Elle s'ennuyait. Clairement, c'était une journée plus ou moins comme les autres. Le soleil d'automne brillait, les jardins étaient calmes puisque la plupart des élèves étaient en cours. Ou encore traumatisés de savoir que certains de leurs camarades étaient morts quelques nuits auparavant, atrocement mutilés. Après tout, on avait retrouvé çà et là des morceaux de cadavre et du sang séché. Assurément, le croque-mitaine s'était bien amusé, bien que son nouveau tuteur lui ait tout de même tenu un peu la bride.

La forêt elle aussi retrouvait peu à peu son magnifique décor. Erato s'y était encore promené ce matin-là et très franchement, les pouvoirs de sa collègue la dépassait un peu mais dans le bon sens du terme. Elle aurait aimé savoir faire ça mais elle concevait parfaitement que c'était chacun son domaine et qu'elle était bien assez contente de ses dons pour ne pas vouloir piquer celui des autres. Et puis la vie de la nature pouvait être si compliquée à gérer parfois.

-Bon, il est temps d'aller voir ailleurs.

Sans hésitation, elle s'engouffra dans un bâtiment après avoir traversé les jardins. Sa longue jupe gris-argenté cachait ses jambes mais surtout son haut bleu évitait de trop afficher son affliction, ses seins. Montant les escaliers sans bruits, normal quand on porte des spartiates, elle finit devant une salle particulière et esquissa un sourire presque malicieux.

Elle entra après avoir frappé mais sans donner le temps au responsable de lui donner la permission de pénétrer les lieux. Elle sourit un peu plus en voyant les instruments, s'avança vers le professeur sans se préoccuper des élèves qui murmuraient sur son passage.

-Bonjour, professeur Ishirama.

Elle fit une jolie courbette et se redressa, tendant sa main au vampire. Etant ce qu'il était, il devait connaître les convenances et elle s'attendait à ce qu'il les respecte. Surtout que ses mains n'étaient pas gantées.

-Comme convenu, dirons-nous, je suis venue montrer à vos jeunes étourdis, l'art de la musique. Qu'en pensez-vous ?

Elle se tourna vers son public, laissant le soin au roux de la présenter. Pendant ce temps, elle se faisait une idée précise des dons de chacun, mais d'une façon totalement arbitraire. Ceux qui semblaient dormir étaient classés dans les mauvais, les trop intéressés aussi. Elle alla effleurer le piano, s'arrêta devant un violoncelle et vérifia rapidement s'il était accordé. En tant que véritable musicienne, elle ne s'arrêtait pas à la lyre mais elle avait une nette préférence pour les instruments à cordes. Ceux à vent ne lui permettaient pas de chanter dans le même temps, ce qui était gênant pour elle car son principal instrument restait sa voix.

-Quelle sorte de démonstration voulez-vous ?

Elle était prête à laisser le professeur choisir... Pour le moment.

Que la musique soit!

feat : Erato Astrapi

Changer de programme ? Elle eut envie de ricaner un peu, comme s'ils n'étudiaient pas la musique depuis tout à l'heure. A moins que le premier quart d'heure soit consacré aux bavardages de toute sorte qu'en savait-elle. Et heureusement que le respect tenait en sa présence. Sinon, elle leur aurait appris le respect à sa façon. Et elle s'en serait beaucoup -énormément- amusé. Remettre les idiots à leur place était toujours quelque chose de très plaisant. En tout cas, le vampire la laissait faire ce qu'elle voulait dans sa salle. Elle supposait que tant qu'elle ne s'attaquait pas aux élèves ou qu'elle ne faisait rien aux instruments, il n'aurait pas de raison d'être irritant.

Erato regarda le professeur s'installer derrière son bureau sans cesser de donner ses consignes. Pas un élève ne parlait en même temps que lui. Intéressant. Soit ils avaient peur, soit ils avaient appris à se taire. Dans l'un comme dans l'autre, le roux savait faire preuve d'un minimum d'autorité. Alors que s'était-il donc passé avec exactement avec son collègue croque-mitaine ? Parce que jusqu'ici, à part le fait qu'il avait osé l'ignorer de façon ostentatoire une fois, il n'avait pas vraiment agi de façon à lui donner envie de tout détruire dans l'école.

