Bien sûr que tu l'aimes, elle fait partie de toi.

Eh bien, l'innocence était un concept bien compliqué selon son sauveur. Vivien n'était pas sûr de comprendre où voulait en venir en fait. Était-il innocent ou non à la fin ? Le blond ne semblait pas apprécier qu'on l'ait élevé en esclave et en cobaye. Il fallait dire qu'il était conscient que personne de sensée ne voudrait de telles choses pour un autre être qui ne lui aurait rien fait. Encore plus quand il s'agissait d'enfant. C'était une histoire d'instinct de préservation de l'espèce de ce qu'il avait lu et appris. De toutes les espèces.

Des sentiments particuliers ? Qu'aurait-il voulu que je ressente autre que du plaisir ? Enfin, du plaisir... Il valait mieux y prendre du plaisir que de souffrir.
-Je veux bien te croire. Je ferai de mon mieux pour être heureux... Puisque tu m'en donnes la chance.
Il a un avis très tranché sur moi. Mais oui, pour avoir des câlins, il faut être doux. Pour l'innocence, on verra combien de temps elle durera.

Vivien somnolait presque au moment que choisit Saël pour se redresser en le tenant. L'ange était plus que décidé à l'habiller, si bien qu'il se retrouva porter par son sauveur, ce qui lui donna une bonne sensation de réconfort. Du coin de l'oeil, il surveilla vaguement ce que tirait l'homme de son placard, riant doucement à cause de ce qu'il venait de lui dire. Le demi-elfe trouvait que le professeur se défendait tellement que ça ne pouvait pas lui paraître vrai. Tout en se demandant pourquoi il tenait à ce que les gens ne voient pas sa gentillesse.

Sûrement pour être tranquille et ne pas être embêté par des gens malhonnêtes.

Vivien finit au-dessus de Saël alors qu'ils étaient de nouveau sur le lit, les vêtements à côté. Il ouvrit les boutons de la blouse qui cachait son corps tout en disant.

-C'est le premier cadeau qu'on me fait. Merci. Puis-je prendre une douche avant de les mettre ? Je ne veux pas les abîmer.

Le demi-elfe fit un beau sourire au blond et disparut avec sa nouvelle tenue dans la salle de bains après que Saël lui ait montré la direction. Non sans lui avoir laissé un bisou sur la joue. Il profita de l'eau chaude, un luxe qu'il n'avait pas connu même si le Centre maintenait toujours une température presque tropical dans les locaux. Il se frotta soigneusement, en chantonnant, ressortit de la douche au bout d'un quart d'heure. Puis enfin, après avoir séché ses cheveux au mieux, il s'habilla en douceur, arrangea l'écharpe autour de son cou et les manches. Puis il passa une main dans sa chevelure, osa se sourire dans le miroir et ressortit.

Il tenait tant à ce que je m'habille, j'espère qu'il aimera.
-Alors, ça me va bien ? Cela fait bizarre, tu sais... J'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre...
Je ne saurais l'expliquer pour quoi.

Il s'avança vers Saël, un peu rose tant il se sentait emprunté au final, maintenant qu'il se montrait. Nu, il ne cachait rien mais avec ses habits, il avait vraiment l'impression de ne pas projeter le même visage.

Est-ce cela mettre un masque ?
-Je ne veux pas mentir sur moi-même. Je n'ai pas honte, ce n'est pas de ma faute si j'étais là-bas. Si je suis né là-bas.

Personne ne saurait le convaincre du contraire. Il serra le poing, un peu plus sérieux et grave que tout ce qu'il avait été jusque là tout en ayant l'air encore plus fragile. Et il fit enfin ce qu'il n'avait pendant tout ce temps. C'était sûrement le choc de sa libération qui les avait tenues au loin mais maintenant qu'il comprenait à quel point il était libre... Il se jeta sur Saël et fondit en larmes dans ses bras. Tout en étant désolé de lui infliger ça. C'était tellement trop, il fallait qu'il extériorise.

