Ma bêtise ? Eirik était si catégorique à ce sujet mais il oubliait que c'était ma mère. Étrangement, de naissance, on était programmé pour aimer les gens qui nous avait fait naître. Enfin, je n'avais pas envie de m'attarder encore plus sur le sujet parce que sinon, il ne cesserait de me fatiguer avec ça et je trouvais que je l'étais déjà bien assez. Maman resterait un souci insoluble entre lui et moi. Ça n'avait cependant quelque part plus d'importance puisque je ne la reverrais plus normalement. Le pire, c'était qu'elle me manquait déjà... Heureusement, j'avais déjà trop pleuré.

Par contre, sa phrase sibyllines me laissa songeur alors que j'allais faire un sac conséquent pour ne pas avoir à revenir de si tôt. C'était tout de même assez étrange pour moi de vouloir quitter ma maison à ce point, mais en même temps, vu son état actuel, c'était pour le mieux. Je fis gentiment une cage en fumée dure autour de Glacier, prit aussi sa nourriture et ses bols ainsi que son doudou. Plutôt paré, je revins dans le salon en évitant de regarder autre chose qu'Eirik.

-C'est bon, je suis prêt. J'espère que ta maison ne sera pas trop froide.

J'enfilai rapidement ma doudoune rouge, gants et écharpe. Et je sortis, laissant l'air glacé de l'extérieur se refroidir tout le visage. J'avais envie de voler, j'avais envie de m'enterrer dans le même temps. J'avais envie d'aller voir la tombe de papa et de lui parler. Et en même temps, je n'avais pas l'impression de le mériter. J'avais l'habitude que tout se mélange dans ma tête mais là, c'était un mélange sombre et déprimant. Je n'avais plus qu'à espérer que mon vampire trouverait un moyen de me remonter le moral. Du coup, marchant jusqu'à chez lui, je regrettai tout de même l'absence pourtant normale et évidente des papillons bleus.

-J'ai déjà trouvé une partie de ton cadeau. J'essaie de faire quelque chose de vraiment bien... Tu voudras manger quelque chose de spécial ce Noël ? Agrémenté tes plats avec mon sang ?

Je proposai, je ne savais nullement ce qui pourrait lui plaire en gastronomie. Sûrement des plats norvégiens mais je devais avouer mes lacunes dans ce domaine. Il fallait dire que manger... Eh bien c'était depuis que j'étais ici que je mangeais à ma faim. Je ne m'étais jamais permis de dépenser l'argent que je n'avais pas ou de voler et pourtant, ça aurait été facile. Et il fallait que j'arrête de déprimer. Dès que nous fûmes dans le chalet d'Eirik, je laissai Glacier sur le canapé où il se mit à faire ses griffes avant de faire sa toilette, un peu courroucé d'avoir été transporté de la sorte. Je lâchai du coup mon sac pour ôter mon équipement contre le froid et je vins ensuite me blottir contre Eirik et l'embrasser.

-Je voudrais un gros câlin, s'il te plait.

Que je me fasse plaisir ? Euh... Comment étais-je sensé faire ça ? Parce qu'habituellement, Noël était une fête que je passais seul avec des sucreries et du chocolat à lire. Et le seul moment aussi où je me permettais de manger des bêtises à une époque, quand je n'avais pas eu beaucoup de sous. Même si j'avais eu l'héritage de papa, il n'avait décemment pas pu tenir aussi longtemps que moi. Et puis il n'avait jamais été riche. Et il n'avait eu qu'un seul amour... J'étais certain que si je n'avais pas déjà épuisé tout mon stock de larmes, y'en a qui tomberait encore.

Mais je souris à Eirik parce que ça me touchait beaucoup ce qu'il disait. Moi aussi j'étais content qu'on fête Noël ensemble même si rien ne disait que tout se passerait bien. On risquait assurément de se disputer encore, que Glacier continue de lui faire la mauvaise tête. Ensemble. Un petit mot qui voulait dire beaucoup.

-Je suis bien d'accord. Tu es ma famille aujourd'hui.

Parce qu'une famille, ça commençait par deux personnes qui s'aimaient, il paraît. Et c'était le cas pour nous. On aurait pas d'enfants, personnellement je ne pensais pas que cela pourrait être une bonne chose d'en avoir : déjà que je me gérais à peine quelquefois alors un petit bout à aimer... Trop compliqué pour moi. Je me demandais soudain si Eirik avait un enfant ou en aurait voulu un. Étrangement, je ne le voyais pas se reproduire mais après, il avait encore tout le temps du monde pour ça. Il fallait juste trouver la mère porteuse idéale. Et je trouvais mes idées très glauques.

En tout cas, quand il me prit dans ses bras, je me sentis mieux et à ma place. J'aurais presque envie de fondre en lui mais comme ça ne lui plairait pas du tout à lui, je restais sage. Pas besoin d'en rajouter à ma punition. Sa réponse à ma demande me fit encore sourire mais il ne pouvait pas le voir avec son menton sur ma tête.

-Je préfère demander... Je sais que tu vas me punir, je souhaite juste que ce soit pas ce soir.

Je me raidis ensuite.

-Non, elle ne reviendra pas, j'en suis certain. Elle vient de trouver le moyen de se débarrasser définitivement de moi, elle peut être masochiste mais pas à mon propos.

Je soupirai lourdement et tristement. Puis je me débrouillais pour embrasser le cou d'Eirik. C'était si agréable que quelqu'un s'inquiète pour moi, vraiment, je n'aurais jamais cru que ça puisse m'arriver à moi. En fait, j'avais l'impression depuis des heures maintenant de baigner dans un mélange de joie et de tristesse en même temps. C'était vraiment épuisant pour moi qui évitait encore et toujours de regarder mes émotions en face. Ils n'avaient cessé tous les deux de me les envoyer en pleine face et très franchement, je ne voulais plus du tout parler de maman. Je voulais juste la joie.

