Ainsi donc, c'était aussi simple que cela. Son professeur principal avait lu son mail et l'avait invité à le rejoindre au milieu de la matinée dans les jardins. Il aurait pensé que cela se passerait dans la salle de musique mais il ne disait pas non à une rencontre dans un espace ouvert. Malgré le froid, les jardins restaient magnifiques et puisque l'homme qu'il devait rencontrer avait envie de se promener dans la nature, il n'allait pas lui dire non. Au contraire, cela l'aiderait sûrement à rester calme d'être à l'extérieur. Pas qu'il pensait que son professeur lui ferait peur, cependant... Eh bien... Comme il ne savait pas à quoi s'attendre exactement...

Alors qu'il parcourait une allée du point de rencontre, il se fit plus ou moins héler par un homme aux longs cheveux roux et... tatoué ? Vraiment ? Le jeune elfe ne sut qu'en penser alors que l'aura de son professeur sans aucun doute le frapper. Froide, presque incisive... Il se sentit un peu mal à l'aise mais il n'allait pas s'arrêter à une aura et rejoignit donc le... le vampire. Il écouta son professeur se présenter, s'inclina poliment devant lui, faisant tomber en cascade ses cheveux sur ses épaules. Il se releva en les repoussant en arrière.

-Bonjour professeur Ishirama, enchanté de vous rencontrer. Et oui, vous supposez bien.

Il s'efforça à sourire comme son vis-à-vis essayait de le faire... Sauf que de la part du vampire, ça n'était pas tellement rassurant. Il rangea ses mains dans ses poches.

Je n'aurais jamais imaginé un professeur de musique comme celui-ci. Note, je n'avais pas tellement de problème avec son apparence, bien que je trouvais assez étrange de se tatouer le front... Mais il avait une aura si froide. Et même sa façon de s'exprimer le laissait suggérer. Je gardais bien sûr une petite distance entre lui et moi mais c'était une chose que je faisais avec n'importe qui en réalité. Les seuls dont je supportais la proximité et le toucher étaient mes parent adoptifs. Je n'étais pas certain de pouvoir laisser mes frères et ma sœur biologiques posaient leurs mains sur moi. Enfin, ce n'était pas tellement le moment de penser à cela...

-Merci d'avoir accepté cette rencontre, merci, c'est très gentil de votre part de prendre du temps pour un élève qui arrive en cours d'année. J'espère que je ne vous dérangerai pas longtemps.

Je gardais un sourire timide, jouant avec la clé de ma chambre de ma main droite. Je me léchai les lèvres et laissai un moineau se poser sur mon col en fourrure alors que je cherchais un peu mes mots pour continuer.

-Tout d'abord, j'aimerai pouvoir récupérer les cours que vous auriez déjà donné depuis le début de l'année alors si vous aviez un élève assidu et de confiance qui pourrait me permettre de lui emprunter ses cours, ce serait déjà un recours agréable de votre part.

Lawrence réfléchit encore alors qu'il récupérait le moineau dans sa peau, le nourrissant d'un bout de pain. Il en gardait toujours sur lui en sachant que les oiseaux étaient toujours les premiers à venir le voir une fois que l'un d'eux avait répandu la rumeur d'un être pouvait communiquer avec eux. D'ailleurs celui-ci piailler énormément pour lui parler du ciel, de son nid et de la difficulté de se nourrir en hiver. D'où le pain qui lui rendait actuellement service. Il revint à son professeur, s'excusa de sa légère absence mais le bavardage de l'animal avait supplanté ce qu'ils avaient à se dire. Le moineau avait tenu à se faire entendre...

-Veuillez m'excuser encore, les oiseaux ne se rendent pas toujours compte... Enfin... Ensuite, je voulais vous demander comment vous pouviez m'aider à améliorer mes compétences en chant ? Aurais-je un programme spécial à suivre ?

Le jeune elfe était plus détendu grâce au petit volatile qui picorait dans sa main.

