J'avais réussi à prendre un peu de repos après mon séjour chez Daeron, et même si notre relation ne s'était pas encore vraiment arrangé, j'avais au moins la certitude qu'il voulait toujours de moi, puisqu'il avait prit la peine de prendre soin de moi. Je culpabilisais toujours, mais je me sentais déjà un peu plus apaisé, et c'était une très bonne chose pour ce qui était du contrôle de mes pouvoirs. J'avais passé quelques jours à m'isoler à nouveau, retournant chez moi seulement brièvement pour me changer mais comme j'avais eu la superbe idée de vivre très près de l'eau, je ne pouvais pas y rester très longtemps.

Je traînais donc principalement dans les jardins, être en plein air me détendait, et j'évitais les lieux trop fréquentés. Je n'arrivais toujours pas à maîtriser quoi que ce soit, mais je commençais un peu à m'habituer à sentir chaque particule d'eau dans l'air, et j'avais finit par comprendre que le moindre changement de mon humeur me faisait tout congeler ou chauffer l'eau. Je n'avais pas encore essayé de maîtriser quoi que ce soit, je passais surtout mes journée à méditer, pour réussir à garder mon calme et tout ressentir sans perdre le contrôle. Pendant un petit moment, ça a même plutôt bien fonctionné !

Puis la faim qui me rongeait en permanence m'avait fait errer un peu dans l'école. Je voulais juste me trouver une proie, l'emmener à l'écart, et puis juste grignoter un peu et c'était finit. J'avais encore l'esprit clair. Sauf que ça s'est pas passé comme prévu. Des nuages sont venus obscurcir le ciel, chargeant l'air d'humidité, me rendant très rapidement nerveux et agité. La logique aurait voulu que je me réfugie dans un bâtiment, même si il ne pleuvait pas encore, l'air aurait été plus sec, seulement, la trop grande concentration d'élèves me paraissait impossible à appréhender.

Au final, je n'ai pas réellement prit conscience de mon esprit qui se brouillait lentement, et de mes pas qui me guidaient à travers les jardins, errant jusqu'à un endroit plutôt fréquenté. Et puis je me suis arrêté là, planté debout au milieu des éclats de voix des élèves qui profitaient de leur temps libre. J'avais faim. Atrocement faim, et pourtant j'avais plein d'énergie à revendre. Le regard perdu dans le vague, j'avais pas prit conscience des tremblements qui s'étaient emparés de moi, et de mes yeux qui étaient devenus blancs, alors qu'un sifflement menaçant s'échappait de moi, assez léger pour passer inaperçu dans tout ce boucan.

Je luttais toujours contre mon instinct, mais mon contrôle s’effritait à toute vitesse, et c'est quand un élève particulièrement appétissant passa à côté de moi que je perdis le contrôle. J'ai juste eu à tendre la main pour l'attraper par le col, et le ramener vers moi. J'ai vu son regard surprit, mais je ne lui ai pas laissé le temps de comprendre quoi que ce soit, que j'ai planté mes dents dans ses lèvres. Son cri de douleur étouffé m'a fait frissonné, et j'ai aspiré son énergie jusqu'à ce qu'il tombe au sol, évanouit. Il m'avait suffit de quelques secondes à peine pour ça. Puis j'ai relevé les yeux sur les élèves autour, constatant qu'il y avait enfin un peu de calme.

« J'ai faim... »

Puis lentement, c'est un grand sourire qui s'est tracé sur mes lèvres, et je me suis mis à rire, d'autant plus en les voyant reculer. L'air est devenu glacial, tellement plus agréable, l'herbe s'est mise à geler, et les chemins se sont recouverts de glace. La fontaine qui trônait plus loin a même explosé brusquement.

« Je veux jouer... ! »

A partir de là, j'ai arrêté de lutter. Je ne me rappelais plus pourquoi je devais me retenir. Tout ce que je savais, c'était que j'avais faim, et que j'avais tout un tas de repas à porté de main. La glace s'installait tout autour de moi sans que je puisse la contrôler, mais cette ambiance glacée me plaisait, j'avais tellement chaud que j’étouffai. Ma fièvre recommençait à s'installer. Sans aucun scrupule, je me suis mis à chasser les élèves, rejetant violemment ceux qui ne m'intéressaient pas, quitte à les blesser, et je bloquais les autres avec mes pouvoirs. Je chantonnais doucement sans pour autant utiliser mon hypnose, j'en étais incapable dans cet état d'esprit.