-J'aime quand tu t'inquiètes pour moi. Même si tu es un peu extrême dans ta façon de faire.

J'eus un petit rire pas encore réellement satisfaisant. Puis, je me détachais un peu de lui pour le regarder. L'embrasser sur le nez aussi.

-J'espère pouvoir te protéger autant que tu le fais. Je ne suis pas le plus courageux mais je vais faire des efforts. Pour toi.

Oh, ça avait fait beaucoup réagir mon vampire ça. Il avait même... rougi ? Eh bien, si je m'étais attendu à cela en lui disant que nous étions une famille... Le concept avait autant l'air de lui plaire que de le gêner. Mais je ne vis pas longtemps ses joues gardées cette couleur et j'en étais un peu déçu, il fallait le dire. C'était si rare de le voir perdre un peu ses moyens sans que ça aille vers la colère que j'en étais presque émerveillé et retourné d'avoir vu ça. Je trouverai des méthodes plus tard pour avoir de nouveau ce genre de résultats. Je risquai de me faire griller aussi mais en même temps, qui ne tente rien n'a pas la peau de l'ours tronché... Hum, ça ne devait pas être ça l'expression.

Je fus aussi plutôt soulagé juste ensuite. Pas de punition, c'était chouette. Fallait dire que je n'avais pas tellement envie de commencer les vacances en sa compagnie par un truc comme ça, surtout après le désastre avec maman. Je m'y étais attendu mais je n'aurais jamais pensé que ça irait si loin en fait.

-Ben techniquement, notre relation ne risque rien, je suis totalement aveugle quand on me drague. Et je doute que d'autres gens oseraient m'embrasser dès la première heure comme toi... Enfin, Alpho...

Je m'interrompis. Ne pas parler d'Alphonse, j'allais compliquer la situation sinon. Je n'avais jamais parlé à mon vampire du seul ami que j'avais. Pour cause, c'était un simple humain tout bête mais écrivain. Et j'adorais ce qu'il écrivait, au point de pouvoir réciter ses textes à la virgule près. C'était une relation plutôt malsaine qu'on avait lui et moi. Trop, c'était aussi pour cela que je m'étais beaucoup éloigné de lui. Mais j'avais passé mes derniers Noëls en sa compagnie, du coup, je pensais beaucoup à lui à cause de ça.

-Même si c'est pas à moi, je veux pouvoir le faire. Je devrais pouvoir finir par y arriver.

Et je tirai la langue dans son dos, sentant l'odeur de thé et de café. Comme quoi, mon vampire me connaissait tout de même un peu. Le café seulement au boulot et sinon du thé, du thé et encore du thé. Son rire boudeur me tira quand même une moue, c'était pas très gentil de sa part de se moquer de mes capacités. Et puis au moins, j'étais lucide sur la chose et en plus, il avait beau dire mais il me poussait à devenir plus courageux. La preuve, s'il n'avait pas clairement montré qu'il voulait que j'affronte maman, je n'aurais rien fait de tel. Maman, c'était maman. Je m'écrasais sagement, ça faisait moins mal... Hum, arrêter de penser à maman. En fait, j'avais finalement très peu de liens...

Je le rejoignis mais au lieu de m'asseoir, je me collai encore à son dos. Je préférais rester contre lui. Par contre, Glacier monta sur le tabouret, puis sur Eirik et se mit à lui masser les jambes alors que mon vampire s'excusait. Ouah... C'était rare, pas qu'il ne reconnaissait jamais ses torts mais il essayait de trouver d'autres moyens pour se faire pardonner plutôt que d'utiliser des mots. Je changeai mes jambes en fumée pour pouvoir lui embrasser la nuque et la joue.

-Tu es tout pardonné quand tu es aussi chou.

Il n'allait sans doute pas apprécié mais au moins, ça le remettrait d'aplomb, j'en étais certain. Et Glacier ronronnait sur lui sans attendre les caresses. Comme quoi, mon chat n'était vraiment pas bête. Je récupérai mon thé pour boire une gorgée, après tout avec les larmes, j'avais perdu pas mal d'eau donc je pouvais en reprendre sans risque.

-Tu as remarqué la nouvelle construction ? J'ai reçu comme un message et y'a des chambres dedans, comme un hôtel ! J'irais bien dormir dedans à un moment, je pense que les Directeurs n'auront pas été assez bêtes pour que les gens meurent de froid dedans.

Et je me perdis en parlant de météo, de langoustines, de l'Arctique, des traditions de Noël étranges, des possibilités infinies de cadeaux, de farniente, de nourriture beaucoup de nourriture... Et je clignai des yeux avant de prendre un air penaud. Ça faisait longtemps, tiens mais quelque part, ça n'était pas un mal, ça voulait dire que j'allais un peu mieux.

Glacier alla finalement dormir dans le canapé après s'être frotté à ma jambe, je repris une gorgée de thé et marmonna.

-On prend une douche ensemble ?

Je ne pourrais pas rester longtemps mais moi aussi, je me lavai. Un peu.

Grr, mais il le faisait exprès ma parole, il retenait forcément ce qu'il ne fallait pas retenir ! Franchement, moi j'essayais d'éviter les sujets qui fâchent et lui, il revenait dessus. Et non, Alphonse n'était pas une femme... Bien que des fois, il m'avait sorti des trucs bizarres comme quoi il aurait bien aimé porter son propre enfant mais je n'avais pas été assez fou pour voir ça comme un vœu. Une homme enceint ? Et puis quoi encore ? "Je veux des explications" qu'est-ce qu'il voulait que je lui explique ? En tout cas, il fallait quand même que je parle pour lui faire comprendre que je ne le trompais pas.