Rien à faire, vraiment ? Lawrence en doutait énormément, les adultes avaient toujours un tas de trucs à faire et même avec sa vélocité, il voyait mal le vampire devant lui finir toutes ses tâches plus ou moins obligatoires qu'il pouvait avoir. Il y avait même des adultes qui trouvaient que vingt-quatre heures, ce n'était pas assez long pour un jour... Mais ce qui lui aurait presque fait froncer les sourcils, c'était que c'était la deuxième fois depuis son arrivée qu'on le disait trop poli. Il ne savait pas réellement quoi penser de ce fait, il ne se trouvait pas plus poli qu'un autre elfe... Mais peut-être était-ce là le problème, en parlant comme un elfe parmi les siens, les autres personnes le voyaient trop obséquieux.

Oh, il avait donc déjà compris que je pouvais communiquer avec les animaux. Il semblait plutôt tolérant comme professeur malgré sa froideur apparente. Après, être distrait par un simple moineau aurait pu l'irriter. J'étais plutôt agréablement surpris qu'il le prenne ainsi parce que de toute façon, avec tous les animaux qui se promenaient dans l'école, j'aurais sans doute beaucoup de mal à me concentrer parfois. Je constatai aussi du coin de l’œil que mon professeur était capable de manier le feu. Ce qui expliquait peut-être son besoin de fumer mais après, on en venait à e genre de choses parfois sans que ce soit compréhensible.

-Oh, voilà qui est dommage... J'aurais préféré ne pas vous donner du travail en plus...

Un professeur qui ne faisait pas vraiment confiance à ses élèves... Lawrence se demandait bien pourquoi. N'étaient-ils qu'une foule un peu anonyme pour lui.

-Mais que voulez-vous dire par "ils ne se sont pas passé comme prévu" ? Si je puis me permettre de poser la question, bien sûr.

Il était intrigué pour le coup, qu'est-ce qui pourrait empêcher un homme si froid de mener son cours comme il l'entendait ? Ou qui ? Assurément quelqu'un de plus puissant et turbulent en prime. Mais Lawrence préférait laisser le vampire lui expliquer la chose plutôt que de continuer ses extrapolations diverses et variées. Au fond, on pouvait faire encore et tellement d'hypothèses sur le monde, les gens... Mais rien ne valait le fait de parler et d'apprendre la vérité ou les vérités que les personnes autour de vous pensaient détenir. Ou très peu de choses.

En tout cas, il était clair que le fait d'y repenser fatiguer pas mal son enseignant. Le moineau repartit après un dernier trille et le jeune elfe put laisser retomber son bras le long de son corps. Il avait bien écouté l'homme et finit par laisser voir un doux sourire suivi même d'un petit rire.

-Je n'ai pas tellement l'habitude de chanter dans un lieu aussi public mais je pourrais tout de même vous montrer un peu ce dont je suis capable.

Il se rapprocha un peu de son professeur pour être quelque peu caché par le bosquet. Bien qu'il allait se donner plus ou moins en spectacle, il préférait éviter d'amener les regards sur lui.

-Pour le violon, je compte là aussi m'améliorer. J'ai commencé à apprendre le trille du diable et il y a encore certains endroits où je bute, il est si technique.

Et je me mis à chanter. Ma voix de basse profonde se mit à résonner dans le bosquet, attirant tout un tas d'animaux comme toujours. C'était eux, mes premiers spectateurs. Je n'avais pas choisi une chanson très difficile pour un premier coup de feu, surtout que je ne m'étais pas échauffé si l'on considérait mon aubade matinale. J'évitai de regarder mon professeur alors que je poursuivais, laissant les paroles de Paris-Seychelles s'écouler hors de moi. Chanter, c'était presque cathartique. Je me sentais léger et vide à la fois. J'espérai qu'il ne serait pas trop dur même si je m'attendais à ce qu'il soit juste. Je voulais savoir ce que je valais, au-delà des émotions que je pouvais offrir

La chanson terminée, Lawrence attendit patiemment le jugement, récupérant quelques oiseaux sur ses épaules et même un pinson dans la main. Et du coup, ça piailla pas mal autour de lui mais même s'il les écoutait, il était prêt aussi à entendre son enseignant.