Peut-être que ça changerait pendant ou à la fin de cette leçon. Elle s'assit, se saisit d'un archet. C'était qu'il était presque flatteur, le vampire. Dommage qu'il soit aussi moche...

-A votre guise. Profitez bien.

Et elle se lança, libérant aussi son aura pour que le son soit uniforme dans toute la salle. Le son du violoncelle se fit presque ensorcelant alors qu'elle laissait échapper les premières notes, rapides, vives, précises. On sentait l'histoire qu'elle cherchait à raconter, les émotions qui s'y déployaient, le bonheur et le malheur qui s'enchaînaient de façon tordus et cycliques. Elle se complaisait à leur offrir toutes les gammes de sensations possibles, leur donnant même l'impression de pouvoir toucher les notes qu'elle faisait entendre.

Elle entendit vaguement quelques élèves renifler, mais comme elle avait les yeux à moitié clos, posés sur le violoncelle, elle ne pouvait pas regarder son public, juste avoir une idée de ce qu'il ressentait puisqu'elle guidait leurs émotions dans ses gammes. Cependant, un visage qu'elle aurait voulu voir à cette heure, c'était celui du professeur, pour savoir ce qu'il en pensait. C'était un problème qu'il soit un vampire, son cœur battait moins et une accélération dû à sa musique serait à peine perceptible.

Sur la fin, elle ajouta sa voix qui accompagna la note finale et abaissa l'archet. Elle reçut les applaudissements avec un sourire en coin, leva les yeux sur le professeur.

-Cela vous a-t-il plu ?

Elle le taquinait un peu. En fait, le fait qu'il soit aussi froid lui donnait envie de briser ce masque. Le voir réduit en mille morceaux pour qu'il ne reste que l'enfant que le vampire tenait à cacher. Depuis le temps, elle savait qu'ils n'étaient tous que des grands enfants obligés de prendre des responsabilités pour les autres enfants qui naissaient après eux. Elle voudrait au moins apercevoir l'enfant blessé que le roux tenait tant à cacher.

-Voulez-vous commenter ma musique ? Me dire ce qu'elle vous a évoqué. Puis ce serait le tour des élèves.

Elle lui fit un sourire charmant. Si on devait lui poser la question, ce qu'elle avait joué lui rappelait l'époque où elle avait été enceinte. La joie de porter la vie, la peur de mal faire, de décevoir... Le bonheur d'aimer mais le malheur de savoir que l'homme qu'elle aimait ne se préoccuperait plus d'elle maintenant qu'elle portait son héritier... Tout s'était entremêlé dans sa tête en ce temps-là... Heureusement, ses sœurs l'avaient soutenu sinon... Eh bien elle aurait pu être plus tôt ce qu'elle était maintenant.

Que la musique soit !

feat : Erato Astrapi

Elle n'était pas surprise qu'il ait gardé son masque. Elle avait déjà eu cette impression dans la forêt qu'il était quasiment incapable de s'en détacher, surtout quand il avait un public. Ou encore plus quand il avait un public. C'était décidément un drôle de vampire car, pour ce qu'elle en savait, cette race était des plus sensibles et émotionnelles. Pas qu'ils ne pouvaient pas se contrôler mais quand ils ressentaient, ils ressentaient profondément, ce n'était pas juste une sorte d'idées passagères qui ne tiendraient pas une seconde.

Aussi, ce masque si impersonnel et si froid était un peu dérangeant sur cet homme. A croire qu'il avait voulu se couper purement et simplement de ses émotions parce qu'il se sentait en danger en les montrant. Ça lui donnait encore plus envie de le voir pleurer... Sûrement qu'elle finirait pas le faire, elle voulait percer, briser et voir ce masque tomber en des milliards de morceaux. C'était beaucoup trop malsain de vivre comme ça. Même si elle était quasiment toujours en colère, elle avait des pauses parce qu'elle savait que sinon, elle se détruirait elle-même. Et cela, elle ne se le permettrait jamais.