Seulement, même si j'aurais aimé le faire plus tard, il me coupa stratégiquement tout moyen de changer de sujets. Je reposai ma tasse de thé en le regardant d'un air pas très content. Je n'étais pas plus dupe de son manège qu'il ne l'avait été du mien. Le problème étant cependant qu'il était le dominant et que clairement, il jouait de son statut pour avoir le dernier mot dans cette histoire. En plus, il n'était pas gentil... encore.

-Bien sûr que si, j'y arriverai ! Quand on veut, on peut ! Tu devrais m'encourager au lieu de me descendre !

Je le relâchai du coup, un peu vexé.

-Et si, tu peux être chou mais tant mieux si y'a que moi pour le voir.

J'allai m'asseoir sur son canapé pour enlever ses bottes et toutes les couches superflues puisqu'il faisait bien chaud chez lui. Étonnant pour un vampire qui venait de Norvège... A moins que ça ne soit tout simplement pour moi tout ça. Encore une preuve qu'il pouvait être aussi chou qu'agaçant. Je pliai soigneusement mes affaires, je n'allais pas faire le goret chez lui quand je ne le faisais déjà pas chez moi. Je sentais son regard sur moi et je grimaçai un peu quand il parla de lire dans mes pensées. C'était nul, il ne le faisait jamais quand y'avait besoin mais pour ça, il était prêt à violer mon intimité mentale. Dans le genre logique...

-Alphonse oui, est un écrivain. Et un humain. Très... libre je dirais. Il écrit de tout et c'est mon écrivain préféré en réalité. Ce qui m'a poussé à le chercher et quand je l'ai trouvé, eh bien ça c'est enchaîné d'une façon inattendue. Il a une addiction prononcée pour le sexe, c'est sa drogue. Ou son moyen de fuir ce qu'il écrit peut-être.

J'évitai de penser au pourquoi du comment en réalité. Mais ça n'empêchait pas qu'Alphonse m'avait fait vivre des drôles de choses. Je devais avoir un air pensif et complètement ailleurs maintenant.

-Il a tendance à se détruire avec ça. Pas avec les maladies, non mais il fait des choses extrêmes. Et il m'a demandé des choses extrêmes. Comme l'étrangler pendant...

Je rougis, forcément, parler de sexe que j'avais fait avec un autre c'était pas mieux que de parler de sexe tout court pour moi. Je caressai lentement Glacier pour ne pas le réveiller, souriant un peu en le sentant se déplacer pendant qu'il dormait pour en avoir plus. Je jetai un œil à Eirik, ne sachant pas comment aborder la suite. Bien sûr, j'allais rester honnête, je l'étais toujours avec lui ou quasiment en tout cas.

-Notre relation était malsaine à mes yeux, je me sentais changer d'une façon qui n'était pas... faite pour moi. Ou en tout cas, qui ne respectait pas mes convictions premières. Il arrivait toujours à enflammer mon esprit pour que je finisse par faire des choses que je n'aurais faite en temps normal. Mais il n'y a jamais eu d'amour entre nous. De l'admiration l'un envers l'autre, du respect... De la complicité. C'est mon ami, le seul même. Cependant, j'ai fini par m'éloigner pour mon bien.

Je me passai la main dans les cheveux, la laissant aller jusqu'à ma nuque, glisser le long de mon torse nu maintenant. C'était de milliards de cristaux de souvenirs tous teintés de noirceur qui me venaient à l'esprit, formant une espèce de sapin malsain, presque macabre.

-Ça fait deux ans que je ne l'ai pas vu mais on s'appelle quand même souvent. J'ai son dernier manuscrit à lire en ce moment.

Je me levai pour m'approcher à nouveau d'Eirik, lui tendant la main. J'espérai qu'il ne s'attarderait pas là dessus, il savait de toute façon que j'avais des tendances autodestructrices. Et Alphonse ne m'avait pas aidé sur ce point là, il fallait l'avouer. Mais je ne voulais pas qu'il s'arrête à ça ce soir. J'allais bien. Ou plutôt, j'allais mieux et un jour quand je dirais "ça va", je finirai par vraiment le penser. Je lui fis un doux sourire, montrant la salle de bains du menton.

Evidemment. Mais j'avais escompté revoir Alphonse pour que l'on parle de son manuscrit. C'était d'ailleurs pour cela que je l'avais évoqué mais sûrement que j'avais été un peu trop subtil. J'hésitai à annoncer maintenant le fait que je comptais quand même revoir mon ami ou non du coup. Surtout que Eirik arborait une expression assez particulière mine de rien. Ça aurait pu ressembler à de la colère mais s'il ne m'avait finalement pas paru aussi calme. Par contre, j'avais quand même envie de me vexer encore et pour de vrai. Comment ça, essayer d'y croire ?

-Tu cherches vraiment à me vexer j'ai l'impression. Pourquoi est-ce que je mentirai là dessus ? Oui, je n'ai pas envie de te rendre triste mais te mentir serait pire.

En plus, même dans la douche, il me tournait le dos. Non mais c'était quoi ça ? Il essayait de se maîtriser ou... Ou je ne savais pas mais je savais que c'était en train de m'agacer. Sa réaction avait peu de sens, il s'éloignait au lieu de me garder contre lui comme il le faisait toujours quand il était jaloux. Il pensait peut-être que j'aimais Alphonse. Si c'était ça, j'aurais du mal à ne pas rire, ça n'avait jamais été ça entre lui et moi. Cependant, je savais tout de même que certaines personnes préféraient l'admiration à l'amour... Mais pas Eirik, hein ?