Vivien voulait le croire quand il lui disait qu'il n'aurait pas à mentir. Ce n'était rien, juste le temps de s'habituer à ses vêtements qui lui grattaient un peu la peau. Ce n'était rien... Alors pleurait-il ? Même lui n'était pas sûr de le savoir, il fallait dire qu'au Centre, il avait toujours évité de pleurer à moins que la douleur ne soit trop forte. Sinon, là-bas, il ne s'était jamais permis de se plaindre ou autre. Il savait qu'il ne fallait pas donner d'armes supplémentaires à des gens qui vous faisaient du mal et il avait tenu cette ligne de conduite malgré une grosse absence d'espoir quant à sa situation.

Et maintenant, il s'épanchait sur son sauveur qui essayait péniblement de le consoler. Ce dont il se moquait, Saël essayait et c'était tout ce qu'il voyait. Il n'avait jamais eu de réconfort comme cela là alors il serait bien stupide de demander plus. Surtout qu'il faudrait savoir à quoi ressembler plus. Finalement plus calme et à nouveau somnolant après s'être senti si vif après la douche, il leva la tête pour regarder le blond qui le cajolait.

-Toutes mes excuses... Je... Je ne sais pas trop ce qu'il me prend.
J'espère qu'il ne va pas m'en vouloir pour ça.

Il n'avait aucune idée de l'image qu'il renvoyait. Il essuya ses joues d'un revers de la main, frotta un peu en reniflant. Un peu patraque, il posa de nouveau son regard bleu pleins de reflets de couleur sur son ange.

-J'ai mouillé ton tee-shirt... Veux-tu que je t'aide à te changer ?
Il doit être fatigué après m'avoir porté si longtemps...

Le demi-elfe renifla encore, remarqua le plateau plein de nourriture. Il en avait peu vu de vrai, tout ce qu'on servait au Centre, c'était une espèce de bouillie qui garantissait seulement d'avoir tous les nutriments et vitamines nécessaires. Il s'assit sur le lit, quittant plutôt les genoux de Saël à contrecœur, ne sachant pas que penser de cette affichage. Pouvait-il espérer que ce soit pour lui ou le blond s'était-il préparé un en-cas pendant qu'il se lavait.

Non, il n'est pas méchant, il va sûrement partager avec moi.
-Puis-je manger un petit quelque chose avec toi ?

Il n'avait pas la prétention de manger tout ce qu'il y avait là. Sans compter qu'il n'était même pas sûr de pouvoir nommer tout ce qui se présentait à lui. Il goûterait volontiers mais il avait un petit estomac. Comme les oiseaux. L'idée lui tira un petit sourire, preuve que ses émotions faisaient réellement des hauts et des bas. Et l'épuisement ne l'aidait pas. Cependant, il avait bien compris que Saël voulait le confier à d'autres personnes aussi, il s'empêchait de finir endormi.

A la réponse positive de Saël, il sourit un peu plus, prit le premier truc tout proche, une tartelette aux fraises. Il prit l'une des fraises, croqua dedans, du jus coulant sur ses doigts jusque dans sa paume. Il lécha rapidement, fit rouler sa langue. C'était si bon !

Incroyable comme les fruits étaient délicieux !

Ça ne fut qu'à la moitié de sa dégustation qu'il remarqua qu'il mangeait sans en proposer. Honteux, il rosit de ses manières qui ne s'amélioraient pas et amena la tartelette entamée aux lèvres de son ange, lui proposant clairement de prendre un bout.

-C'est vraiment très bon. J'adore la crème ! Mais je ne pourrais pas goûter au reste si je mange déjà tout ça, vas-y.