En fait, Shintarô Ishirama était son propre ennemi. Pas surprenant qu'il se retrouve avec tellement de personnes peu recommandables contre lui. C'était comme s'il essayait de se suicider.

Erato écouta distraitement les élèves, remarquant une jeune fille qui pourrait s'avérer intéressante pour plus tard. Bien, ils avançaient au moins un peu, le roux avouait avoir ressenti. Il n'y avait plus qu'à briser cette coquille. Elle éclata de rire quand un élève se prit une craie dans le front. Le professeur restait attentif à ce que faisait ces pauvres adolescents hormonaux. Il avait bien raison.

-Tout d'abord, je vous remercie pour vos compliments.

C'était toujours agréable d'avoir l'ego flatté si joliment, même pour elle.

-Ensuite, en ce qui concerne les émotions que j'ai voulu faire ressentir, en premier la joie. Décliner sous la joie de vivre, la joie de découvrir le monde, la joie de donner la vie. Ensuite la tristesse : les premières déceptions, la fin d'un premier amour, la perte d'un être cher.

Entre autres. Il y avait beaucoup à dire.

-Il y a la colère de l'abandon, la rage de vaincre, le voile de la solitude, la reconnaissance et la perte. Mais je laisserai à tous le soin de se faire leur interprétation. C'est une des choses que j'apprécie dans mon art : tout le monde peut y trouver ce qu'il cherche pour peu qu'il le fasse.

Erato remit le violoncelle en place et se glissa derrière un cymbalum pour en faire jaillir quelques notes. L'occasion de laisser à tous le temps de digérer ce qu'elle avait dit. Vivement que la classe se termine qu'elle puisse mettre son plan en action. Elle n'avait pas spécialement envie d'humilier le vampire, non, ça c'était réservé à Ryry. Mais elle comptait pouvoir se faire une idée de sa manière de ressentir. Et pour cela, il fallait que les élèves débarrassent le plancher.

Que la musique soit !

feat : Erato Astrapi

Charmante invitée, hein ? Elle se demandait combien de temps ce cher professeur allait penser cela. Elle n'était pas réellement venue pour être charmante, en fait, elle était d'abord venue pour chasser le début d'un ennui qui était venu à elle dans la forêt. Elle avait eu cette étrange impression qu'il se passait tellement de choses autour d'elle mais aussi qu'elle ne participait pas à grand chose. Une vraie spectatrice en somme et elle avait voulu changer cet état de fait en venant perturber le cours du vampire. Bien qu'elle l'avait prévenu qu'elle pourrait venir. Le problème étant qu'elle n'avait pas signalé quand.

Cependant, aux dires du géant, elle n'avait pas tellement perturbé les plans de son cours puisqu'il rebondissait sur son discours et poursuivait comme si finalement elle l'avait plus aidé que couler. Elle esquissa une petite moue, se glissa derrière la jeune fille qu'elle avait repéré plus tôt. Là, elle se mit à lui masser les épaules et la nuque, comme si c'était tout à fait normal qu'elle agisse de la sorte tout en étant prête à écouter le roux. Au piano. Hum... Normalement, il serait assez rapide pour cacher des fausses notes s'il venait à y en avoir. Intéressant, elle sourit.

-Montrez moi donc ce dont vous êtes capables. Je vous assure que je ne vous en demanderai pas autant qu'un prodige.

Mais suffisamment quand même puisqu'il était professeur et vampire. Et qu'avec la durée de vie qu'il avait, il devrait avoir suffisamment d'expérience pour que la musique puisse être une seconde peau pour lui. Elle permit à la jeune fille de prendre note paisiblement, reprit son massage-caresse quand le roux se mit enfin à jouer. Et elle fut déçue mais dans le bon sens. Elle s'était dit que l'homme allait se refuser à montrer là encore ses émotions et elle ne s'était pas trompé. Il l'avait donc totalement laissé de marbre et elle avait pu se faire une idée de sa technique. Assez bonne mais clairement pas prodigieuse.