J'avais nettoyé un peu la zone, bien sûr, beaucoup d'élèves s'étaient échappés en appelant à l'aide, mais je me moquais totalement d'eux. Tout avait gelé autour de moi, mais je mourrais de chaud, et ma faim ne semblait pas pouvoir être comblée. Heureusement qu'il ne pleuvait pas en plus, j'avais bien assez à faire avec l'humidité du sol. Je m'étais remis en marche, le regard perdu dans le vague, me mettant à errer sans faire attention à quoi que ce soit, puis j'ai sentit une présence que j'avais déjà goûté, et je me suis sentit brusquement attraper par la gorge, et mon bras bloqué dans mon dos. J'ai pas vraiment réagit pour autant, clignant simplement des yeux alors que ma vue était un peu flouée. Puis j'ai entendu une voix me parler et ai froncé les sourcils. Dans cet état, j'avais du mal à comprendre autre chose que mon italien natal.

Je sentis rapidement mon dos buter contre un mur, mais je ne sentais pas vraiment la douleur. Je tremblais, agité de quelques tic nerveux à cause de la fièvre, et puis enfin j'ai pu voir mon tuteur. Je comprenais pas spécialement ce qu'il voulait, mais il me dérangeait. J'ai planté mon regard dans le sien, et c'est en italien que je me suis mis à dire, puis répéter encore et encore :

« J'ai faim... »

Puis je me suis rappelé d'autre chose : Daeron m'a interdit de le laisser me toucher. Je veux pas que Daeron soit encore plus fâcher ! Je me suis brusquement dégagé, le cognant de toutes mes forces au passage, puis j'ai siffler entre mes dents :

« M'approche pas. »

J'ai ensuite voulu m'éloigner du mur, et je n'ai pas comprit quand j'ai été incapable de bouger les jambes. J'ai baissé les yeux, et c'est là que je me suis rendu compte que mes pieds étaient coincés dans une épaisse couche de glace. Je me suis un peu calmé, oubliant mon tuteur pour rester comme un con à regarder ça, passant une main sur mon visage pendant qu'un vertige me faisait vaciller.

Après avoir constaté que je ne pouvais pas bouger, j'étais juste resté planté là, sans plus penser à vouloir m'enfuir. J'étais fatigué, j'avais pas envie de bouger, et j'avais besoin d'un peu de temps pour me stabiliser à nouveau un minimum. Par contre, j'ai même pas eu le temps de voir le coup venir, et ma tête se tourna sous le choc, et le coin de ma lèvre avait explosé au passage, le sang coulant sur mon menton. Une blessure qui allait très vite se refermer d'ailleurs, vu comme je débordais d'énergie. Mon tuteur m'a à nouveau agrippé par la gorge, mais je n'y ai pas spécialement réagit, ramenant mon regard vers lui. J'étais pas vraiment sonné, plus déconnecté.

J'ai comprit quand il m'a dit de me calmer, mais ça m'a juste ramener à penser que je ne voulais pas qu'on me donne d'ordre. Personne d'autre que Daeron en tout cas. Je commençais à avoir envie de lui briser les mains, mais il relâcha mon cou avant ça, alors l'idée m'échappa tout simplement. Mes pensées avaient toujours du mal à se focaliser. J'ai froncé les sourcils pour réussir à comprendre précisément ce qu'il me racontait. En gros, il me foutra la paix si je lui dis ce que j'ai ? J'ai pas retenu le fait qu'il voulait venir me voir, ni même pensé que j'avais fait quelque chose de mal, c'était encore trop embrouillé pour ça.

J'ai ensuite penché la tête sur le côté, focalisant toute ma concentration pour comprendre ce qu'il me racontait ensuite, et c'était pas facile. Qu'est ce que ma mère venait faire là-dedans ? J'avais du mal à saisir le message, mais je crois qu'il insistait toujours pour que je parle. Le truc, c'est que j'ai commencé à me sentir vraiment bizarre, et j'ai sursauté en laissant échapper un couinement quand tout d'un coup, la glace qui me maintenait en place, et grimpait le long de mes jambes se changea brusquement en vapeur, me brûlant au passage. Je déteste ça !

Et puis comme si ça suffisait pas, j'ai sentit mon ventre se serrer, et j'ai juste eu le temps de me tourner un peu, et je me suis mis à vomir contre le mur. Heureusement, je n'avais rien d'autre que de l'eau dans l'estomac, mais ça restait assez peu agréable. Je me suis ensuite redressé, grimaçant, et m'essuyant le menton, et puis j'ai reprit mon souffle avant de murmurer une plainte.

