Les rayons du soleil passaient tout juste l'horizon lorsqu'Aurélia ouvrit les yeux. Ses parents lui en avaient donné l'habitude. Levée aux aurores pour nettoyer toute la maison, préparer le repas, surtout les jours d'école. Son corps avait fini par prendre l'habitude des nuits courtes voire même très courte. Elle se leva, s'habilla c'était bon elle était prête. Elle ouvrit la fenêtre de la chambre pour regarder les lieux. Fini les corvées. Ici elle était simple là pour suivre les cours. Elle avait tout de même encore un peu de mal à réaliser que son cauchemar était fini. Après les avoir rejeté elle avait plus qu'une envie, se faire accepter par ses camarades. Elle regarda son emploi du temps. Un cours de français. Elle parlait plutôt bien la langue, cependant elle avait tout de même deux ans de scolarité en moins. De plus ce cours était une occasion de parler français. Au moins elle ne recevrait pas de coups en cas d'erreur. Cours particuliers,c'était indiqué ainsi. Elle sourit. Seulement elle et son professeur. Pas de risque de se ridiculiser face aux autres. Avec les portails elle ne devait pas être la seule française du coin. Quel serait le sujet du cours? C'était la question qui lui vint sur le chemin de la salle de classe. Le professeur était déjà présent. Aurélia se tendit, serait elle a la hauteur? Même si elle ne risquait plus de recevoir des coups, cette perspective l'angoissait un peu.

"bonjour professeur"

Sa voix était légèrement hésitante et assez base, tout en restant audible. Elle s'était exprimé en français. La parole n'était pas un problème pour elle. C'était à l'écrit que son niveau glissait quelques fautes sur le papier, souvent des fautes d'inattention. Après avoir salut le professeur, la jeune fille s'installa à une place et regarda le tableau.

Se présenter. C'était faire remonter son passé. Elle baissa un moment la tête. Elle avait beau avoir dépassé sa peur, parler du passé restait difficile. Bon au moins il était clair il ne cherchait pas a envahir sa vie privée. C'était déjà ça. Elle releva la tête et observa le professeur.

Je m'appelle Aurélia, j'ai...

Elle s'interrompit, son âge. Combien de temps avait elle arrêté l'école? Avec ce cauchemar tout semblait si long. Quel âge avait elle? Elle regardait le professeur comme s'il pouvait l'aider. Puis elle secoua la tête. Elle devait continuer de se présenter tant pis pour son âge. Que dire de plus.

-je... J'aime le dessin je...

Ça y était elle s'embrouillait. Il allait sûrement croire que c'était a cause de la langue. Ne pas savoir parler sa langue maternelle, une honte. Elle baissa encore la tête. Heureusement qu'ils étaient seuls. Le professeur lui tendit ensuite une feuille. Ouf elle n'avait plus a parler d'elle. Étrange qu'une date de naissance soit si dérangeant. Tout le monde connait son âge mais pas elle. Elle secoua encore la tête. Elle devait se concentrer sur le texte, penser a autre chose. Comme demandé elle reprit la parole, lisant l'extrait de sa voix hésitante. Elle prit soins de bien respecter les pauses. Sa voix restait basse, elle n'osait pas parler plus fort. Le texte était plutôt simple pour une française et les mots connus. Une fois finit elle regarda le professeur attendant son avis sur son travail. Qu'en penserait il? Sa lecture était elle aussi ratée que sa présentation? Aurélia regarda sa feuille alors qu'une craie volait au tableau. Elle ne se rendit pas compte que son don s'était activé

-Mon cursus? Je suis en matière artistique monsieur. De Chanus .. Au... Aurélia de Chanus...

Elle avait répondu avec une voix basse, hésitante. A présent il pouvait remplir sa fiche. Ne pas connaître son âge la dérangeait. Tout le monde connait son âge. Pourquoi pas elle? Les coups, combien de temps avaient-ils duré ? Un ans ? Dix ans? Quel âge avait-elle l'air d'avoir? Elle secoua la tête tendue puis commença la lecture qu'elle termina encore plus tendue. Le compliment la soulagea. Elle releva la tête pour voir le professeur prendre une craie. Peut-être avait il quelque chose à. Écrire au tableau?

-Une feuille? Heu... Oui... Oui monsieur... S'il vous plait... Oui je vais bien... Je crois...