Peut-être prendrait-elle du temps pour le corriger plus tard mais en attendant...

-Intéressant. Froid mais intéressant.

Erato était certaine que le géant allait comprendre ce qu'elle voulait dire. Elle voulait lui assurer que s'il avait pu tromper ses élèves, ça n'était pas du tout son cas et qu'elle lisait clairement ses émotions. Ou plutôt son manque d'émotions.

-Vous jouez assez bien pour un professeur, votre technique est plutôt propre.

Elle revint vers lui, non sans avoir glissé quelques mots à l'oreille de la jeune fille. Avec un peu de chances, ce soir, elle ne serait pas seule dans son lit. Puis elle glissa son index sous le menton du vampire, profitant qu'il soit assis parce que sinon, ce geste aurait été ridicule. Et elle murmura pour lui seul.

-Vous me donnez de plus en plus envie de déchirer votre masque... Que vais-je y voir, Shintarô ? Que vous avez un cœur comme tout le monde ?

Elle se doutait qu'il ne répondrait pas de suite. Vivement que la cloche insipide des lieux sonnent. Elle avait du travail et elle comptait bien le faire en bonne et due forme.

Que la musique soit !

feat : Erato Astrapi

Oh mais c'était que le professeur commençait enfin à montrer une émotion bien que celle-ci soit sûrement la plus facile pour le roux à montrer. Elle en était aussi amusée qu'insatisfaite. C'était étrange pour elle de trouver que quelqu'un qui enfermait autant ses émotions puisse être prévisible malgré tout sur celle qu'il allait laisser paraître quand elles se dévoileraient quand même. Et ce grognement. Elle avait plus ou moins une idée de ce qu'il se passait dans sa tête et très franchement, si elle ne riait pas, c'était parce qu'elle ne voulait pas totalement ruiner son autorité.

La cloche sonna, délivrance des élèves. Elle eut envie de faire taire le bourdonnement sitôt qu'il se fit entendre, très franchement, comment pouvait-on laisser un son aussi mauvais ? Ça bousillait les oreilles ! Quoiqu'il en était, elle attendit avec un calme presque feint le fait que les élèves ferment la porte derrière eux. Il était clair comme de l'eau de source que monsieur le professeur voulait lui dire le fond de sa pensée. Tout comme elle comptait lui dire exactement les choses elle aussi. Le tact et la subtilité n'étaient pas des éléments importants pour ce qui allait suivre.

-Oh mais c'est vous qui n'avez convenu d'aucun jour et d'aucune heure quand je vous ai dit que je viendrai à votre cours. Cette négligence ne vient pas de moi.

Elle eut un rire un peu sinistre en s'asseyant sur le bureau du géant, croisant les jambes gracieusement. Elle n'essayait pas du tout de l'aguicher mais elle était quand même une Muse et elle avait un certain standing à tenir. Elle lissa inutilement son vêtement. Oui, elle avait des vues sur certains élèves -surtout ses demoiselles- et non, elle n'allait pas se priver ou attendre la permission du vampire pour les draguer. D'ailleurs, elle n'avait pas fait cela sans raison.

D'ailleurs, il osait parler de respect... Ah les hommes... A croire qu'ils aimaient être volontairement aveugles.

-Vous osez parler de respect, vraiment ?

Elle avait récupéré sa lyre avant de s'asseoir sur le bureau, c'était automatique, elle ne pouvait pas garder son deuxième instrument préféré loin d'elle. Le fait qu'il la regarde avec cette aura un peu froide. Elle avait l'impression d'être face à un chaton qui avait décidé de sortir les griffes. C'était...

-Ridicule à souhait.

Elle rit encore, l'atmosphère dans la salle changea alors que son aura tellement plus sombre entouré lentement le roux.