Hum, impressionnant, en moins d'une semaine, on lui parlait encore de ses fameux gardiens. Il devait vraiment être quelque chose puisque le vampire semblait assez énervé pour avoir envie de tuer. Du moins, c'était ce que son aura laisser apparaître et très franchement, Lawrence commençait à se demander s'il ne devait vraiment pas être encore plus prudent avec ces gens là. Il n'aimait pas tellement qu'on lui donne des impressions sur des personnes qu'il n'avait pas rencontré mais il ferait avec. Et puis, c'était lui qui avait voulu savoir en quoi l'enseignant avait eu des problèmes. Bien qu'en réalité, il s'était attendu à ce que ce soit des élèves qui ait fait des bêtises.

-Le professeur Drade m'en avait parlé quelques heures après mon arrivée, monsieur, je suis au courant de leur existence.

Le jeune elfe fronça un peu les sourcils face à la flamme. L'homme utilisait le feu comme moyen de se contrôler... Ça devait véritablement l'avoir atteint ce qu'il s'était passé... Lawrence se sentit rosir quand le vampire avoua être proche d'un des gardiens. Lawrence avait l'impression que son professeur avait tenté d'atténuer la chose mais sa façon d'agir ne mentait pas, elle.

-Je suis navré que cela ne se passe pas aussi bien que prévu. J'espère pour vous que les choses s'arrangeront.

Chanter m'avait fait un bien fou, vraiment. Je me sentais mieux même si j'étais toujours gêné du fait que monsieur Ishirama devait juger mes capacités. Je rosis malgré moi. Mes parents adoptifs m'avaient habitué à leurs compliments pendant ces dernières années mais c'était finalement des gens proches de moi, maintenant, ma famille. Alors qu'un inconnu sache dire aussi simplement qu'à son sens, j'avais du talent dans autre chose que "ça", c'était un plaisir et un soulagement sans nom. J'avais eu peur que... mon éducation spécial soit la plus forte. Je pouvais donc m'en sortir. Et je le ferai. Par contre, aller jusqu'à applaudir, ça n'était pas si nécessaire... C'était sûrement cela qui m'avait fait rougir. Enfin, j'apprendrai à faire avec s'il le fallait.

-Je ne suis pas réellement timide mais j'ai un peu de mal encore à me montrer. Je n'ai pas un passé très joyeux et...

Lawrence laissa son professeur terminer son petit speech. Et il prit un air parfaitement sérieux.

-Comme je l'ai dit au professeur Drade, je suis ici pour surmonter ce qu'il m'est arrivé et donner un sens à mon existence. Alors oui, je suis prêt à supporter la pression que vous mettrez sur mes épaules. Je veux devenir meilleur.

Je n'avais pas tellement envie de parler de cela et en vérité, je le ferai, mais seulement quand cela serait nécessaire. Ce n'était pas de la fuite, non, mais je ne savais jamais comment parler de ce qui m'était arrivé. Si seulement c'était simple... Le problème serait que ça enlèverait de la gravité à ce que l'on m'avait fait...

Lawrence s'inclina devant son enseignant.

-Je suis vraiment prêt, monsieur et j'espère ne pas vous décevoir.

Il fut troublé par un renard qui lui disait avoir mal à la patte. Il s'agenouilla pour examiner l'animal en murmurant des paroles calmantes. Il trouva une épine et la retira avec le plus délicatesse possible. Il caressa ensuite la fourrure feu pour rassurer la bête et lui expliquer le pourquoi du comment. Après lui avoir léché la main, le renard fila et le jeune elfe se redressa.

-Mes excuses pour cela. Puis-je avoir une idée de par quoi nous commencerons ? Voudriez-vous que je vienne en cours avec mon violon ?

Tout comme le professeur Drade. Autant Lawrence était étonné que le vampire lui avoue si facilement n'avoir pas lu tout son dossier, autant quelque part, cela le soulageait. Pas qu'il ne voulait pas que l'homme ne soit pas au courant parce qu'il finirait forcément par avoir une idée de ce qui lui était arrivé. Mais s'il n'était pas obligé à en parler aujourd'hui, ça lui allait parfaitement. Il avait l'impression d'un peu trop revenir sur son passé depuis qu'il était arrivé dans l'établissement. Pas qu'il voulait le fuir mais quand même... Ça réveillait des douleurs fantômes dont il se serait bien passé.