-Ben j'ai préparé une petite surprise en plus... Quand je suis passé à la boutique des Directeurs, j'ai trouvé deux autres potions intéressantes... Je me suis dit que ça pourrait te plaire aussi... Si j'étais encore plus... Décoincé ?

Je fis en sorte que l'eau soit un peu moins chaude tout en rougissant. Et ça ne s'arrangea pas quand mon vampire me proposa de le laver. Mais je n'avais pas pensé à des choses comme ça ! J'étais fatigué, j'avais juste voulu qu'on en finisse vite pour aller au lit. C'était lui le pervers, il me donnait des intentions quand j'en avais pas. Je pris le savon et je commençai à le nettoyer en évitant de le regarder dans les yeux. Ça n'était pas du tout le moment d'être submergé par son charme.

-Pervers toi-même... Je n'y avais même pas pensé. Même si j'aime l'idée au final, pour te câliner un peu.

Je créai une sorte de légère barrière de fumée qui se recomposait en permanence au-dessus de ma tête pour ne pas commencer à m'effacer. Si je le lavai, on allait rester un certain temps dans la cabine de douche à mon humble avis. Je rejetai mes mèches pour les éloigner de mon visage et mieux voir ce que je faisais.

Et je me rendis compte que je n'allais pas cesser de rougir aussi tôt. Bon sang, il pouvait arrêter d'avoir un torse pareil ?! Oui, je savais que mes pensées étaient ridicules mais ça ne changeait pas le fait que ce que je faisais me rendais bien plus conscient de son corps que d'habitude ou je pouvais à peine le toucher. Je le lavai presque religieusement, faisant attention à chaque détail, descendant lentement, prenant vraiment tout mon temps... Oh et ses hanches... Je me léchai les lèvres sans bien m'en rendre compte.

-C'est presque pas juste que tu sois aussi bien foutu. Heureusement que c'est un peu à moi.

C'était dit d'une voix un peu râleuse mais il fallait me comprendre, je me trouvais pas mal mais sans plus. Etant fait de fumée, j'aurais pu me rendre encore mieux mais je n'avais pas envie de tricher et d'effacer l'aspect un peu humain que j'avais contrairement aux autres djinns.

-Je te préviens, je ne me branle pas devant toi.

Trop gênant. Mais au moins, on avait changé de sujet et quelque part, j'en était soulagé.

Ça, c'était certain que je ne lui disais pas tout. Mais j'avouais volontiers que le fait que ça le rendait méfiant et suspicieux m'agaçait un peu. Je n'avais pas forcément envie de tout lui dire comme lui n'avait jamais envie de tout me dire. D'ailleurs, il semblait que parler ne soit pas vraiment son truc en réalité. Surtout si ça l'impliquait de quelque façon que ce soit envers moi. Et avec moi. Parce qu'il disait au ténébreux là et à monsieur Dragon ses sentiments pour moi mais pas à moi. Je ne savais pas comment prendre la chose mais je savais qu'un jour, ça provoquerait des disputes. Encore.

En tout cas, j'étais encore plus rouge maintenant alors qu'Eirik semblait ravi de mon choix de potions. J'oscillai entre l'envie de rire et de bouder en même temps. Rire parce que c'était chouette de lui faire plaisir mais bouder parce que quand même, je me trouvais pas si coincé que ça quoi ! Oui, j'étais pudique mais après, j'étais quand même debout sous la douche avec lui après une proposition de ma part. La preuve que j'évoluais, non ? Du coup, j'avais presque envie de lui tirer la langue mais je me retins parce que ce serait particulièrement puéril et il me traitait déjà assez comme un gosse.

-Tu es donc un vampire mangeur de belles choses. Mince alors, on va se retrouver avec que des humains moches sur la planète.

Et j'éclatai de rire pour essayer de baisser ma tension parce que j'étais sûr que j'allais faire une surchauffe s'il continuait à me titiller de la sorte. Et sous l'eau, ce serait assez moche pour moi. Et je n'en étais vraiment pas loin avec ce qu'il disait. Donc, lui, il se considérait tout à moi ? Pour de vrai ? Parce que parfois, j'avais vraiment l'impression qu'il essayait de me rejeter alors je ne savais pas forcément sur quels orteils danser. Ou chevilles... Ou jambes... Ou pieds... Pfff...

Ma main quitta sa taille après que mes doigts eurent effleuré sa fesse pour lui caresser le visage. Qui retomba alors que je piquais un fard et cachait bêtement mon sexe.

-Non, je ne me branlerai pas ! Pervers !

Je détournai la tête pour me calmer alors qu'il déviait l'eau chaude vers lui. Mais non franchement, il pensait vraiment que j'allais me... Rien que d'y penser, j'avais l'impression de bugger... Ça devait etre le cas en fait parce que plus aucune autre idée me passait par la tête. Je finis par la secouer plusieurs fois et par lui jeter un regard un peu torve.

-Je n'ai pas encore pris la potion, vilain !

Et j'avouais précipitamment.

-Jepréfèrequandc'esttoiquimetouche !

Avant de respirer plusieurs fois à fond avant de me mettre à genoux pour lui laver les jambes. Me retrouvant d'ailleurs face à... Ahem... J'ignorai ce détail pas si petit que cela pour me concentrer sur ma tâche première, laver mon vampire. Je ne savais pas réellement si ça lui plaisait. A tous les coups, il avait dû connaître mieux. Il avait même sûrement que très peu de première fois avec moi sinon aucune. Avec tout le temps qu'il a eu, il était sûrement déjà tombé amoureux, non ? Hum, je n'allais pas poser la question, pas ce soir, je ne supporterai pas une réponse positive là.