-Qui a manqué de respect à l'autre en premier ? Comment pouvez-vous oser faire une telle interprétation sans aucune émotion devant une Muse ? Vous pensiez réellement que j'allais laisser passer la chose et vous applaudir ?

Elle fit tinter quelques notes dans l'air plus condensé de la pièce, preuve qu'elle était maintenant très énervée et que cette émotion ne demandait qu'à se montrer.

-J'ai commencé à vous manquer de respect quand VOUS n'en avez montré aucun. Non, vous ne me bernez pas quand vous jouez parce que j'ai tellement de réincarnations derrière moi que vous n'êtes qu'un enfant turbulent.

Erato descendit de son perchoir, le regard comme un peu fou tellement la colère faisait changer les nuances de bleu dans ses yeux. Vraiment, le géant roux avait besoin qu'elle lui montre que ses émotions étaient toujours là et que même s'il pensait pouvoir se cacher, il avait tellement, mais alors tellement faux... Elle esquissa un sourire qui promettait clairement une certaine torture au vampire. Elle n'avait pas "joué" avec lui alors qu'ils se trouvaient dans la salle de bal mais il était temps que quelqu'un rappelle la vérité à ce pauvre hère.

Elle commença à jouer, entonnant un chant en grec ancien, une composition de sa part. Elle l'appelait la mélancolie des larmes, et l'utilisait volontiers sur les gens dépressifs... Combien s'était jeté d'un pont en pleurant en entendant cet air ? Tellement, elle ne les comptait plus. Et c'était au tour du professeur Ishirama Shintarô d'y faire face. Heureusement pour lui, elle ne pouvait pas le pousser au suicide surtout dans l'enceinte de l'école. Mais il n'en restait pas moins qu'elle allait faire remonter toutes les raisons qu'il pouvait avoir de se sentir mal, affligé, triste... Il pleurerait comme tous les autres. Et une fois qu'il aurait craqué, ils pourraient repartir sur des bases saines.

Que la musique soit !

feat : Erato Astrapi

La patience n'était vraiment pas un point fort chez le roux alors qu'il était d'un autre côté aussi froid que la glace qu'il n'était pas. Elle ne comprenait pas bien cet équilibre impossible et qui ne devrait même pas être en fait à ses yeux. En tout cas, il ne lui faisait pas peur, mais pas dans le sens où il le penserait. Elle n'avait plus peur de mourir, pas après les nombreuses fois où elle avait mis fin à ses jours elle-même. Donc, même s'il la tuait... En fait, elle espérait seulement qu'il montrerait une émotion en la tuant s'il avait envie de tenter d'en arriver là.

Pour avoir vu Sword et Miley, elle se savait pas si puissante que ça. Quant à être imbue d'elle-même... Non, Erato voulait juste... Que voulait-elle en réalité ? Sentir la vie, à défaut de vivre elle-même sans doute. Elle donnait le change, l'illusion. Et l'idée que le professeur de musique puisse faire pareil la répugnait. Elle ne pouvait pas voir de raison pour laquelle il aurait mis autant de cadenas sur son cœur et son âme. Pas aussi jeune. Peut-être avait-il perdu sa famille lui aussi... Sûrement pas de la même façon qu'elle mais elle n'aurait pas l'audace de comparer. Le chagrin et même chaque émotion était propre à soi-même.

Mais il y avait une chose de sûr. Shintarô n'avait pas compris pourquoi elle faisait ça. Elle s'expliquerait ensuite. Il était clair qu'il n'appréciait pas la chose mais elle ne cherchait pas à ce qu'il aime, elle cherchait juste à l'aider à se libérer un peu. Pleurer même si c'était une faiblesse, c'était aussi une force. Ce n'était pas un mal de savoir pleurer et c'était une partie de ce qu'elle voulait faire comprendre au roux. Alors son rire nerveux, ses larmes, ses flammes... Il était beau comme ça. Bien plus mignon qu'avec son air de statue de glace énervé.