De sa main libre, il prit un Chamallow, écarquilla les yeux à la texture alors qu'il mâchait pour finalement rire. Ça l'amusait même énormément. Il n'en fallait pas beaucoup pour lui plaisir, il avait déjà trop à apprendre niveau cuisine... Mais le meilleur à son sens, quand il eut fini de piller le plateau, c'était le chocolat. S'il avait encore eu de la place, il aurait tout mangé comme l'avait laissé entendre ses "hum" entre deux bouchées.

Ouah, je crois que c'est la première fois que j'ai le ventre plein...
-Ça fait bizarre... J'ai encore plus envie de dormir maintenant...

Il y avait juste à souhaiter qu'il n'allait pas tout vomir puisqu'il n'était pas habitué au solide. L'air plus que repu, il posa la tête sur l'épaule de Saël.

Même si Saël le laissa finalement seul pour son repas, celui-ci revint tout de même à son grand soulagement. Avec une boisson qu'il ne lui proposa pas mais de toute façon, il se sentait bien assez plein comme ça. Les yeux clos, il écouta le sauveur lui conseiller un espèce de cachet qu'il prit sans rechigner. De la main de quelqu'un d'autre, il aurait pris le temps de réfléchir mais c'était l'homme qui venait de le délivrer alors il n'y avait même pas une ombre d'hésitation. Même s'il laissa de la salive sur le bout des doigts du blond.

Même les médicaments pouvaient être bons ?
-Je ne sais pas si je pourrais laisser tout le monde me soigner...

Puis, lui obéissant encore, Vivien glissa sous les draps du lit. Bien emmitouflé, il observa longuement Saël, avec l'envie d'obliger le blond à venir se coucher près de lui. Mais ça ne serait pas bien, le blond n'était pas un jouet et il se refusait même à penser à le voir ainsi. Pas alors que celui-ci lui disait plus ou moins de ne plus se voir comme un esclave. Le problème étant que même si pleurer lui avait fait du bien, il se sentait toujours aussi perdu. Qu'allait-il devenir, il n'avait aucune certitude.

D'une certaine manière, je n'ai que lui... Mais j'ai l'impression qu'il a du mal alors je ne vais rien lui dire.
-Puis-je avoir un bisou avant de m'endormir ?

Il était navré d'avoir autant besoin d'être consolé.

-Je serai sage après... Je ferai de mon mieux pour ne pas t'embêter.
Qu'il ne me laisse pas du tout.

Vivien savait que Saël en avait vraiment fait beaucoup pour lui. Il s'endormit ensuite, profondément. Il ne bougea pas, l'air comme mort. Et l'air plus vieux d'une certaine façon. Cette douleur physique qu'il ne montrait pas éveillé se révélait complètement une fois qu'il était inconscient. Sa sieste dura longtemps, près de deux heures avant qu'un cauchemar ne le ramène à la réalité du monde. Son cri muet était plus déchirant qu'un cri qui aurait résonné dans la maison. Il se recroquevilla sur lui-même sous les draps, cherchant à se calmer, le corps tremblant.

Cela ne suffit pas que je sois perdu, je ne peux même pas me faire confiance tant je suis fragile.

Cela pourrait le rendre fou. Qu'allait-il faire de lui ? Arriverait-il seulement à se construire comme quelqu'un de banal ? Pourquoi se sentait-il aussi seul ? Vivien ne pleura pas, il tenait à se retenir. Il ne savait pas non plus si Saël avait constaté son manège. S'il était dans la pièce d'ailleurs. Il sortit enfin sa tête de la couette pour regarder autour, constata que son ange était bien assis sur le lit et osa un sourire doux, encore un peu endormi.

-Tu es encore là...

On n'avait jamais fait ça pour lui. Il se redressa sans attendre, s'assit sur le blond, passa ses bras autour de son ange. Il savait qu'il en prenait beaucoup mais après son cauchemar, il avait besoin d'être rassuré, tellement. Tant pis, il laisserait vraiment Saël tranquille bientôt mais... mais pas tout de suite. Il frotta sa joue à son épaule.