Quoiqu'il en était, il était bon de savoir que l'homme lui donnerait de son soutien pour qu'il avance. Si tous les professeurs étaient ainsi, il y avait de bonnes chances pour qu'ils trouvent son chemin plus facilement qu'il ne l'aurait pensé. Trouvé et il ferait le reste.

-Je vous remercie pour cela monsieur. Quant à mon passé, je suis certain que vous finirez par en savoir quelques petites choses dont la plus marquante et importante mais ce serait normal et je ne vous en voudrais pas.

Il remarqua que son enseignant cesser enfin de s'adosser à son frêne pour aller voir d'un peu plus près des élèves qui passaient aussi bien emmitouflés que lui dans leurs manteaux. Il y avait de quoi en plus, il faisait vraiment froid dans le coin, cela l'avait aussi surpris. Du moins jusqu'à ce qu'il voit le superbe palais de Glaces faits par les Directeurs comme lieu de détente pour l'hiver. Il y avait même une patinoire mais il ne s'était pas encore laissé tenter par la chose. Mais peut-être dans une nuit prochaine...

-Je le ferai, monsieur, soyez en sûr.

J'aimais la philosophie dont il faisait preuve, vraiment, énormément. Il était bon d'avoir un professeur qui ne voyait que le positif et ce qu'il avait su apporter à ses élèves au lieu de se perdre dans des extrapolations. Du coup, cela me motivait encore plus, je saurai lui montrer combien j'en valais la peine. En plus, le fait que tant d'animaux viennent me troubler ne semblait pas l'agacer ou le déranger et c'était un bon point de plus pour lui. Surtout que je n'aurais jamais le cœur de dire à ces pauvres bêtes de ne plus venir me voir... Non, impossible, je me sentirai bien seul sans eux. Il me fit revenir à la réalité avec ses questions.

-Oui bien sûr... Eh bien je joue aussi du Vivaldi, je préfère l'Automne... Du Bach comme l'Air sur la code de sol, c'est l'un de mes préférés... Je connais aussi le Canon de Pachelbel... Et sinon, je copie un peu ce qu'a fait cette artiste humaine... Lindsey Stirling je crois...

Il avait trouvé son travail très intéressant et son enthousiasme pour son art exaltant. Cependant, il allait clairement donné du travail en plus à son professeur principal et cela le gênait un peu. Il n'était pas sensé pouvoir ou même vouloir déranger. C'était dans la nature qu'on lui avait inculqué mais au moins, il réussissait à ne pas se sentir coupable, c'était déjà ça. Lawrence rangea une mèche de cheveux, essayant comme toujours de ne pas être plus sensuel qu'il ne le devrait. Bien sûr, ça ne marchait pas.

-Je devrais plutôt aller chercher mon violon maintenant, même, non ? Cela pourrait vous aider à mieux vous organiser. En plus, nous sommes non loin des dortoirs...

Il hésita.

-Je reviens vite, monsieur.

Et il partit à grands pas rapides jusqu'à sa chambre, prit la pochette de son instrument et revint. Il n'avait dû s'écouler que six à sept minutes. De suite, il s'empara de son violon blanc, vérifia qu'il était accordé et se laissa dans son préféré : Air sur la corde de sol. Il se laissa littéralement transporté par la musique à la fois douce, triste, joyeuse, taquine... L'on voyait ces mêmes émotions sur son visage. Il jouait toujours avec son âme et son cœur.

Étonnant, pas tant que cela en réalité. Normalement, il avait commencé à apprendre le violon pour pouvoir satisfaire son maître potentiel. Et aussi pour échapper au pire cours du Centre quand les professeurs avaient remarqué qu'il n'avait plus grand chose à faire et que c'était sûrement l'un des seuls cours qu'il avait fui sans même y penser à deux fois. Le BDSM, hors de question, même si ça n'était que théorique. Le simple fait de se faire toucher le rendait presque fou là-bas. Les examens médicaux pratiqués chaque mois n'avaient pas été une sinécure à supporter.