Non elle n'allait pas bien. Elle ignorait un chose importante. Elle ignorait son âge. Comme un être normal pouvait ignorer son âge. Mais a quoi bon le dire? Elle n'était pas normale, elle le savait. Elle jeta un coup d'oeil vers la fenêtre. Quelqu'un pourrait il accepter quelqu'un comme elle? Elle ne pu s'empêcher de marmonner dans sa barbe.

Non personne...

Elle secoua encore la tête. Ce n'était pas le sujet du cours. Elle lu le tableau se demandant ce qu'elle devrait écrire. Puis elle écrivit son nom et son prénom en haut à droite. Elle écrivit la date en face. Un souvenir lui revint. Le jour de son exclusion et la date qu'elle y avait écrit. Il lui suffit de calculer. Bon ce n'était pas exact mais c'était déjà ça. Deux ans. Deux ans depuis son exclusion. 17, 18, 19 elle ne savait plus mais elle avait une approximation qui la soulageait un peu. Plus qu'à se souvenir de sa date de naissance. C'était encore trop enfouis pour ressortir pour le moment mais elle serait patiente. Elle sourit, heureusement de savoir a peu près son âge.

- 18 ans... J'ai environ 18 ans monsieur

Elle souriait a présent, un doux sourire, soulagé. Même si sa voix restait cependant basse.

Le professeur lui tendit des stylos et des feuilles. Quelques-uns suffiraient. Un de chaque peut-être. Elle ne voulait pas non plus dépendre du professeur. Elle baissa la tête. Elle aurait dû penser à prendre les siens.

- D... Désolée

Elle lut la consigne puis se mit au travail. Maintenant qu'elle avait trouvé son nom, elle se sentait normale. Du moins, un peu plus. L'âge adulte, ça devait vraiment être super, de l'avis du professeur. Pour Aurélia, c’était autre chose. Peut-on aimer passer dix ans à se faire battre ? Maltraité au point de ne pas voir les jours passer. Tous les jours pareils un, deux, dix. Tous identiques des coups toujours des coups. Elle frissonna en y repensant, puis secoua la tête. Non, elle en était sortie, c’était fini cette vie. Elle devait en sortir, ne plus y penser, oublier.

Le professeur lui posa une question. Oui, elle avait... En fait non plongée dans ses pensées, elle n'avait pas fini sa dernière réponse. Elle se concentra, regarda de nouveau le tableau pour retrouver ses mots. Puis elle répondit à la question.

- Tenez, j'ai fini.

Les questions étaient plutôt simples, elle ne pensait pas avoir fait de faute et ses réponses étaient précises a sont goût. Sa voix restait basse, habituelle. Elle eut un léger mouvement de peur, se décalant sur le côté. Cependant, elle se rappela où elle était et se reprit, retournant à sa place.

- Vous... Vous voulez quelque chose ? Je...

Son angoisse fit voler un des stylos. Aurélia le vit et prit peur l'espace de quelques secondes. D'autres stylos s’envolèrent a leur tour. Elle devait les reposer. Elle tenta de se concentrer sur les objets. Elle n'y arrivait pas. L'angoisse recommençait à monter. Pourquoi n'y arrivait-elle pas ? Elle lança un regard inquiet vers son professeur. C’était son pouvoir, pourquoi refusait-il de lui obéir ? Comment le contrôler ? Elle tenta de se calmer, sans résultat. Elle ne voulait blesser personne. Pourquoi son don ne fonctionnait jamais quand il le fallait ? Qu'est qui le déclenchait ? Comment reposer ces foutus objets.

- P... Parler de quoi ?

Le fait que le professeur lui dise cette phrase l'inquiéta encore plus. Que voulait-il lui dire ? S'était-elle mal comportée ? Les stylos volaient. Aurélia paniquait, elle ne voulait faire de mal à personne. Son don avait déjà fait des dégâts. Après l'avoir longtemps rejeté, elle voulait le maîtriser. Pourquoi ne se manifestait-il pas quand elle le desirait, seulement losqu'elle ne le voulait pas. Le professeur reprit la parole. La peur, c'était peut etre une raison.Elle devait arrêter d'avoir peur, seulement c'était difficile. Se concentrer sur autre chose ? Et si son pouvoir en profitait pour faire nimporte quoi ?

- Mais les stylos ?

