se glisser dans mon dos, avant que des griffes ne viennent se glisser sur ma gorge nue. D'habitude quand quelqu'un me parle de me faire crier, je lui ris au nez, mais venant de Daeron, non seulement je ne peux que le prendre au sérieux, mais en plus je ne sais plus si ça me chauffe ou me glace d'effrois. Et pourtant, c'est la fin qui me fit le plus tiquer, et je pris quelques secondes pour répondre réellement, même si je n'en perdais pas pour autant mon sourire provoquant. Je ne prêtais aucune attention à mon souffle qui s'était accéléré, et qui faisait se soulever mon torse un peu plus vite que d'habitude.

« Ce que j'en pense ? Que tu ne veux pas que je meurs si c'est pas toi qui me tues. »

Puisque pour se défaire de moi, le seul moyen serait de me tuer. Bien sûr, il a pas précisé le dernier point, mais ça me paraît bien assez évident. Il m'a soigné alors qu'il était en colère, et a toujours pris plus ou moins soin de moi, même quand je faisais des conneries. Le jour où je mourrais, ce sera qu'il l'aura décidé, et l'idée ne me dérange pas tant que ça à vrai dire. Pourtant, j'ai pas prévu d'en finir maintenant, loin de là. Par contre... Doucement, je me suis tourné pour lui faire face, et ce fut mon tour de me glisser à son oreille, et chuchoter.

« Et que j'ai particulièrement envie que tu me tues d'une façon... bien précise... »

En guise d'illustration, le bout de mes doigts était venu parcourir son torse, descendant lentement pendant que ma caresse se faisait moins légère et parvenait à son bassin avec le plat de ma main, ramenant mon regard se plonger dans le sien.

Cette fois, j'ai eu droit à la confirmation orale qu'il ne laissera personne d'autre me tuer. Tant que je lui appartiendrait, il sera le seul à avoir le droit de décider de ma mort. Le jour où il ne voudra plus de moi, j'imagine qu'il me tuera, et si par malheur il ne le fait pas, je le ferais chier jusqu'à ce qu'il n'ait plus le choix. Ce sera lui ou moi de toute façon, les choses ne pourront pas se terminer autrement, si il ne me tue pas, je le tuerais, et savourais les restes de son énergie éternellement présente en mon corps.

Je ne m'attendais pas vraiment à ce que Daeron réagisse à mon geste, mais même si j'aimais voir son sourire, le fait qu'il reste aussi stoïque me vexait, m'agaçait, et me frustrait à la fois. J'aurais au moins aimé sentir sa peau frémir sous mes doigts, voir une lueur changer dans son regard, mais que dalle. J'aurais presque l'impression de n'avoir aucun autre intérêt que de l'amuser un peu. Remarque, c'est probablement le cas, et ça me fait chier. J'ai refoulé ces sentiments au fond de moi, mais la glace a immédiatement fondu, témoignant de mon changement d'humeur, même si rien de mon visage ou mon comportement n'en témoignait. De toute façon, il peut pas encore comprendre comment mes pouvoirs évoluent avec mon humeur,même si ça risque de ne pas trop tarder. Par contre, à sa pseudo question, j'ai rigolé.

« Pourquoi, t'as pas confiance en tes capacités ? »

Par contre, me prendre sous le bras, non merci, je m'en passerai. Je peux très bien me débrouiller tout seul. Enfin, je note qu'il veut que je l'accompagne. Il s'était éloigné de moi, et m'avait même carrément attendu une fois parvenu au croisement pas loin devant, auquel je n'avais d'ailleurs pas tardé à le rejoindre. Je me fiche totalement d'où on va, mais j'ai l'impression que Daeron connaît déjà les lieux. Remarque, vu la gueule de l'endroit, j'arrive même pas à être surprit.

« Moi qui pensais que tu serais ravi de traîner dans le coin... »