Enfin, pour en revenir au violon, il s'était donc tourné et retourné le cerveau pour ne pas finir face à ce fou sadique qui disait ne faire que de la théorie. Et il avait fini par s'accorder avec l'un des professeurs les plus gentils du Centre pour apprendre à jouer d'un instrument de musique. En fait, il n'avait d'ailleurs jamais compris ce que cet homme faisait là mais il n'aurait jamais posé la question. Il le sauvait déjà du pire du pire dans les lieux, il n'allait pas non plus s'immiscer dans sa vie privée. Au final, il avait donc choisi le violon et même s'il connaissait surtout des airs dits anciens, il ne regrettait pas de savoir manier l'archet.

-Eh bien, ce n'était pas tout à fait de mon choix, c'était ce que préférait mon professeur de l'époque et il... Enfin, il ne pouvait pas se permettre de m'apprendre des choses trop modernes, ça n'aurait pas plu à ses employeurs.

Du moins, je le supposais là encore, je ne pouvais rien affirmer. Mais les chefs du Centre m'avaient toujours paru effrayants et même pour leurs employés, ils n'avaient rien de gentils ou d'aimables. Sans doute que faire du trafics d'humains et de créatures ne pouvaient pas les rendre agréables. Comment pouvait-on en venir à vendre des gens, je ne le comprendrais jamais... Déjà que j'avais du mal pour les animaux mais que je m'étais fait à l'idée que je ne pourrais rien faire pour changer les choses puisque c'était avant tout les humains qui faisaient de telles choses... En tout cas, il était bon de savoir que mon professeur savait rire.

Après son retour et sa petite démonstration, Lawrence rougit à cause du petit reproche de l’enseignant.

-Toutes mes excuses, en effet, je n'y pensais plus du tout. J'ai longtemps été enfermé... Enfin, vous faites bien de me rappeler ce fait, merci monsieur.

Il n'était pas du tout vexé et pour protéger son instrument, il le remit dans sa protection qu'il ferma soigneusement. A genoux sur le sol, il repoussa sa chevelure rapidement pour voir ce qu'il faisait, oubliant complètement d'essayer de se contrôler, attirant un souffle étrange d'un autre élève qui passait par là... Et qui fuit comme s'il avait vu la Peste en personne. L'elfe se redressa sans l'avoir aperçu, serrant contre lui son violon bien emballé.

-C'est assurément parce qu'il m'a été imposé d'apprendre à en jouer au début mais je vous assure que maintenant, j'y éprouve un bien-être très satisfaisant.

Il esquissa un sourire qui montrait combien il était plus heureux à présent.

-Par contre, êtes-vous si sûr pour les émotions ? J'ai parfois l'impression de les exagérer sans le vouloir.

Sûrement parce qu'il trouvait déjà sa sensualité complètement exagérée. Il lui semblait cependant que son professeur avait une sorte de réticence ou de blocage bien qu'il ne saurait dire à propos de quoi ou pourquoi. Il proposa à celui-ci de marcher un peu malgré cela car il commençait à avoir un peu froid à rester ainsi sur place. Et puis, il ne pensait pas que se promener ainsi avec un enseignant était quelque chose de mal. Tant que le vampire ne le touchait pas, tout irait bien d'ailleurs.

-On a l'air de pouvoir être plutôt heureux ici...

Je devais avoir l'air un peu rêveur alors que nous écrasions gentiment les graviers sous nos pas. J'espérais que même lui était plutôt content d'être ici. C'était drôle pour moi d'avoir autant envie que tous ceux qui m'entouraient soient bien même si je les connaissais pas ou à peine.

-Ce monde manque tellement de joie parfois...