L'angoisse s'entendait dans sa voix. Elle ne voulait pas faire de mal. Et si les stylos lui échappaient ? La première question ? Ce qu'elle en pensait ? Aurélia était déstabilisée par la demande du professeur. Les stylos réagirent. Poussés par son don, ils s'écrasèrent contre les premiers obstacles qu'ils rencontraient. Aurélia baissa la tête.

- D... Désolée

Oui, elle le savait, Ryan le lui avait fait comprendre. La peur qu'elle avait des autres n'était plus la même, malgré qu'elle ait encore gardé certains réflexe. Elle devait encore prendre sur elle pour ne pas avoir des mouvements de recul a chaque seconde. Dix ans de peur et de coups, ça ne s'oublie pas facilement. Son cerveau gardait encore l'option des coups et ce malgré le parloes de Ryan. Ce dont elle avait peur a présent, c'était le rejet. Elle devait absolument être normale. Elle devait maîtriser son don pour ne blesser personne. Elle devait... Elle devait...

Elle avait détruit le matériel. Honteuse, elle gardait la tête baissée. Le professeur allait surement la punir. Des coups ? Elle secoua la tête pour en sortir cette pensée. Non pas de coups. C'était finit tout ça. Elle le savait, pourtant son cerveau lui laissait encore cette possibilité. Qu'elle serait sa punition pour la destruction de ce matériel ? Quel genre de punition donnait-on ici ? La demande du professeur lui revint en tête. La première question.

- Je... Que... Je... Ce... C'était plutôt f... Facile à r... Répondre... Je crois

Était-ce cela que le professeur attendait comme réponse ? Peut-être pas, seulement la jeune fille ne savait pas quoi dire. Elle avait beau cherché rien ne venait. Elle revérifia sa réponse. Elle était bonne. Elle avait parlé d'une voix plus basse que les fois précédentes. Elle n'était pas sure d'avoir bien répondu à la demande du professeur et attendait sa réaction.

Le professeur ramassa les stylos. Aurélia s'attendait à être punie pour la faute qu'elle venait de commettre. Cette faute avait beau être involontaire, elle avait tout de même dégradé le matériel. Pourtant rien, pas de coups, pas de colle ou autre, pas même un avertissement. Les coups, même si elle ne parvenait pas à s'empêcher d'y penser, elle savait que les professeurs n'en donnaient pas. Avant de passer le portail, elle était punie pour moins que ça, elle était même punie pour les fautes qu'elle n'avait pas commises. Elle avait beau croire ce que lui avait dit Ryan, elle son corps n'avait pas oublié les coups et la douleur. Tendue par la dégradation qu'avaient causée son don et l'attente d'une punition, mais aussi par le fait de ne pas savoir ce que le professeur attendait d'elle, Aurélia s'était embrouillée dans sa réponse.

Elle baissa la tête en entendant la réaction du professeur. Elle n'était pas sure d'avoir bien répondu à la question orale, d'où son manque d'assurance. Et si le professeur avait attendu une autre réponse d'elle. L'exercice entier était plus simple étant donné que le français était sa langue maternelle. De plus, les coups avaient permis de retenir les choses rapidement. Ils permettaient de tout retenir, le vrai comme le faux. Les coups, son corps en portait encore les traces, presque invisibles dans son dos. Peut-être disparaitraient-elles lorsque la jeune fille serait sortie de son passé. Aurélia secoua la tête, elle devait arrêter de penser aux coups, sortir de son passé une fois pour toute. Elle le savait, pourtant son esprit y revenait encore.

Lui apprendre à se calmer, le cours de français était devenu un cours de méditation par sa faute. Elle était en train de tout gâcher à cause de son don. Il allait vraiment falloir qu'elle apprenne à le contrôler celui-là. Aurélia suivit le professeur et s'assit face a lui. L'homme prit de nouveau la parole.

- Je les sais, je... Je sais que vous ne me frapperez pas... Ryan me l'a dit. Je... Je n'arrive pas à oublier... Désolée.

Elle ferma ensuite les yeux. Non, elle ne voulait pas qu'il arrive malheur a ses parents adoptifs, malgré ce qu'ils lui avaient fait. Elle ne voulait le malheur pour personne. D'ailleurs comment savait-il que c'était ses parents ? Elle ne se souvenait pas l'avoir dit. Elle ne l'avait d'ailleurs dit à personne. Elle n'osa pas poser la question et resta silencieuse attendant la suite des consignes de méditation. L'information lui revenait pourtant toujours en tête si bien que les mots finirent par lui échapper.

