Aleksandryna toucha ses lèvres, horrifiée.   Elles étaient cousues.   On voulait l’empêcher de chanter.   Des larmes coulèrent sur ses joues, son cœur se débattait dans sa poitrine et son corps tremblait.

Dans un village, en retard sur son temps, on avait découvert Aleksandrina qui chantait, insignifiante (elle n’avait pas pour but d’ensorceler quiconque), dans la forêt.   Les habitants, qui l’avaient entendue, ont reconnu son chant comme étant celui d’une rusalka.

Ces femmes, mi- sirène et mi- Dame Blanche, sont considérées comme des sorcières et, les malheureux qui les croisent, disparaissent.  Celles-ci, mortes de chagrin, suicidées et noyées, maudissent les hommes.  Très peu d’entre elles connaissent leurs véritables antécédents (ce qui n’est pas le cas d’Aleksandrina), et lorsqu’elles tentent d’y penser, elles ressentent un mal profond.   En effet, il y a deux types de rusalkas; les vieilles et les jeunes.  Si les jeunes vivent en bande, les vieilles préfèrent la solitude.  Les plus âgées sont plus puissantes que les jeunes.  Elles se rassemblent donc pour être plus fortes.

Les citoyens, du village arriéré, n’osaient pas attaquer les vieilles rusalkas et les jeunes en bandes, étant vulnérables face à elle.  Ils n’attaquaient uniquement que les petites égarées.  

Étant la parfaite victime, Aleksandryna s’était fait prendre alors qu’elle était à l’écart de son groupe habituel (c’est ce groupe qu’il l’a adopté alors et qu’il l’a baptisé Aleksandryna).  Celle-ci n’avait pas l’habitude de s’éloigner de sa bande et elle le regretta aussitôt.  

Les villageois  la capturèrent et lui cousirent les lèvres, pour l’empêcher de les ensorceler.  Par la suite, ils enfermèrent Aleksandryna.

Isolée derrière les barreaux, lèvres cousues et mains menottées, ce qu’elle vivait était indescriptible.  Un mélange de traumatisme, de culpabilité et de frayeur.  Elle en tremblait et en pleurait silencieusement.

Presque morte de peur, elle s’endormit dans son cachot poussiéreux, froid et délabré.  

À son réveil, une tablette apparue devant elle.  Qu’est-ce qu’une trace de technologie faisait ici?   Le village n’avait même pas d’électricité… Comment une tablette avait pu atterrir ici?

Curieuse, elle tendit la main pour l’attraper.  En accédant à la tablette, un email apparu.
Davantage intriguée, Aleksandryna l’ouvrit et lu le nom d’Esperanza.  C’était le seul brin d’espoir qui lui restait.  Elle ignorait le châtiment que lui réservait le village.  C’est donc sans hésiter qu’elle cliqua sur OUI.