Je m'attendais vraiment à ce que Daeron s'énerve. Maintenant qu'il avait prit la potion, il allait redevenir lui-même, et j'allais m'en prendre plein la gueule, c'était une certitude. Je lui avais donné les raisons pour lesquelles j'avais écourté l'expérience, et je le trouvais un peu long à réagir. Après, j'imagine que la potion lui a retourné le cerveau, alors ça doit pas être bien surprenant. Enfin, il a reprit la parole, répétant d'abord simplement ce que j'avais dit, mais quand je l'ai vu attraper ma main, j'ai tout de suite comprit que quelque chose n'allait pas, même si mes neurones refusaient de se connecter de peur de mettre un mot dessus. Puis je l'ai vu embrasser ma main, et commencer à baragouiner des conneries, et mon esprit s'est fait totalement vide un moment.

Oh... merde... C'est pas vrai ?!

Je suis resté un moment, planté là comme un con à le regarder avec mon œil écarquillé de surprise. Pourquoi... Pourquoi ça fait pas effet ?! C'est quoi ce bordel ?! Qu'est ce que je suis sensé faire maintenant ?! J'ai à peine soufflé sans vraiment m'en rendre compte :

« Pourquoi... tu reviens pas... ? »

Sa proposition de retourner danser, et ses histoires de joie de vivre me donnaient la gerbe, mais surtout, je commençais à paniquer. Je voulais revoir Daeron, le vrai, quitte à ce qu'il me pète la gueule pour ce que j'avais fait, je m'en fous, mais pas ça ! Comment c'est possible qu'il reste bloqué dans cet état ? Combien de temps ça va durer encore ?! J'ai entendu du bruit autour de nous, un groupe qui se rapprochait de nous en s'amusant, et je crois que j'aurais pu les tuer sur le coup, ça aurait rien arrangé à la situation, mais ça aurait déjà été ça pour mes nerfs ! Au final, j'ai juste embarqué à nouveau Daeron pour l'emmener loin d'ici. Pas la peine d'aggraver les choses, et c'est sans réfléchir que je l'ai entraîné avec moi.

Arrivé chez moi, j'ai rageusement viré mon cache œil, le lançant par terre, et j'avoue que j'ai un peu sous-estimé mon état d'esprit. Les fontaines qui se trouvaient chez moi ont ni plus ni moins explosées, de l'eau jaillissant partout, non pas à cause de la pression, mais bien parce que mon énervement faisait réagir mes pouvoirs incontrôlablement. Enfin, j'ai ignoré tout ça pour pouvoir fouiller ma poche et balancer les fioles, les laissant s'écraser au sol, avant de me mettre à tourner en rond, passant mes mains dans mes cheveux. Je lui ai bien donné la bonne potion, et depuis le temps ça devrait avoir fait effet, je comprends rien ! Prit d'une pulsion, j'avais chopé mon canapé, l'envoyant voler à l'autre bout de la pièce, s'écrasant contre le bar dans un grand fracas.

« Pourquoi ça fonctionne pas ?! »

Je suis sensé faire quoi maintenant ? Lui en donner une autre ? Déjà qu'il faudrait que j'attende un moment avant de pouvoir me la procurer, si elle a pas fait effet une fois, je doute qu'une deuxième fonctionne. Je me suis laissé glisser le long du mur à l'ancien emplacement de mon canapé, finissant assit par terre à réfléchir. Il a bien bu toute la potion, qu'est ce qui a pu foirer ? En plus dans tous les cas la première devrait avoir cessé de faire effet maintenant, pourquoi ça continue encore ?

Je comprenais pas. Je comprenais absolument pas pourquoi la potion n'avait pas fonctionné. C'était impossible, j'étais pas allé la chercher chez un charlatant, et si l'envoûtement avait fonctionné, il y avait pas de raison pour que ça non ! En plus l'heure était largement passée maintenant ! Je comprenais plus rien. J'étais toujours assit par terre à me demander comment est ce que je pourrais arranger la situation, parce qu'il était impensable que je laisse les choses en l'état, et c'est là que Daeron en a remit une couche en me proposant un massage.

J'avais relevé le regard vers lui, pas du tout intéressé par sa proposition. Si je le laisse me toucher, je serais encore plus frustré que ça soit pas le vrai lui ! Bref, pas du tout emballé, j'ai pu que grimacer quand il me proposa en plus à boire. D'habitude, quand je suis en train de crever de soif à côté de lui, c'est tout juste si il me pousse dans l'eau si c'est à portée ! J'avais juste envie de lui dire de se la fermer le temps que je réfléchisse, mais j'ai trop l'habitude de surveiller mes paroles avec Daeron. Au final, il s'était retrouvé à malaxer mes épaules sans que j'ai trop dit quoi que ce soit, et j'étais juste complètement crispé. Si c'est grave ?! C'est une catastrophe, putain !