« J'ai mal... »

Ma tête va exploser. Je veux retourner me reposer loin d'ici, je ressens trop d'énergie à proximité, ça me rend instable, et la pluie menaçait de tomber à tout moment. J'ai donc décidé de lui expliquer, au moins un minimum pour qu'il me foute la paix ensuite. Je me suis donc mis à parler d'une voix faible, et avec difficulté.

« Mes pouvoirs... ils changent... j'ai faim... »

Je frottais nerveusement mes bras et mon visage sans m'en rendre compte. Dans le fond, c'est marrant, ça me rappelle ma période toxico, à part que là, je peux réellement avoir une dépendance pour l'énergie, quant à faire une overdose... ben concrètement, j'imagine que oui, c'est possible, parce qu'au bout d'un moment mon corps pourra plus encaisser toute la puissance, mais de là à savoir précisément ce que ça fait... Peut être la fièvre est un premier symptôme, à moins que ça soit plutôt dû à la fatigue et la déshydratation...

« J'arrive pas à l'arrêter... »

Pendant un moment, mon tuteur n'a rien dit du tout, et moi je n'ai rien rajouté. Si il n'avait pas comprit, je pourrais pas expliquer plus clairement. Puis je l'ai vu s'agenouiller devant moi, je savais ce qu'il faisait, mais en vérité, je m'étais même pas posé la question, je le regardais simplement. Il s'est remit à parler, et cette fois j'ai très bien comprit ce qu'il a dit par rapport à mes pouvoirs, et ai bien faillit lui donner un coup de genou. Franchement, j'aimerai bien l'y voir, lui. Par contre... Un mort vivant ? Je comprends pas pourquoi il me parle de Sword maintenant... J'étais plus certain de ce que j'entendais en fin de compte. Je percevais surtout des bouts de phrases, et si je me souviens bien la manière dont ça s'était passé la dernière fois, j'allais pas tarder à délirer.

Mon tuteur inspecta mes jambes, et l'eau qu'il y apposa apaisa un peu mes brûlures. Ensuite, je dû lever les yeux pour le suivre quand il se leva, et ce qu'il me disait était pas vraiment clair. En fait, il m'avait pas du tout donné le temps de comprendre de quoi il voulait parler, nos regards se croisèrent, et assez je sentit un truc qui m'éclaira finalement sur ses intentions, et qui ne me plaisait pas du tout ! Je le sentais fouiller ma tête, et tirer ma conscience vers l'extérieur alors qu'elle s'était réfugiée dans un coin tout au fond derrière mon instinct.

Il essayait de me calmer de l'intérieur, et je trouve ça un peu idiot comme méthode. Actuellement, je suis une bombe à retardement. C'était pas mon esprit qui avait un problème, ça c'était juste une réaction de self défense face à ce qui m'arrivait, et actuellement, ce dont j'aurais surtout besoin, c'était de me débarrasser de ce trop plein d'énergie, mais ça me donnerait faim et ainsi de suite. J'avais besoin de m'isoler à nouveau, dans un endroit sec de préférence. C'était douloureux, mais ça m'évitait de faire des conneries, et ça me faisait rester réveillé.

« Recommence pas ça... »

C'est pas la première fois qu'on fouille mon esprit, mais j'ai horreur de ça. Encore, venant de quelqu'un d'autre, ça passe, mais mon tuteur, non merci ! Je tiens à garder mes pensées et mes souvenirs pour moi. Puis franchement, la seule chose qu'il avait vraiment réussit, c'était à me détruire le crâne, que je tenais d'ailleurs entre mes mains, laissant échapper un gémissement de douleur, gardant les yeux clos. Je sentais le brouillard revenir lentement dans mon esprit, ce n'était qu'une question de temps avant que la fièvre ne prenne à nouveau le dessus. Du coup, fallait que j'en profite pour mettre les choses au clair dans le temps impartit, même si mes tremblements s'étaient faits d'autant plus intenses.

« Faut que j'bouge... un endroit sec... »

Je me suis décollé du mur contre lequel j'étais toujours adossé, et j'ai fait un pas assez approximatif en le contournant.

« J'dois éviter l'eau... pour le moment... »

Entre ma nausée et mon crâne qui se faisait scier de l'intérieur, je me voyais mal rejoindre mon petit refuge improvisé. En fait, j'avais même hâte de retourner dans mon état second pour ne plus sentir toute la douleur, et ne plus avoir autant conscience de l'eau qui m'agressait si violemment autant qu'elle m'appelait.

« J'ai trop d'énergie... j'crontrôle plus rien... »