-Je ne veux pas partir maintenant...
Le monde de dehors me fait un peu peur je crois. Je serai tout seul.

-Autant que possible, je reste...

C'était étrange comme attitude, en fait, ça ressemblait beaucoup au bisou que le blond avait bien voulu lui faire. En fait, Saël avait l'air comme... gêné par la façon dont lui, Vivien se comportait. Le bleu avait l'impression que son sauveur était un peu rose. Était-ce si peu courant ? Était-ce si contraignant ? Pourquoi dans ce cas, l'ange ne l'arrêtait-il pas ? Il en avait le droit, c'était quand même son espèce vital que le demi-elfe envahissait sans vergogne... Sans doute que Saël était trop gentil...

Enfin, c'était ce qu'il aurait pu penser pendant très longtemps mais la situation évolua de telle sorte qu'il comprit une chose en vérité : Saël n'était gentil que si ça lui convenait. Et que lui, Vivien, avait bien de la chance que l'homme veuille l'être avec lui. Et il n'allait pas sans plaindre. Parce qu'à la vue du colosse qui était dans la chambre sans crier gare, il ne se sentait absolument pas rassuré. En plus, il venait de lui vriller les oreilles en criant ainsi.

Il croit que mon sauveur est sourd ?
-Bonjour monsieur.
Parce qu'il faut être poli, il est bizarre cet homme.

Se frottant l'une de ses oreilles, il se révéla incapable de se blinder pour la suite. L'homme s'approcha et lui mit la main dessus. Cela ne le choqua pas tant que ça mais c'était le fait qu'il le confonde avec quelqu'un qui le laissa incertain. Avant de se dire qu'il devait y avoir pleins d'elfes ici et qu'il ne serait sûrement pas le seul représentant de cette race. Il ne chercha pas à se dégager, plutôt impressionné par l'aura du nouveau venu. Par contre, il remercia Saël d'une caresse dans la nuque de celui-ci pour son aide. Parce qu'il ne savait pas du tout comment prendre tout ça.

-Je m'appelle Vivien, monsieur. Et je ne connais pas de Lawrence.
Et puis tous les elfes se ressemblent, pas vrai ? C'était ce que les scientifiques m'avaient dit.
-Enchanté, monsieur Sword.
Ça voulait dire "épée" en anglais. Il était coupant comme une lame ?

Vivien trouvait l'homme plutôt agressif même si de son côté, il lui parlait gentiment avec un sourire. Cependant, il s'était comme... un peu plus enroulé autour de Saël, se refusant de quitter sa protection. Même si vu leur position, l'ange aurait du mal à les défendre tous les deux. Cela n'était pas une bonne chose, surtout que l'inconnu continuait ses questions non sans avoir affiché un air de mauvaise augure. En conséquence et à contrecœur, Vivien laissa les genoux du blond non sans rester assez proche pour qu'ils soient toujours en contact.

-Soyez gentil avec Saël, monsieur l'impoli.
Surtout que je trouve que mon sauveur se conduit de façon raisonnable alors qu'on entre chez lui sans prévenir.
-En plus, Saël ne m'a pas acheté, il m'a libéré alors ne dites pas des choses aussi méchantes et cruelles. S'il vous plait.

Vivien avait fait attention en s'asseyant à côté de ne pas se mettre sur le carnet à croquis, se refusant à abîmer le beau dessin qu'il apercevait. Cela lui rappela juste ses propres croquis désormais perdus. Mais il en referait bien d'autres, des beaucoup plus beaux et heureux. Il lui fallait juste le matériel. Il trouverait le moyen d'en avoir sans le demander au blond, celui-ci lui avait déjà fait des cadeaux avec les vêtements entre autres. Il serait sage en ne réclamant rien de plus.

-On m'a dit que tous les elfes se ressemblaient alors je dois avoir l'air assez commun pour ressembler à celui que vous connaissez, monsieur.
Je ne serai pas surpris qu'il se fasse des idées bizarres...