Non, je préférais brosser ses pieds, massait ses mollets, remontant tranquillement le long de ses jambes puissantes... Ah, j'aimerais pouvoir le toucher plus souvent librement.

-S'il faut que j'attende la douche pour te toucher à mon aise, on en prendra plus souvent alors.

A mon tour de taquiner même si j'étais nul à ce jeu là et qu'il avait même des longueurs et des kilomètres d'avance. Mes mains arrivèrent à ses fesses, les frottant en douceur. J'aurais aimé en mordiller une mais je ne pensais pas que ce serait bienvenue. Sans compter que je n'étais pas sûr de pouvoir tenir un acte sexuel dans mon état de fatigue même si l'envie était presque là.

Et en quoi ce serait du gâchis ? J'étais un peu désappointé qu'il cesse notre douche aussi vite mais quelque part pour moi ce n'était pas grave, je n'avais pas besoin de ça en réalité pour être propre mais c'était... juste masochiste de ma part de me mettre sous un jet d'eau, c'était aussi simple que cela. Je me relevai souplement en faisant la moue alors qu'il continuait à parler et je m'empêchais de rougir à grand peine. Tsss, forcément que ça l'amusait tout ce cirque. Pour la peine, y'aurait vraiment plus de douche, na ! Quand je proposais c'était bien et pas bien en même temps. Mais j'étais quand même plus fort et je ne m'étais pas effacé. Même mes mains étaient bien là.

Je me séchai rapidement tout de même puisque je ne pouvais pas continuer mon jeu et brossai mes cheveux avec mes doigts pour remettre un peu d'ordre dans ce nid de furets. J'observai ensuite Eirik qui me tendait une chemise, drôle de vêtement pour aller au lit...

-Glacier n'est pas un sale matou, je l'élève bien !

Parce qu'en plus, ma façon d'éduquer mon chat était remise en question ?! Il voulait que je le morde là, c'était pas possible autrement ! J'enfilai la chemise, étrangement mal à l'aise. Oh, elle était assez grande pour moi donc elle baillait sur une épaule mais surtout... Elle avait beau couvrir mes fesses et le devant, je reste cul nu ! Embarrassé, j'arrangeais les manches rapidement pour ensuite me diriger vers la chambre, non sans avoir fait un crochet par le salon pour câliner Glacier et lui dire bonne nuit. Il ronronna avant de se rendormir.

Et là, face au lit d'Eirik, j'étais un peu perplexe. Pas parce qu'il était déjà dedans, non ça je m'y attendais. Non, non, parce qu'il avait décidé de me tourner le dos après avoir parlé d'Alphonse. C'était quoi ça ?

-Comment as-tu su que je comptais le voir ?

Je m'assis sur le lit après avoir soulevé les draps.

-On va juste se rencontrer dans un café pour parler de son manuscrit, on ne sera pas seuls, il sera accompagné.

A mon grand étonnement, il s'était plus ou moins casé. Alphonse était difficile à comprendre et je savais qu'un partenaire ne lui suffisait pas. Je me demandais comment faisait son compagnon mais je n'avais prévu de poser mes questions que si ça ne gênait pas.

-Et puis pourquoi tu fais la tête ?

Parce que c'était l'impression que mon vampire me donnait. Du coup, je me relevai pour fouiller dans mes affaires et trouver un boxer. Cul nu, c'était vraiment trop gênant et comme j'étais trop fatigué, autant protéger mon postérieur un minimum. Vraiment, Eirik changeait d'émotions comme on change de pop corn. Je n'arrivais pas à suivre puisqu'en général, je maîtrisais et repoussais au loin mes émotions les plus... drastiques ? Sauf avec lui en vérité. Et j'avouais que l'idée ne me plaisait pas du tout. Il me prenait vraiment tout avec l'air de rien. J'eus une soudaine envie de le taper et je vins m'allonger sur le lit pour rester dos à lui. On pouvait jouer à ça à deux.

-A croire que tu ne me fais pas confiance... Bonne nuit.

Je mis les couvertures sur ma tête, bien décidé à sombrer avant que ça ne dégénère encore.

Il le savait point... Ah le... Il avait lu dans mes pensées ! Non mais il me prenait vraiment pour un crétin, hein ?! Bon sang, j'avais fait exprès de ne pas lui en parler ce soir juste parce que le sujet finirait d'être prise de tête et lui, comme si de rien n'était eh bien il s'infiltrait dans mon cerveau pour trouver l'information ! Si ça ce n'était pas une preuve qu'il n'avait aucune confiance en moi, je ne savais pas ce que c'était.

Et ça ne s'arrangea pas quand il ajouta en plus que je n'avais pas à bouder. C'était le summum. Il lisait dans mes pensées et après, je n'avais aucune raison de lui en vouloir ? Oui, je le savais en retard mais si j'avais eu une autre raison de lui tourner le dos et qu'il ose me dire "en quoi je ne te fais pas confiance" me donna encore plus envie de le taper. J'eus envie de lui résister et même d'aller dormir dehors à en attraper une crève de tous les amphibiens.

-Tu viens de m'avouer que tu as lu dans mes pensées mais je n'ai pas à faire la tête. Tu te moques de moi là ? En quoi tu fais preuve de confiance si tu envahis mon cerveau sans me laisser une chance de faire les choses comme je voudrais ?

Je posai une main sur son épaule, à deux doigts de le repousser alors qu'il me taquinait. Mais je n'étais pas du tout dans l'humeur, merci bien.

-Je comptais t'en parler demain mais je suppose que je dois comprendre par là que c'est mieux quand je me tais.