Mais alors sa connerie de prendre soin de moi tout ça, j'ai juste eu un haut-le-cœur ! Non. Juste non. Pas comme ça, c'est pas lui ! Je veux pas le voir comme ça ! Je veux juste qu'il revienne. Est ce que ça marcherait si je lui en collais une ? Remarque, ça aussi ça risque de raccourcir mon espérance de vie... quoi que maintenant que j'y pense, c'est le cas d'énormément de choses ! Je me suis dégagé de ses mains, m'éloignant un peu toujours en restant par terre et sans le lâcher du regard.

« Juste, arrête. Me touche pas. »

Le vrai Daeron ne m'écouterait probablement pas du tout, et déciderait très certainement de me punir. Ou alors il se barrerait tout simplement. Lui, j'en sais rien, mais j'espère qu'il va rester sage, et pas bouger de chez moi avant que j'ai trouvé une solution. Puis d'un coup, une pensée m'est venue... une pensées effrayante...

« Rassure-moi... t'es pas revenu, pas vrai ? »

Nan parce que si il reste coincé sous les effets de la potion pour je ne sais quelle raison tordue,  c'est chiant, mais ça s'arrange. Suffit juste que je trouve un magicien, et c'est bon, il me le répare, mais si c'est pas le cas... Ça voudrait dire que Daeron serait réellement revenu mais qu'il aurait choisir lui-même de continuer à se comporter de cette façon !

« Tu fais pas semblant ? »

Si il le fait exprès, ça veut dire qu'il est encore plus en colère que je ne le pensais, et qu'en plus je ne peux rien y faire ! Et là, je flippais grave en attendant une réponse. Franchement, je trouve ça encore pire, et je préfère de loin qu'il me colle une raclée plutôt qu'il ne continue comme ça, et que je ne puisse pas voir le vrai lui !

Daeron s'était bien levé pour aller me chercher un verre d'eau, et me le ramener en affichant une expression qui n'était pas la sienne, et qui me dégoûtait. J'avais déjà pas l'intention de le prendre, mais si en plus il en rajoutait en me disant qu'il voulait me rendre heureux... C'est des conneries, le vrai Daeron ne vit que pour lui-même, et la seule personne dont il se préoccupe est Nessa !

Son visage ne m'avait donné ensuite aucun indice pour savoir si il était réellement là ou non. Je doutais de plus en plus, parce que si vraiment il faisait semblant, ça ne serait pas si facile d'en être certain. Il a prit ma main, racontant encore des conneries qui m'insupportaient, et je l'ai retirée un peu brusquement avant qu'il ne pose ses lèvres dessus. J'en ai vraiment assez de ça, chaque seconde devient un peu plus intolérable, et je voulais remonter le temps, n'avoir jamais fait cette connerie.

J'avais un peu de mal à suivre toutes les conneries qu'il balançait, mais quand je me suis rendu compte qu'il voulait aller dehors, ce que déjà je considérais être une très mauvaise idée si il n'était pas redevenu lui-même, et puis quand il a fait remarquer qu'il allait faire jour, j'ai bondit sur mes jambes pour l'arrêter. J'allais pas en plus le laisser se blesser. J'ai juste posé la main sur son bras pour le retenir, et j'ai pas eu le temps de comprendre quoi que ce soit avant de voler à l'autre bout de la pièce, et buter assez lourdement contre un mur. J'ai juste eu le temps de relever les yeux vers lui, cette fois certain qu'il était bel et bien revenu, pour entendre ma propre voix retentir, me laissant tout autant sous le choc, mais ça encore, c'était rien comparé à l'effet que sa phrase m'a faîte, avant que je ne le vois quitter les lieux.

Lentement, j'ai glissé le long du mur jusqu'à finir au sol, simplement incapable de faire le moindre mouvement. J'aurais juré avoir entendu quelque chose se briser en moi, mais tout devenait beaucoup trop embrouillé, et tout ce que j'arrivais réellement à comprendre, c'était cette petite voix dans ma tête qui me répétait encore et encore 'Il ne veut plus de toi'. J'avais l'impression d'étouffer, et lentement, je me suis recroquevillé contre moi même, ramenant mes genoux contre mon torse et passant mes bras autour. Mes yeux s'étaient fermés, et je ne m'étais pas rendu compte que je m'étais mis à hurler à cause du vacarme de tout ce qui se brisait chez moi. Je ne sais pas combien de temps ça a duré exactement, je sais juste que l'eau a finit par envahir ma maison et que j'ai perdu connaissance longtemps après.