Vivien bâilla longuement, s'étira un peu avant d'observer encore le colosse qui lui laissait une sensation de malaise plus que concrète. Comme si quelque chose n'allait pas chez lui. Qu'il avait encore... du chagrin. Alors du coup, il demanda :

-Saël, monsieur Sword a besoin d'un câlin ? Il ne va pas te faire du mal, hein ?

Ainsi donc, il ne s'était pas mis à rêver, Saël rougissait. Cependant, Vivien était incapable de dire pourquoi, il ne voyait pas ce qu'il pouvait y avoir de si gênant dans la situation. A moins que cela ne soit tout simplement à cause du fait qu'il soit sur le blond. Si celui-ci était du genre lointain avec les gens, cela ne devait pas être facile pour lui de s'afficher avec un élève sur les jambes devant un être qui semblait avoir un minimum de haine envers lui.

Par contre, s'il y avait bien une chose qui ne plaisait pas c'était que...

Il n'a pas le droit de dire à Saël qu'il est mignon pour se moquer de lui !

Vivien était un peu irrité par la chose. Si le type n'aimait pas Saël, il pouvait s'en aller, ils avaient été très bien sans lui. Bien sûr, au lieu d'exaucer son souhait de reste qu'avec son ange, il fallait que l'inconnu reste. Il venait de le mettre un peu de mauvaise humeur. Déjà qu'il n'était toujours pas à l'aise avec tout ce qui lui arrivait alors il préférait qu'un inconnu aussi virulent ne lui fasse pas une telle impression. Car il ne doutait pas qu'il le rencontrerait encore dans l'école plus tard.

-Si j'avais été ce Lawrence, en quoi cela aurait-il été si important ?
Aurait-il été inquiet, l'inconnu ?

Vivien fronça un peu les sourcils alors que le colosse faisait son petit discours sur sa raison d'être méchant. Il voulait faire croire cela à qui là ? Parce qu'il n'y avait aucune chance que le demi-elfe le croit. Et il ne pensait pas non plus que Saël était aveuglé par le jeu absurde de ce Sword. En fait, l'ange préférait même le reprendre sur ses genoux, ce dont il n'allait pas du tout se plaindre. De même, il frotta de nouveau sa joue à l'épaule de Saël alors que celui-ci insultait le nouveau venu. Ce dont Vivien se moquait complètement, le blond pourrait assassiner devant lui qu'il n'interviendrait pas. Son sauveur avait toute sa loyauté.

Bien que la suite le surprit encore. Le blond avait compris son manège. Donner l'impression d'être un enfant, un être très vulnérable pour éviter le pire. Le demi-elfe observa longuement les yeux bleus de l'ange qui l'assurait qu'il ne cesserait de le protéger. Cela le laissait figé pendant un temps. Alors qu'il ne sourit de nouveau.

-D'accord. Parce que je crois en toi.
Je n'aime pas mentir de toute façon, je préfère être moi. Cependant, il me faudra bien une armure à moi aussi un jour...
-Et pas de câlin pour lui, compris.
Vraiment sans-gêne quand même...

Car Sword s'était emparé du carnet à dessins de Saël pour se mettre à examiner chaque oeuvre. Savait-il que les dessinateurs pouvaient trouver ça intime ? Vivien avait toujours fait attention à ne pas mettre trop de son âme dans ses croquis au Centre. Les scientifiques faisant déjà ce qu'ils voulaient de son corps, il n'avait pas voulu leur offrir si facilement accès à son esprit, bien qu'ils l'aient en partie façonner. S'il s'était mal à l'aise pour le blond d'une telle intrusion chez lui, ce malaise se renforçait. Pourtant, il ne voulait pas avoir à détester qui que ce soit, et ce dès les premières heures de son arrivée.