En plus, il me menaçait de perdre son calme ? Parce qu'il ne l'avait pas déjà assez fait aujourd'hui ? Il avait besoin d'en rajouter une couche ? Je sentis ses mains se faire complètement impudiques et venir se balader sur la peau de mon dos mais je ne rougis pas. Sûrement l'irritation qui faisait ça. Je réfléchis rapidement à sa proposition. D'un côté, j'en avais pris assez dans la tronche pour une soirée. D'un autre, savoir qu'il comptait encore me questionner le lendemain ne me donnait pas envie. Sauf que si on continuait comme ça, on allait forcément se disputer et je n'étais pas sûr que mes nerfs tiendraient cette fois.

Ce fut donc avec un soupir léger que je fermai les yeux et me blottis contre lui puisqu'il tenait à ce que nous soyons l'un contre l'autre. Je ne savais pas quoi en penser, c'était lui qui avait commencé par faire n'importe quoi.

-Demain. On se prendra la tête demain. Si je craque ce soir, je ne reviendrais pas avant un moment... Et tu ne pourrais pas me suivre, tu ne peux pas voyager entre les dimensions.

Ce qui aurait fait que quand je serais revenu, la situation serait pire qu'au début. Non, vraiment, je prenais ma pause et je souffrirais demain son superbe interrogatoire en règle. Je soupirai encore, clairement, mon début de vacances n'allait pas être reposant. J'espérais alors que le reste irait mieux...

Au matin suivant, je me réveillai avec une sorte d'humeur... nostalgique. Je me levai silencieusement et sans mal pour aller préparer le petit-déjeuner (thé, café, jus d'orange, toasts, confiture, œufs au bacon et céréales) et donner à manger à Glacier, perdu dans mes pensées. Je finis assis au comptoir avec mon thé, me préparant déjà mentalement à ce qui allait arriver. A croire que même en dormant, l'imminence de tout cela ne m'était pas sorti de l'esprit. Se lever dans un état pareil, c'était vraiment pas la joie. Mais j'étais plus ou moins prêt à la future engueulade. Et puis, c'était pas comme si je n'avais pas l'habitude. Je récupérai mon portable, remarquai un message d'Alphonse auquel je répondis rapidement.

Ça allait être une très longue matinée...

J'entendis plus que je ne vis mon cher vampire se déplaçait. Il ne m'embrassa pas. Ça ne m'étonna pas mais bien sûr, je me demandais s'il y avait quelque chose à comprendre là dessous. Avant de me rappeler qu'on était deux hommes et que même si Eirik était tactile, il n'était pas forcément câlin. Il ne fallait pas confondre les deux mots, cependant parfois, c'était plus facile à dire qu'à faire. Je le laissai autant allumer sa cigarette que prendre son café, préférant qu'il commence pour voir dans quel état d'esprit il pouvait être.

Et il semblait que pour le moment ça allait. J'esquissai un sourire.

-Ça va mieux qu'hier. Je suis content que ce soit bel et bien fini et qu'on aura plus à parler d'elle. Ça me stressait de savoir qu'elle viendrait...

Mais là, j'étais définitivement libéré du sujet et même si ça me faisait mal, j'avais aussi l'impression qu'on m'avait enlevé un poids des mollets. Je le regardai, il était mignon tout ensommeillé comme ça. Le petit-déjeuner n'avait pas tellement l'air de lui plaire mais en même temps, sa vraie nourriture c'était le sang et je ne pensais pas qu'il se soit nourri hier. Il s'expliqua et je me retins de secouer la tête. En fait, il voulait toujours tout tout de suite mais ça ne marchait pas tout le temps, ça. Glacier sauta alors sur le comptoir, miaula un "bonjour" à sa façon à Eirik et vint s'affaler sur mes cuisses en ronronnant.

-Je voulais être direct mais je voulais aussi éviter qu'on recommence à s'énerver. On venait de passer un mauvais moment déjà... Je ne voulais pas en rajouter alors que tu étais déjà jaloux.

Je me mis à caresser mon beau chat blanc.

-Contrairement à ce que l'on pourrait penser, je n'aime pas te rendre jaloux. Et je n'ai aucun intérêt à cela à mon sens.

Glacier avait les yeux mi-clos sous le traitement tandis que je relevai les yeux pour contempler mon vampire. Blanc tous les deux. Je les aimais tellement... Et je me rendis compte du coup j'allais me mettre à dériver alors que ce serait bien que j'évite vu la conversation. Je pris mon mug pour boire un peu de thé, rangeait une mèche de cheveux.

-Je t'aurai même proposé de m'accompagner mais comme tu as déjà dit que tu venais... Parfois, j'ai juste besoin de temps mais tu devrais savoir que je ne vais pas te mentir ou essayer d'absolument tout te cacher.

Au contraire, même quand j'avais fait du "mal" à Tarô, je m'étais dénoncé de suite. Je ne voyais pas de raison de me cacher ou de mentir. Sûrement parce que j'avais appris au prix fort que faire ce genre de choses pouvait me faire tuer. Maman n'avait jamais été tendre face aux mensonges, ça non. Hum, stop, ne pas penser à elle.

Je revins encore à Eirik, j'avais beau être d'une humeur que je ne comprenais pas, c'était important pour moi qu'on résolve ce souci. Et si on pouvait le faire sans faire de surf, ça m'irait d'autant mieux.

-Et toi, bien dormi ? Comment tu te sens à propos de tout ce qu'il s'est passé ?

Allait-il être franc ou éluder comme souvent ?

Eh bien, quel silence de sa part. J'avais cru que c'était à moi d'être muet et j'avais donc quand même parlé de façon un peu imprudente ou impudente. Et ça ne provoqua pas de mauvaises réactions. En somme, c'était si je m'étais vraiment tu que les choses auraient pu mal tournées. Il allait me rendre fou avec tous ces signaux contradictoires, un de ces cinq crépuscules, vraiment. Ou un de ces aubes... Bah, peu importait, au moins, il m'avait écouté de bout en bout non sans un regard un peu bizarre pour Glacier... Et au final, il paraissait irrité. Quoi encore ?

