Joakim n'a jamais connu le ciel, ou alors, il était trop jeune pour se rendre compte. Lorsqu'il est né, ses parents ne sont pas restés longtemps dans les nuages, songeant depuis des années à découvrir la planète bleue. Ils se posèrent en Norvège, attirés par le paysage du pays. Ils étaient intrigués par les humains, la terre, les différences qui s'opéraient entre les deux espaces. Bien sûr, ils avaient beau être parfaitement étrangers envers les humains, jamais ils ne se sont dévoilés devant eux. Cela relevait du bon sens, et il leur semblait impératif de ne pas s'afficher dès leur arrivée. Leur fils, lui, devait rester à la maison jusqu'à ce qu'il sache dissimuler ses ailes.

Que ce soit le père ou la mère, tout deux s'intégrèrent facilement dans la ville qu'ils avaient choisi. Ce fut en partie grâce à leur tempérament d'honnête gens. Ils ne cherchèrent jamais à devenir riches, à avoir une grande maison, un grand terrain... Les petits travaux qui tombaient sous la main étaient bien accueillis, et subvenaient largement aux besoins de la famille. Du côté des relations, ils se faisaient discrets sans pour autant vivre reclus. Les collègues de travail devinrent des amis, et les gens de la paroisse de bonnes connaissances. Ils s'étaient construit une vie dont ils ne pouvaient plus se passer, les humains et l'environnement étant chaleureux avec eux.

Joakim n'a pas souffert de vivre seul dans la maison durant ces premières années, la parcelle de jardin et le chat lui suffisaient amplement à s'amuser.  Ses parents le faisaient rêver et lui apprenaient progressivement à manier ses ailes, ainsi que ses pouvoirs. Les cinq années qu'il fallut pour acquérir les bases, que ce soit en magie ou en étude, passèrent à une grande vitesse. Il put entrer à l'école primaire directement, ses parents s'étaient correctement chargés de son apprentissage.  Il n'eut pas de problèmes pendant longtemps, lui aussi se plaisait sur terre. Le seul hic, c'était qu'il devait se teindre les cheveux et mettre des lentilles. Une chose qu'il a toujours détesté, et il serait bien resté chez lui pour éviter ça.

Son entrée au collège suivit la ligne si bien tracée auparavant, malgré le grabuge qu'il y avait entre les humains et les monstres depuis quelques années. Sa famille était tellement discrète qu'ils n'eurent aucun soucis. Enfin... Ce genre d'événement peut monter la tête à n'importe qui, et la discrétion de Joakim se retourna contre lui. Il rentrait avec deux amis quand l'un d'eux se mit à poser des questions à tout le monde. Des questions insignifiantes, mais moins quand on ne ment jamais. Joakim se retrouva plaqué au sol en deux secondes, son camarade sur le ventre. Il ne comprit pas directement sa connerie, et tenta de se libérer par tous les moyens possibles.

Il n'aurait pas riposté si l'autre ne l'avait pas frappé... Il projeta un éclair dans la figure du gamin, la notion de danger sonnait de plus en plus fort dans son crâne. Son assaillant tomba sur le côté, et Joakim put profiter de cet instant  pour se dégager et libérer ses ailes. Il comptait donner un puissant coup d'envol quand on attrapa l'une de ses ailes.  Le premier agresseur était au sol, son deuxième ami ne voulait pas le laisser partir. N'ayant jamais rencontré de sensation semblable, il fut dérouté et ne put partir. Il agita les ailes dans l'espoir de faire lâcher le gars, mais rien. Et le con commençait à tirer. Sans scrupules, avec une violence que Joakim ne connaissait pas.

Il se retrouva sans ailes, anéanti devant le désastre. Ses pouvoirs de guérison l'aidèrent énormément à rentrer chez lui, son état ne lui permettait pas de tenir convenablement debout sans soutien. En le voyant, ses parents comprirent immédiatement la situation. Il fallait partir sans tarder, c'était trop dangereux de rester dans les parages. Ils apprécièrent d'avoir peu d'effets personnels, le départ put se faire immédiatement après avoir soigné Joakim. Mais même en changeant de pays, ils ne se sentirent plus aussi bien qu'auparavant. Ils gardèrent leur discrétion de toujours, mais avec plus d'appréhension.

L'année de ses 17 ans, Joakim reçut un mail sur son portable. Méfiant tout d'abord, il hésita quelques minutes avant de l'ouvrir. Il ne regretta pas son geste lorsqu'il vit le contenu et le portail. Son hésitation n'était plus présente lorsqu'il franchit ce dernier.