-Peut-être veut-il discuter seul avec toi ? Puisqu'il n'a pas envie de se souvenir de la raison de sa visite...
Après tout, il doit me considérer lui aussi comme un intrus. Il me donne envie de voir les dessins de Saël à la façon dont il les observe.

En plus, Vivien sentait bien que le colosse ne cessait de les observer, comme s'il cherchait encore à voir quelles émotions pouvaient bien ressentir Saël. Le demi-elfe n'était qu'une fourmi semblait-il. Et très franchement, il n'avait pas envie d'être plus pour le moment auprès d'une être si puissant mais versatile. Un être qui se cachait derrière des armures fissurés en étant persuadé que l'on ne pouvait pas voir son vrai visage entre les craquelures. Mais Vivien les voyait déjà. Et il n'était pas prêt à s'approcher d'un tel cataclysme.

-Est-il un professeur ?
Je ne sais pas si je veux faire face à un homme pareil tous les jours... Il arrive à me faire penser au pire.

Vivien constata que Saël se fit un peu véhément sur le fait qu'il rougissait effectivement. Ce n'était sûrement pas un phénomène courant pour que cela gêne autant le blond et du coup, le demi-elfe se mit à vouloir que cela n'arrive qu'en sa présence avant de se mettre une claque mentale. Il fallait qu'il cesse dès maintenant de vouloir poser des jalons sur son sauveur. C'était lui qui lui devait quelque chose, il n'avait aucun droit sur l'homme et même si un jour, par le plus grand des hasards, il en avait, il ne se permettrait sûrement pas de l'utiliser.

Donc, pas se dire qu'il voulait des choses de l'ange rien que pour lui. Saël n'avait pas à les lui donner. De gré ou de force.

Il n'est pas gentil de rire de Saël. Ils ont une étrange relation d'ailleurs, tous les deux... Ils se détestent, je le sens mais ils se supportent...
-Sûrement parce que tu sembles collectionner des armes contre lui en ce moment même. Du coup, je ne te ferai pas de câlin.
Surtout si mon sauveur se sent déjà si désavantagé.

Cependant, ce fut son tour de rougir aux paroles de son protecteur. Même s'il n'était pas sûr d'en saisir tout le sens. Quelle genre de créature était-il selon le blond pour que son câlin coûte plus - ou moins en fait - que celui d'un autre ? Sur quelle échelle se basait-il ? Était-ce seulement logique ou cela cachait-il autre chose ? Hum, ces questions étaient un peu trop complexe pour le demi-elfe pour l'heure. Il ressentait toujours une énorme fatigue bien qu'il ne la montrait pas. Il avait encore quelque pudeur et la présence de Sword ne lui permettrait sûrement pas de sombrer à nouveau. Sans compter qu'il lui fallait partir à un moment ou un autre.

J'aime les écouter s'envoyer des piques quand même, ils ont une façon presque élégante de faire.
-Je me demande si vous percevez tout ce qui court comme sentiments dans ces dessins.
Ce Sword, cet Hidden comme me l'explique Saël, sait-il lire les traces d'âmes que laisse un artiste dans son art ?

Vivien n'aimait pas du tout l'idée que l'ange puisse être le jouet de qui que ce soit, et pour cause, ce mot avait une signification toute particulière dans son éducation. Aussi, son regard se ternit un peu alors qu'il refusait de croire que le blond puisse se laisser faire par cet homme arrogant. Son sauveur devait être bien plus fort que ça. Il serra les poings, se força de nouveau à se détendre. S'il le fallait, il défendrait Saël, si pour quiconque d'autres, ça n'aurait pas de sens, pour lui, ce serait même un honneur.

-Saël ne sera jamais un jouet.

Le demi-elfe regarda l'ange en ajoutant sur le domaine complètement spécifique de l'art.