- comment vous savez pour mes parents adoptifs?

Ça y était elle l'avait dit. Elle n'aurait peut-être pas dû. Elle venait de se montrer trop curieuse. Aurélia baissa la tête en attendant la réaction du professeur. En regardant sur le côté elle vient les taches laissée l'encre. Elle se leva, prit une éponge et tenta de nettoyer. Elle n'avait pas de produit et étalait la tache. Pourtant elle continuait à s'acharner dessus, elle devait la faire disparaître. Tout remettre à neuf. Comme ses parents le lui aurait ordonné. Elle ne se rendît même pas compte de sa pensée et continua son geste. Elle devait tout nettoyer, c'était de sa faute.

Le professeur répondit à ses questions. Aurélia écouta ses réponses en silence avant de repérer les dégâts qu'elle avait faits. Ces taches, elle devait les faire disparaître. Il le fallait. Elle les frottait quitte à se faire mal. Tout devait disparaître. Concentrée sur ce qu'elle faisait, elle entendit à peine le professeur qui reprenait la parole. Il la réveilla en l'arrosant. La réaction d'Aurélia fut immédiate. Elle courut vers le fond de la salle, effrayée. Que lui voulait le professeur ?

- Me frappes pas, S... S'il vous plaît me frappez pas

Aurélia tremblait. Ce que Ryan lui avait dit. Était-ce vrai ? Avait-elle vraiment eu raison de le croire ? Calmée ? Non, elle ne l'était pas du tout. Il allait surement la frapper si elle l'avouait.

- Ou... Oui… Je suis calmée... Me frappez pas, je suis calmée

Elle était pourtant loin d'être calme. On était en cours de français, elle devait suivre le cours. Tremblante, elle retourna à sa place. Et regardait le tableau attendant les nouveaux exercices. Elle n'osait plus regarder le professeur, effrayé par le fait qu'il puisse la frapper. Ses anciennes peurs, loin d'avoir entièrement disparu, étaient remontées à la surface. Allait-elle un jour s'en débarrasser ? Elle savait qu'elle le devait pour aller vers les autres, mais c'était plus facile a penser qu'à faire.

Le professeur ne la frapperait pas, il venait de le dire et Aurélia le croyait. Elle se concentra pour arrêter ses tremblements et osa le regarder. Il se dirigeait vers son bureau reprenant ses affaires. Pourquoi ? Aurélia le suivit du regard. La réponse a sa question silencieuse vient rapidement. Cours terminé. Qu'avait-elle fait de mal ? Elle baissa la tête. Pourquoi avait-elle réagi ainsi ? Pourquoi la peur revenait-elle encore malgré le temps passé à Esperanza, malgré les paroles de Ryan ? Tout ça ne suffisait pas. Elle allait devoir se faire force et utiliser sa volonté plus souvent pour avoir un comportement normal. Du moins avant que ce comportement ne devienne naturel. Il y avait aussi ce maudit pouvoir qu'elle allait devoir se forcer a contrôler rapidement.

- au revoir professeur

Elle s'était forcé à hausser la voix. Légèrement, juste ce qu'il fallait pour que le professeur entende. Elle releva ensuite la tête, déterminée. Ce ne serait peut-être pas facile, mais elle ferait en sorte que ce fiasco ne se reproduise plus. Les professeures n'étaient pas là pour le frapper. Ni personne d'autre d'ailleurs. Il allait falloir qu'elle se le rentre profondément dans le crâne. Pourquoi son esprit ne pouvait-il encore s'empêcher de mal interpréter les choses ? Son pouvoir aussi, il allait falloir qu'elle trouve un moyen de le maîtriser. Elle songea soudain à Ryan. Il avait un pouvoir similaire au siens. Peut-être pourrait-il l'aider ? Vers qui d'autre se tourner sinon ? Elle ne savait pas qui pourrait d'autre l'aider. Oui, elle allait tout mettre en œuvre pour changer, peu importait les épreuves. Il le fallait. Elle sortit de la salle de classe après avoir rangé sa table. Elle jeta un coup d'œil aux taches d'encre sur les murs. Elle devait... Elle interrompit immédiatement sa pensée et continua a marcher. Non, elle ne ferait rien, elle allait oublier son ancien comportement. Combien de temps durerait ce combat contre elle-même ? seul l'avenir le dirait. Pour le moment, elle était bien déterminée a gagner, a devenir quelqu'un d'autre.