Ah. Bien donc, on ne parlerait vraiment plus de maman, ce qui était... Je ne savais pas pour le moment donc je laissais couler parce que de toute façon, c'était clairement le reste qui intéressait mon vampire. Je n'aurais jamais cru qu'un jour, quelqu'un puisse m'embêter pour une ancienne relation comme celle que j'avais eu avec Alphonse. On ne s'était même pas aimés et Eirik avait l'air de prendre ça comme... le point central de mon existence avant lui. Sauf que non ! En plus, merci mais j'avais été le dominant à cet époque, pas un "exploit" que je pouvais renouveler maintenant. Je me mis à manger en l'écoutant.

Et je finis par me crisper sur ma fourchette.

-Je me demande quelle différence tu mets entre jalousie et possessivité que je puisse comprendre ton mode de pensée là.

Je bus un peu de thé, donnai un bout de bacon à Glacier que je mis ensuite par terre sinon, il mettrait son nez dans mon assiette.

-Et je ne me "fous" pas de toi. Je te l'ai dit, on s'était déjà énervé, je ne voulais pas en rajouter. Tu avais eu l'air de t'être perdu face à elle...

Et moi aussi je m'étais perdu mais ça, je n'allais pas en parler. Il ne l'avait pas remarqué et ce sujet n'était pas nécessaire. Mes émotions n'étaient jamais réellement nécessaires en général. J'allais bien. Je ne m'étais pas complètement brisé alors j'allais bien. Et tant pis si ma façon de penser ou de gérer ne plaisait pas, c'était comme ça que j'arrivais à fonctionner.

-Et si tu veux être là, sois là. Je sais déjà qu'il ne se passera rien, on va juste parler de son manuscrit dans un café. Tu ne vas peut-être même pas comprendre la moitié mais si ça te rassure, très bien.

Mais il ne me faisait pas confiance pour me laisser y aller seul. Et si je ressortais le sujet, ça allait exploser. La simple façon dont il avait placé son paquet de cigarettes voulait tout dire à mon sens. C'était presque comme s'il voulait qu'on finisse par se crier dessus. Je me trémoussai sur mon siège, conscient soudain que je n'avais pas mis de bas. Mais quelle idée de se promener en boxer et chemise trop grande, hein ? Déjà que j'étais vulnérable avec Eirik, j'en rajoutais une couche tout seul. Je tendais moi aussi le bâton pour battre le chinchilla.

J'hésitais et puis, je me décidai à tourner ça en question. Tout en disant d'abord pour le rassurer.

-Je lui ai dit que j'étais en couple. Est-ce... Est-ce que tu me fais confiance ou pas ?

Je me léchai les lèvres, très nerveux maintenant. Je croisai les doigts derrière mon dos pour que ça ne finisse pas en carnage.

Là, je devais avouer qu'il me surprenait un peu. Pas par l'histoire de transe, je savais bien que j'avais empêché l'explosion de colère qui avait été alors à son paroxysme. Pas plus que l'histoire de ne pas être si courageux que ça, on avait tous des faiblesses et même si les miennes se faisaient assez flagrantes pour Eirik, je ne doutais pas qu'il en avait lui aussi. La surprise venait du fait qu'il en parlait. C'était rare, très rare qu'Eirik reconnaisse qu'il n'était pas qu'un être puissant, surtout avec moi là encore... Quelque part, il faisait vraiment les choses à l'envers.

Par contre, je faillis rouler des yeux mais comme Eirik était prêt à démarrer au quart de tour, ça n'était pas la chose à faire.

-Ça n'a rien à voir, je sais bien que tu n'es pas un inculte. Tu es même plus vieux et plus rapide que moi, tu as peut-être lu bien plus que moi. Je dis cela parce que c'est le troisième tome et que je doute que tu aies envie de lire les deux premiers.

Bien sûr, il ne pouvait s'empêcher de le prendre mal. Encore. Il ne voyait pas que justement j'essayais de bien faire pour éviter l'irritation ?! Non, non, il continuait à monter dans les gammes et en plus, il me reprochait ma technique. Qu'est-ce que je disais déjà ? Que je ne faisais jamais assez bien ? Il me le prouvait encore qu'il me trouvait nul et je serrai le poing que j'avais gardé dans le dos tout en baissant la tête.

-En couple. A moins que tu ne penses pas que ce soit le cas et qu'il faut un autre mot.

J'avais presque la voix atone, ce qui était mauvais signe. Je refusai de mal interpréter sa question, je n'allais pas me mettre à juger sans savoir ce qu'il pensait de cette histoire. Bien qu'il réponde bien sûr à la moitié de mes questions parce que j'avais parfaitement remarqué qu'il en avait éludé une. Cependant, pour revenir à l'objet initial, oui, couple. Parce que je n'allais pas raconter à un humain que j'étais le Primero d'un vampire. Déjà que l'humain ne savait pas que j'étais un djinn, ce n'était sûrement pas pour lui sortir un conte pareil. Donc couple.

J'inspirai à fond, avec l'impression d'être à deux doigts de faire une crise de panique. Je bus un peu de thé pour prendre un peu de contenance, me levai pour ranger et laver le petit souk que j'avais fait. Je ne pouvais pas simplement rester assis à attendre, ce serait comme si je cherchais une quelconque condamnation yellow submarine. Je n'avais plus la foi de revenir au facteur confiance. Parce qu'il avait beau dire, il ne me donnait jamais l'impression que c'était le cas. Et j'avais peur qu'il finisse par faire quelque chose de fou à cause de ça.