-Dessiner sa victime, ce n'est pas justement encore plus la dépouiller et la détruire ?
A moins que Sword ne mérite même pas qu'il aille faire ce genre d'efforts. Je ne devrais pas vouloir qu'il lui fasse du mal mais ce qu'il dit...

C'était tout simplement douloureux et bouleversant pour Vivien. Or, il avait besoin de se reposer, pas de s'affoler encore plus. Cependant, c'était aussi ça, vivre dans le monde, c'était affronter des gens, même quand l'on ne s'en sentait pas la force. C'était survivre au pire, gagner le meilleur... Ou l'indifférence puisque son existence n'avait aucun intérêt pour le colosse bleu.

-Y'a-t-il beaucoup de personnes comme lui dans l'école ?

Le demi-elfe voulait être prêt à faire face. Le repos serait sans doute pour la tombe, au final.

Le Hidden n'avait pas l'air de vouloir lâcher le morceau sur les rougeurs de Saël. Vivien n'aimait pas du tout cela, le colosse bleu en avait bien assez et même trop, il devait arrêter de se moquer de son sauveur comme ça juste parce qu'il trouvait enfin une faille. En plus, rien ne disait qu'elle continuerait à exister et sans le savoir le Dragon jouait avec les nerfs toujours fragiles du demi-elfe. Il ne voulait pas être la faiblesse de Saël. Il ne voulait pas que le blond puisse se sentir encore obligé de le protéger malgré tout ce qu'il l'avait laissé dire.

Aussi, il ne rougit pas quand Sword les dit en couple. Il n'y avait rien de plus faux. L'ange avait mieux à faire de d'avoir un gamin faible et inculte auprès de lui. Peu importe sa gentillesse. Oui il était bien où il était, oui il voudrait pouvoir garder ce confort mais pas au dépend de Saël. Un être comme lui méritait mieux. Presque morose, il fut cependant soulagé de savoir que le blond n'était vraiment pas un jouet. Il esquissa même un sourire.

-L'aurais-tu donc taper violemment ?
Ma question semble innocente mais je me demande vraiment de quoi il est capable quand il est en colère. Et l'homme en rajoute. Dépouillé ? Ou dépecé ?

Et il se prit un petit cours de dessin et de philosophie. Et l'ange prouvait encore que sous ses airs durs, il était bien quelqu'un de bien. Il avait tout aussi conscience que Vivien qu'il était bien plus facile de détruire que de construire. Même si Saël se permit aussi de lancer une belle pique au colosse, du coup, Vivien dut se retenir de rire. Parce que quand même, c'était loin d'être gentil et il n'avait pas envie de se mettre cet inconnu à dos.

En savoir plus sur les gens avant de s'en faire des ennemis si c'est nécessaire.
-Il y a toujours pire. Le propre des êtres pensants, c'est de vouloir toujours creuser plus loin dans l'ignoble. Surtout quand ils ont envie de faire souffrir.

Le demi-elfe fronça les sourcils quand Saël "insulta" Sword avant que celui-ci ne s'en aille. Il avait l'impression d'avoir... d'être une cible. Bien qu'il n'était pas sûr de comprendre pourquoi l'Hidden aurait envie de faire cela. Était-il si en colère contre son sauveur ? Sa façon de partir était belle cela dit. Il n'avait encore jamais rien vu de pareil auparavant. Il revint au blond qui avait desserré son emprise sur lui.

-Penses-tu réellement qu'il va m'attaquer pour te faire sortir de tes gonds ?
Il fallait que je réfléchisse pour que cela n'arrive pas.

Vivien bougea un peu sur les cuisses de Saël, se passa une main lasse dans les cheveux. Alors que l'ange se faisait si rassurant, ce qui lui laissait une impression douce amère. Il espérait avoir mal compris, il ne pouvait pas être la faiblesse de quelqu'un, pas déjà. Il avait besoin de se construire un minimum pour voir sa propre valeur, déjà, il ne pouvait pas rester exactement tel qu'il était pour s'adapter au monde, il en était conscient.

