Je n'étais pas furieux. Oh, je supposais que ça pouvait venir mais je ne l'étais pas encore parce que je savais que si moi, je ne gardais pas la tête claire, alors nous étions tous fichus. Et les voir s’entre tuer alors me ferait plaisir. C'était hors de question que je me rende à ce genre de folie. Il était hors de question que je puisse vouloir que mon amant et maman se détruisent sous mes yeux. Pourtant, j'avais de quoi être complètement hors de moi. Entre maman et ses subtiles insultes toutes plus horribles les unes que les autres et Eirik qui avait tenté de lui planter une lame d'eau dans le corps. Presque à la tuer... La soirée allait être horrible, si horrible. Sauf si...

Sauf si je mettais ce fameux parfum que j'avais acheté. Oh, à tous les coups, quand Eirik se "réveillerait", ça me retomberait dessus mais pouvait-on véritablement m'en vouloir de sauver deux des personnes que j'aimais. Non, on ne pouvait pas. Ou en tout cas, je ne laisserai personne me faire culpabiliser sur le sujet. Et j'avais envie de baba au rhum pour me consoler de tout ce cirque. Pour en revenir à ce qu'il s'était passé avant que je ne me mette à servir le thé dans le salon de ma maison - je remarquai par ailleurs que Glacier s'était planqué, le veinard -, maman avait bien sûr esquiver sans mal la lame d'Eirik après avoir ri tout du long à ce que disait mon vampire.

Ce qui n'était pas très surprenant, maman n'avait aucune estime pour les vampires alors qu'Eirik lui chante son statut... Elle s'en moquait totalement, pire, s'il osait y revenir, elle lui ferait comprendre par A + B qu'il était ridicule et ce serait plus que la guerre déclarée. Et j'y tenais à ma maison, mine de rien (surtout aux livres qu'il y avait à l'intérieur). Après avoir soigneusement rempli les tasses et lui avoir donné la sienne sans la toucher, je fis de même avec Eirik en l'effleurant et je me redressai.

-Je reviens vite, un besoin urgent.

Juste deux minutes s'il vous plait vous deux, que je puisse mettre ce fichu parfum. J'abandonnai ma veste rouge sur mon lit au lieu de sa patère habituelle et ouvrit le tiroir où j'avais stocké mon achat. Sans hésitation, je renversais les gouttes du produit sur ma main pour en mettre dans mon cou et sur mes poignets. En bonne quantité. Et pendant ce temps, maman faisait l'hypocrite. Mais au moins, elle faisait bien semblant de m'aimer. Je serrai les poings. Je pleurerai plus tard. Pour l'instant les sauver d'eux-même.

-Oh mais quelle magnifique maison. Autant rempli de livres que la demeure de son père. Et quel cocon, je vais tellement bien dormir ici ce soir.

Je devinais sans la voir qu'elle avait les jambes croisées, sensuelle et majestueuse avec sa tasse de thé dans la main. Je devinais son regard dans lequel elle cachait quasiment tout son mépris pour la situation, elle avait beau être bonne comédienne, quand il s'agissait de moi... Si Eirik lui répondit, je ne l'entendis pas. Je repérais Glacier, prit le temps de m'offrir un câlin avec mon Main Coon.

-Il ne manque que des photos de vous deux ensemble pour que le tableau soit si sublime.

OK, il fallait que je cesse de me cacher. Je revins dans la salon rapidement, sachant que le parfum ferait de suite son effet. Je leur souris en prenant mon thé et j'allais me caler contre Eirik. Oh, j'allais tellement me faire punir pour ça...

-Me revoilà, je vérifiai que mon chat n'avait pas fait de bêtises aussi.

Au regard de ma maman, je savais qu'elle avait compris que quelque chose clochait mais peu importait puisqu'ils n'en viendraient plus aux mains. Avec cette fragrance apaisante, ils ne devraient pas pouvoir se battre. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils cessent pour autant de s'insulter mais je prendrais ce qui était à prendre. Et puis quelque part, avoir aucun des deux qui pourraient s'énerver contre moi clairement, c'était une occasion inespérée. L'un comme l'autre finissaient toujours par se mettre en colère contre moi sans des fois que je comprenne pourquoi.