Son professeur principal semblait vraiment compréhensif, ce qui le détendit et il serra un peu moins l'étui de son violon tout en lui souriant un peu. Pour un homme au visage si froid, le vampire était finalement plutôt sympathique même s'il n'était pas du tout en phase avec ses sentiments... Quoique en phase n'était pas la bonne expression, ce serait plutôt que l'enseignant préférait considérer froidement ce qu'il ressentait pour ne pas souffrir plus que nécessaire... Si lesdits sentiments le faisaient souffrir, au final, Lawrence n'en avait aucune idée.

Par contre, après s'être relevé, il se sentit particulièrement mal à l'aise alors que l'homme roux lui remontait un peu les bretelles. Il suffisait de quelques secondes d'inattention pour que... Si seulement il le faisait exprès... Après, il n'avait rien d'une sirène ou d'un incube par exemple mais il avait plus ou moins conscience que son charme si durement acquis, mais à contrecœur, pouvait facilement tourner la tête des plus faibles. Il hocha donc plusieurs fois la tête, à la fois gêné, confus et triste. Son professeur avait raison et c'était bien pour cela qu'il voulait s'entraîner au combat. Il avait un peu peur de ce que les autres pourraient tenter de lui faire... Déjà qu'au Centre, ça n'avait pas été joyeux. Mais pour autant, il tenterait de ne pas être paranoïaque.

-Je vous remercie, vous avez raison, je ne devrais pas baisser ma garde alors que je sais bien que... Que malgré moi, les gens ne verront que cela.

Je me demandais vaguement si les adolescents avaient autant de mal à gérer leurs hormones. Personnellement, je n'avais jamais eu à le faire puisque j'étais sensé avoir envie quand mon maître avait envie. Maître... Je détestais ce que je comprenais derrière ce mot. Je n'en voulais aucun, je ne voulais être le jouet de personne même d'une personne qui m'aimerait. J'avais trop souffert de cela à mon sens pour que l'idée puisse émettre le moindre attrait à mes yeux. En tout cas, je ferai forcément tout pour éviter que les autres perdent le contrôle, la simple idée qu'ils me touchent me donnaient en même temps envie de fuir et de rendre mon repas... Ce ne serait pas très beau à voir.

-Vous me rassurez. Comme on m'a beaucoup appris à contrôler certaines de mes émotions ou réactions, parfois, je ne suis plus sûr de ce qui est naturel ou pas.

Ainsi donc, il n'en faisait pas trop et là encore, c'était un soulagement. Il voulait juste bien faire après tout mais il y avait encore des émotions en lui qui étaient comme... cristallisés. Il n'y avait pas accès même s'il le voulait. Comme l'envie. Cela ne paraissait pas grand chose mais au contraire, il ne savait pas ce que c'était d'avoir réellement envie de quelque chose d'un point de vue complètement égoïste. Il se laissait souvent porter par les désirs des autres sans se permettre d'y ressentir quoique ce soit mais il n'était justement pas naturel pour lui de vouloir quoique ce soit.

-Merci pour vos compliments, monsieur, dans tous les cas. Je n'ai pas une grande confiance en moi alors... Mais quoiqu'il arrive, s'il vous plaît, soyez juste. Je ne vous en voudrais pas de dire la vérité.

Marcher me faisait du bien, j'avais beaucoup moins froid mais je remarquai par ailleurs que mon professeur devait avoir une véritable affinité au feu. Rien à qu'à la manière dont il alluma sa cigarette, la façon dont il avait joué avec la flamme plus tôt. J'était impressionné par son contrôle tout en me rappelant qu'il était bien plus âgé que moi et que du coup, il était plutôt normal et heureux qu'il sache y faire. Sinon, il ne mériterait pas tellement son rôle de professeur. Mais j'avais rarement vu quelqu'un fumait autant... Ça me rappelait un peu Maksimilian.

-Je veux bien vous croire. Je trouve que nous avons aussi le droit à la paix même si les humains n'aiment pas ce mot... Ou n'aime pas la notion de paix... Leurs actes sont très contraires à leurs mots.

Mais il était bien d'accord avec son enseignant, il faudrait bien plus de poches préservées des humains pour les créatures puisque les premiers avaient totalement envahi tous les territoires et les revendiquer comme leur sans état d'âme. Par contre, il sentait aussi que le vampire à côté de lui était décontenancé...