Quand son chant prit fin, Erato baissa doucement sa lyre.

-Je ne cherche pas à être votre ennemi. Je ne cherche pas à vous blesser réellement non plus.

Elle descendit du bureau, y laissant son instrument. Elle déchira un bout de sa robe et le donna au géant.

-Je cherche à vous dire que vos émotions ne sont pas vos ennemis, peu importe leurs intensités. Comme vos larmes. Elles sont là pour vous aider à avancer. On avance avec tout, nos joies, nos peines, nos réussites, nos échecs.

Elle ne le toucha pas, presque assurée qu'elle serait rejetée. Elle en avait assez fait pour faire comprendre son point de vue. Il ne pouvait pas si figé comme ça aussi tôt dans son existence. Sinon, elle était juste vaine et triste. Elle recula lentement.

-Je suis quasiment tout le temps en colère pour ne rien ressentir d'autres. Comme vous. Mais je voudrai qu'avant que vous empruntiez totalement ce chemin... Que vous viviez, pas que vous surviviez.

Que la musique soit !

feat : Erato Astrapi

Clairement, il apparut soulagé qu'elle arrête. Elle s'y était mais tout de même, c'était presque intriguant de le voir montrer cette émotion en particulier. Sans qu'elle puisse définir pourquoi. Les flammes disparurent, pas que ces dernières l'aient vraiment inquiétée, elle aurait su protéger les instruments avec des lames de vent s'il l'avait fallu. Elle fut presque amusée de le voir accepter le bout de sa robe pour s'essuyer les yeux et reprendre contenance. Elle avait plus tôt compris son manège quand il avait détaché ses cheveux, il n'avait pas voulu qu'il la voit trop pleurer. Entre autres. Elle le laissa faire son petit rituel et l'écouta, sa lyre contre elle qu'elle avait récupéré avant qu'il ne s'appuie contre le bureau. On ne savait jamais...

Il avait une légère tendance à exagérer. L'idée n'était pas réellement que les vampires ressentaient plus fort, pas à son sens mais qu'ils ressentaient plus vite. Tout arrivait à la vitesse de la lumière ou presque pour eux. Enfin, c'était son avis et elle n'avait pas tellement envie de s'éterniser sur le sujet puisque le roux continuait. En essayant de fumer un de ces bâtons à cancer. En même temps, lui, il ne craignait pas grand chose puisqu'il était mort.

Il mentait un peu. Il avançait sans la plupart de ses émotions mais une restait prédominante. La colère. Et tout ce qui allait dans son sillage. L'impatience par exemple. Mais Erato n'allait pas le lui notifier. Il n'avait justement que neuf siècles, il savait marcher, il trouverait bien un meilleur chemin à force.  

-Je n'attendais aucun remerciement. Ce n'était pas un acte de totale bonté.

Elle se dirigea vers la sortie tranquillement, le professeur allait avoir tout de même besoin d'un petit repos après ça. Le temps de reprendre vraiment son masque de froideur, d'à nouveau enfermer chaque souvenir, chaque sensation, chaque émotion. Ça allait même lui demander pas mal de travail, les barrières étaient toujours plus faciles à détruire qu'à construire, tout le monde savait ça.

-J'espère que nous pourrons faire un duo la prochaine fois. Je ferai l'émotion pour deux.

Elle lui fit un sourire puis un clin d’œil, un peu moqueur mais un peu tendre aussi.

-Une dernière chose. Quand on voit l'amour sur votre visage, vous devenez presque beau. Vous devriez vous en souvenir. On se sait jamais, ça peut servir.

Et elle vida les lieux, laissant entendre un doux rire sur son sillage. Elle ne mentait pas, il avait presque l'air chou. Presque. Parce qu'avec tous ses tatouages... Enfin, c'était ses choix et maintenant qu'ils en avaient parlé, elle les respecterait.

Même si elle continuait de trouver cela dommage.

Que la musique soit !

feat : Erato Astrapi