-Merci beaucoup Saël. Mais évite de te faire du mal à cause de moi. Il se pourrait que ce soit ma faute, si c'est le cas, ce serait normal que je paie.
Ne te sacrifie pas pour moi... Ne m'en donne pas autant...

Vivien l'embrassa sur la joue, se leva lentement. Là, il s'étira, lissa ses habits, se faisant un peu plus à leur présence pesante et un peu handicapante. Il ne savait toujours pas comment il allait s'en sortir sur tous les points de vue mais il trouverait. Il devait pouvoir aussi compter sur lui-même.

-Peux-tu me donner les dernières indications pour que je puisse finir de m'intégrer pour les futures classes ? Y a-t-il une bourse d'étude ?
Je ne dois pas être le premier qui a besoin d'aide financière.

Vivien souriait encore mais son regard innocent était assombri par les difficultés nécessaires à affronter.

-Je poserai sur le monde un regard sans haine et j'attendrai de connaître pour juger, je te le promets.

Allons, il savait forcément ce que voulait dire Vivien par violent. A moins que Saël se soit trouvé gentil lorsqu'il avait gelé tout le sous-sol du Centre. Les statues des scientifiques lui avaient laissé une énorme impression. C'était beau et sinistre comme art. Quelque part, ça ressemblait à son sauveur aussi. Il avait ses deux facettes distinctes, pas si facilement discernables mais pour lui... Il avait l'impression que le blond ne cherchait pas à se cacher avec lui, cependant. Et il l'appréciait.

Ce qui lui donnait encore plus envie de protéger Saël de lui. Si Sword était si sûr qu'il était une faiblesse pour l'ange, alors il devait faire attention à ce que moins de gens puissent s'en rendre compte. Même s'il ne comprenait pas exactement pourquoi il était déjà une faiblesse pour son sauveur. Il aurait saisi que celui-ci n'ait pas déjà envie que l'on gâche son travail mais ça, c'était autre chose. Et il le sentait, à la simple façon dont le serrer Saël.

Je... Je me suis déjà tellement attaché à lui... Je ne veux pas m'en aller. Mais si... Il le faut.
-Contrôler mon pouvoir ? Je ne sais pas si c'est une bonne idée que j'apprenne à m'en servir.
Je me tuerai avant d'avoir réussi.
-Cependant, voudrais-tu m'apprendre à voler ? Je ne suis pas sensé avoir des ailes mais... j'en ai.

Tout en disant cela, Vivien regardait Saël faire, pour engranger des souvenirs. Il était difficile de se retenir tout de même, il avait cette boule dans la gorge, une furieuse envie de pleurer. Tout en se sentant affreusement perdu. Il tournait en rond dans sa tête à la fin, il fallait qu'il en sorte maintenant ! Il se savait fragile mais y être confronté aussi violemment, ça n'avait jamais été prévu dans son esprit. Il s'était toujours vu esclave, espérant un maître gentil. Pas cette liberté avec tellement de possibilités qu'il en avait le vertige.

-Un travail. Je vais essayer de trouver cela, oui. Comme cela, je pourrais m'acheter des vêtements et des fournitures.
Il faudra que j'en trouve un qui ne demande pas trop de qualifications.

Le demi-elfe rosit en se rendant compte qu'il matait les fesses du blond qui terminait de faire son lit. Non mais quelle honte ! Il secoua la tête vivement en baissant les yeux, se triturant les doigts comme quelqu'un qui venait de faire une bêtise. Il ne saurait même pas capable de dire à quoi il avait pensé.

-Puis-je réellement venir te voir quand j'en ai envie ?
Surtout besoin, bien que j'essaierai vraiment de trouver un moyen de me débrouiller.

Il tendit enfin la main à Saël, prêt à partir. Il déposa un bisou sur la joue du blond.

-Tu me manqueras.
Zut, pas réussi à ne pas le dire.