Encore de la danse. C'était presque devenu une obsession pour elle de se soigner de cette maladresse stupide. Pourtant, cela n'était pas si difficile de garder son équilibre, pourquoi devait-elle le perdre dès qu'elle était ailleurs ? Elle n'était pas prête de le comprendre semblait-il mais cela ne pouvait pas continuer. Elle avait un standing à respecter, elle était une déesse et elle devait toujours faire sentir le fait qu'elle était quelqu'un de puissant, quelqu'un à respecter.

Parce que sinon, ça faisait beaucoup de punitions à donner.

Erato avait donc retrouvé la salle de danse, bougeant son corps au rythme de ses propres musiques. Cela lui était plus facile, elle se préparait toujours à faire une chorégraphie qui irait avec ses chants. Surtout ceux qui sonnaient comme des rituels. Les yeux mi-clos, elle s'appliquait, confiante dans sa démarche. Et pour cause, elle était concentrée, justement. Et cela aurait dû continuer ainsi mais il fallait du changement. Et quel changement.

Elle entendit la porte s'ouvrir mais poursuivit. Après tout, c'était une salle de cours et rien n'interdisait que quelqu'un y entre. L'idée était juste de ne pas l'embêter. Elle sentit une sorte d'admiration dans l'air et bientôt, des déplacements dans son dos. La Muse leva un sourcils. Alors comme ça, quelqu'un, et vu la légèreté dans les émotions, une jeune fille, voulait danser avec elle. Soit, mais la petite avait mal choisi, Erato s'était lancé dans quelque chose de compliqué exprès pour rester concentrée.

Finalement intriguée, elle se tourna pour faire face à l'intruse, son regard azur se posant sur la silhouette fine et gracile d'une blonde - décidément, elle avait le don pour tomber sur elles - avec des yeux bleus. Très mignonne mais à l'air tellement fragile qu'Erato se disait qu'une étreinte, même de sa part, pourrait casser quelques os. Rejetant la chevelure blanc -argent en arrière, elle mit le CD sur pause avant de croiser les bras. Son haut blanc se faisait presque transparent, preuve qu'elle suait depuis un bon moment. Quant à sa jupe patineuse grise, elle effleurait ses cuisses nues de collants. Elle avait compté se nettoyer dans les vestiaires plus tard.

-Bonjour, mademoiselle. Pas tout à fait au point, je suppose ?

La Muse taquinait plus qu'autre chose présentement.

-Je vous ai sentie entrer, je me demandais si vous dénonceriez de vous-même votre présence mais vous avez préféré m'emboîter le pas. Seriez-vous malheureusement en danse ?

Malheureusement parce qu'Erato n'avait pas entendu parler d'un professeur de danse depuis un moment. La dernière était partie aussi vite qu'elle était arrivée... Ce qui avait été dommage, à l'époque, elle en aurait bien fait son quatre heures. Enfin, le passé étant le passé, elle se dirigea vers ses affaires pour s'essuyer un peu tout en buvant de l'eau, les yeux toujours sur la petite. Vraiment mignonne mais elle arrivait trop tard. Elle eut un sourire en coin.

-Je suis Erato Astrapi. Enchantée, mademoiselle ?

Même si elle ne pouvait pas la manger, elle pouvait faire connaissance, n'est-ce pas ?

Oh la la... Une timide ? Aucune idée, mais en tout cas, la jeune blonde la regardait comme un poisson dans l'eau et franchement, la jeune blonde devrait apprendre à répondre parce qu'elle était très insolente dans son attitude présente. La Muse savait qu'elle ne devait pas forcément prendre ombrage mais vraiment, l'élève avait l'air d'une potiche. Elle finit par lever un sourcil, pour faire comprendre à la gamine que sa façon de faire n'était vraiment pas acceptable.

Et puis une sorte de vanne sembla enfin s'ouvrir dans l'esprit de la petite et elle laissa échapper un flot presque ininterrompu qui fit presque rire Erato. Parce que quand même, elle voyait bien que ce flux était juste fait pour réussir à tout dire, pas parce que la jeune fille avait surmonté sa timidité. Elle apprécia néanmoins les compliments bien qu'ils lui paraissaient un peu exagéré.

-Merci pour vos compliments, Valentina. Ma sœur a été une bonne professeure.

Terpsichore, ou la Muse de la Danse, avait beaucoup aimé lui enseigner, à l'époque, Erato avait été encore assez douce pour accepter que sa sœur lui donne des cours alors qu'elle ne les avait pas demandés. Et puis les danses évoluant, elle avait continué à apprendre puisque qu'elle était la seule qui puisse le faire. Comme pour les autres matières de ses sœurs, elle les avait apprises, les retenait pour combler l'absence. Enfin, elle ne devrait pas penser à elles. Elle ne faisait que souffrir sans que cela ne serve à personne.

-Quant à pourquoi cela est un malheur...

Erato revint près de la jeune nymphe, prit son menton entre ses doigts un peu calleux. Quoiqu'elle fasse, elle ne pourrait jamais se débarrasser de toute la corne que les frottements avec les cordes de sa lyre créait.

-C'est tout simplement parce qu'il n'y a aucun enseignant en danse. La dernière présente est parti il y a au moins six mois. Vous m'en voyez navrée.

Elle relâcha la jeune fille après avoir bien étudié ses traits.

-Cependant, je suis d'accord avec vous. La danse est un bel art et bien que selon vous, j'y sois plutôt douée, je suis bien plus calée en musique.

Ce qui était même peu de le dire. Après tout, la musique sur laquelle elle avait été en train de danser était d'elle. Elle tourna autour de Valentina, observant d'un œil critique la silhouette. Elle la trouvait vraiment fine... Même si c'était un énorme sport, la danse ne faisait pas forcément perdre du poids à ce point. Alors soit la petite était un peu anorexique, soit c'était vraiment une humaine d'à peine... quatorze-quinze ans. Cela la fit tiquer. Il y avait des prédateurs dans cette école et peu s'empêcherait de dévorer la jeune blonde. Elle retint un soupir.

-Vous êtes une humaine avec quelques dons, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas l'aura d'une créature en tant que telle. Pas plus que celle d'une sorcière.

Erato reprit quelques mouvements, lentement, sur les pointes.

-Vous semblez par ailleurs plus taillé pour la danse classique ou acrobatique.