-Oui, c'est vrai... Vous savez monsieur, vous pouvez poser vos questions, je ne vous mentirai pas. Je suis même sûr que vous vous doutez déjà de la réalité des faits. Peut-être même que dire le mot "Centre" suffira à totalement éclaircir le mystère que je ne veux pas être.

Lawrence faisait tout de même attention à ce que personne n'écoute leur conversation, cela restait privé mais il s'était fait une raison sur le fait que tout finissait toujours par se savoir, surtout dans les lieux clos comme celui-ci.

-Il arrive des choses comme ça... J'ai failli en mourir. Je ne sais pas pourquoi je suis encore là mais je prends l'opportunité malgré tout. Si je peux aller quelque part et avancer malgré ça... Alors mes parents adoptifs ont bien fait de me sauver.

Il le sentit de suite quand son professeur s'insinua dans son cerveau. Oh, il ne savait pas se protéger malheureusement mais c'était déjà bien de savoir que l'homme faisait un tour dans son esprit, assurant pour finir de comprendre ce qu'il lui avait révélé. Lawrence aurait tout de même apprécié que le vampire lui demande la permission avant de se permettre cela. Parce que c'était une forme de viol, désolé si ça ne plaisait pas à son enseignant. C'était ça la définition, pénétrer sexuellement ou mentalement quelqu'un sans son autorisation. Mais il ne pouvait pas arrêter la chose.

Non, il pouvait juste accélérer le phénomène et donner ce qu'il voulait à son professeur. Les images sur le Centre défilèrent rapidement mais pas une fois Lawrence ne se montra à l'intérieur. En même temps, en observant que les autres futurs esclaves étaient nus, le vampire comprendrait que cela avait été aussi le cas pour lui et qu'il n'allait pas montrer ça. Déjà qu'il ne se sentait plus en sécurité du coup. Et ce même si l'homme renvoya un élève qui s'était approché alors qu'il avait baissé sa garde.

Le jeune elfe recula, très mal à l'aise. Au final, rencontrer son enseignant était peut-être une mauvaise idée...

-Je n'avais aucun statut particulier, monsieur, j'étais comme les autres. Sauf qu'ils n'arrivaient pas... à me vendre.

La fin fut dite à voix très très basse, à peine audible. Il frissonna un peu, ses mains serrèrent encore plus l'étui de son instrument.

Pourquoi ? De quel droit ? Il avait dit qu'il saurait attendre et finalement, il faisait cela ? Je ne comprenais pas du tout comment il pouvait penser que c'était une bonne idée de m'infliger cela. Je me sentais encore plus fragile de savoir que je pouvais sentir quelqu'un dans mon esprit sans pouvoir m'en défendre. J'aurais pourtant juré qu'il ne m'en voulait pas de l'avoir dérangé... Et qu'est-ce que ma race avait à voir là-dedans ? Les gens se brisaient, mon père s'était brisé... Ça arrivait, tout arrivait... Même ce qu'il venait de me faire. Non, je n'allais pas pleurer comme ça. La fuite avant.

-Qu'ils meurent ne changeraient pas le passé. Mais cela sauverait peut-être des gens... Mais je refuse de juger.

Lawrence profita du fait que le vampire reprenait la route pour reculer prudemment, écoutant tout de même la fin de ses dires. C'était ancré en lui l'idée de politesse et d'obéissance à un adulte. Mais il n'était pas sûr de savoir crier à l'aide si c'était pour voir cet enseignant venir le sauver. Après tout, qu'est-ce qui disait qu'il ne ferait pas pire. Il déglutit difficilement et marmonna :

-Bonne journée, professeur, au revoir.

Et il partit en courant même s'il était conscient qu'il ne battrait pas un vampire à la course. Il espérait juste que l'homme le laisse tranquille. Il était totalement bouleversé et perdu et il ne voulait plus que ce professeur l'approche pour un temps. Il se détestait de réagir peut-être trop... fortement mais rien n'arrivait à raisonner sa peur dans le même temps. Un sanglot sec lui échappa... Pourquoi ?