-Tu comptes aller chasser ensuite ?

Je frottai un peu trop fort une assiette. Inutile mais au moins, ça m'aidait à contrôler mes nerfs.

J'étais sans doute invraisemblablement nerveux mais je détestais toute cette situation. Honnêtement, entre Alphonse, la jalousie-possessivité d'Eirik et les traces de la veille, je me disais que ça ne pouvait pas rester une conversation polie encore longtemps. Et en plus, Eirik semblait vraiment vouloir me pousser dans cette direction avec sa réponse. Ce n'était pas la première fois qu'il me disait que j'étais son jouet et d'ailleurs, je trouvais ça en général plus amusant qu'autre chose. Pour le Primero, merci, j'étais au courant du fait que je l'étais, le lien entre nous tiraillant de temps en temps. Souvent quand je donnais l'impression de lui désobéir d'ailleurs. Lui appartenir... Eh bien ça découlait du fait d'être son Primero.

Et point. Donc, on n'était pas un couple. Je ne dis rien, digérant la pilule. J'espérai ne pas trembler parce que je n'avais pas envie là. Je ne voulais montrer aucune saleté d'émotions. Et il soupirait. Bien. Parfait. Je continuai à faire la vaisselle, bien décidé à aller faire un tour. Il fallait que j'aille respirer ailleurs, c'était même la meilleure idée de la journée. De toute façon, comme on n'était pas un couple, inutile que je reste là, pas vrai ? Je l'entendis vaguement répondre à ma question mais même si je savais que mon cerveau traitait l'information, je ne voulais pas en avoir conscience. Il me mit à rincer la poêle une première fois pour la relaver, frottant fort pour être sûr que ça sera bien propre. Et je me fis attraper les poignets, bloquer contre l'évier.

Et j'oscillai entre l'envie de le tuer et l'envie de fuir.

-Aucune importance. Ne me touche pas.

Je fis exprès de finir en fumée, au final, j'allais sortir dès maintenant, juste le temps de m'habiller. J'étais déjà en train de me diriger vers la chambre, le plantant là avec la vaisselle. S'il n'était pas content que je la fasse, il pouvait s'en occuper lui-même. Et puis, il l'avait dit lui-même, c'est SA vaisselle. J'avais tellement envie de m'en aller d'ici maintenant que j'enfilai mes habits à une vitesse rare. Puis je fermai ma valise, prêt à déjà négocier avec Glacier pour le mettre en cage et aller dans l'espèce de château qu'avait fait les Directeurs. Hors de question de rester ici. Je changeai de dimension pour laisser ma valise dans une des chambres, revint dans le salon pour appeler Glacier tout en attrapant mon équipement d'hiver. Et à chaque fois qu'Eirik essayait de m'attraper, je me changeai en fumée.

-Puisqu'il y a d'autres moyens pour moi, je vais pas t'obliger à me supporter, pas vrai ? Un vieux vampire comme toi doit avoir besoin de son calme et sa liberté. Je te serai gré de faire réparer ma canalisation au plus vite.

Ma voix était saccadée, j'en avais consciente, comme mes gestes d'ailleurs. Je refusais de me dire que j'allais m'effondrer maintenant, ce n'était pas possible, j'avais tenu la veille alors que... Alors j'allais tenir encore aujourd'hui. Glacier miaula de dépit en finissant dans sa cage en fumée et je sortis de la maison avec ladite cage dans mes bras.

Sauf que je n'avais pas envie de rester sous ses yeux moi ! Qu'est-ce que je faisais ?! Je pensais que c'était plutôt clair que je m'en allais pour avoir la paix ! Peut-être même me foutre en l'air tiens ! Non, ne pas penser comme ça, surtout pas alors qu'en plus y'avait Glacier. Je ne l'avais pas adopté pour le laisser tomber aussi facilement, je ne serai pas irresponsable, je serai bien. Il fallait que je sois bien pour lui. Parce que même s'il était indépendant, au moins, il ne me disait pas des choses aussi méchantes, lui.

J'essayais d'accélérer le pas pour rejoindre au plus vite le palais quand... Non, il ne venait pas de faire ça... J'avais les bras vides. Mon Glacier. Je me tournai vers la porte de la maison d'Eirik pour le voir avec mon chat contre lui. Il venait de m'enlever mon... Je le vis fermer la porte, il avait sûrement dit quelque chose mais je n'avais pas été capable d'entendre quoique ce soit. Je restai sans bouger de longues secondes, avec l'impression de ne plus pouvoir réfléchir à rien.

Et puis j'apparus chez lui sans ouvrir la porte. Avec ma façon de me déplacer dans les dimensions, je n'avais pas besoin de ça. Je supposais sans pouvoir en être sûr que ça se voyait que j'étais blessé même si en réalité, je me sentais même pire que ça. Il était assis en train de fumer. Cela me fit émettre un rire très peu rassurant.

-De quel droit oses-tu faire ça ? Non, ne répond pas à cette question, parce que monsieur Eirik Ishirama a tous les droits n'est-ce pas.

Délivré, Glacier ficha le camp de la salle, clairement apeuré. Et dire que je n'avais jamais voulu le voir dans cet état à cause de moi...

-Tu viens de me dire qu'on était pas un couple alors comment veux-tu que je réagisse, hein ? En te brodant des fleurs et des pompons à tes rideaux ?

Je le méprisais clairement du regard à cet instant mais c'était plus fort que moi, j'avais mal à la fin !

-Ça t'amuse de me briser mentalement, avoue. C'est parce que je ne suis pas assez soumis ? Parce que je ne suis pas assez bon ? Si c'est le cas, va te faire VOIR !