-Tu triches, fils, tu triches. Mais ainsi, tu ressembles déjà bien plus à un djinn que d'habitude.
-Je ne doute pas que je vais le payer mais si je peux vous avoir calme et sans combat alors ce n'est qu'un moindre coût. Je vous aime tous les deux, je ne veux pas que vous vous tuiez.
-N'est-ce pas... Je ferai tout de même remarquer que je n'ai porté aucune attaque physique sur ce sauvage, moi.

Elle n'avait pas tort. Mais Eirik avait une patience très courte quand il s'agissait de moi.


[HRP : C'est un parfum qui vient des boutiques d'estrellas donc fait par les Directeurs, résultat 100% garantie ^^]

Bien sûr, Eirik ne pouvait plus parler sans proférer des menaces de mort. Je ne savais pas si je devais en rire ou en pleurer parce que sérieusement, avoir maman empalée sur un mur de MA maison, non. Définitivement non. Et le pire, c'était qu'il croyait bien faire mais qu'il me blessait avec son attitude. J'essayai de rendre la chose... moins pénible au moins cependant, il était clair que mon vampire n'avait envie de voir aucune trêve. Alors que pourtant, c'était clairement ce que j'aurais voulu moi. Au point de me parfumer pour apaiser les tensions quand je détestais ça et qu'en plus, du parfum, c'était de l'eau. Rendue magique par les Directeurs. Heureusement, mon col roulé et mes manches longues masquaient les dégâts.

Le seule chose de bien là, c'était que même si le parfum l'apaisait, il restait tout de même assez stressé pour fumer. Plus le feu de cheminée et le fait d'être bien au chaud, ça me faisait du bien et le thé était bon. Bien sûr, s'il l'avait pu, Eirik aurait été complètement furieux de mon stratagème mais je lui souris malgré ça. Je pourrais donc emmener Glacier avec moi, c'était un soulagement, j'avais eu peur à l'idée de le laisser avec elle. Déjà que je n'avais aucune idée de comment j'allais retrouver ma demeure et mes livres. Cependant, il valait mieux que je n'y réfléchisse pas, quoique je pourrais dire ou faire, maman prendra un malin plaisir à me faire payer le simple fait de dormir ici.

-Oui, on va l'emmener, je ne voudrais pas qu'il empêche maman de dormir.
-Comme si un simple félin oserait m'irriter.

Elle reposa sa tasse de thé, vide, nous observa presque avec répulsion. En même temps, il fallait dire qu'Eirik mettait de l'huile sur le feu. Et me prouver que malgré le parfum, il n'y avait vraiment pas de raison pour qu'ils cessent de se crêper au moins verbalement le chignon.

-Je n'ai pas simplement essayé puisque je lui ai déjà "gentiment" griffer la peau du crâne.

Sourire de maman qui se moquait totalement des menaces d'Eirik. Rien de surprenant. Mais contrairement à ce qu'il pensait, maman ne le sous-estimait pas. Non, c'était juste qu'elle était certaine que je la protégerai.

-Maman, arrête de tendre la perche pour te faire battre s'il te plait. Tu as dis que tu ferais semblant.
-Il faudrait que ce qui te sert de dominant suive. Mais de toute façon, c'est bien plus amusant comme ça. Après tout, aucun gendre n'aime sa belle-mère.

Pas faux. Ils étaient en train de me donner mal au crâne tous les deux. Et bien sûr, maman ne s'arrêta pas là.

-Je me demande si vous êtes compétent, Eirik. A mon avis, peu importe votre âge, même si vous arrivez à faire jouir Ambroise, vous devez être un vrai manche avec les autres. Mon fils n'est pas si compliqué. Chantez lui "je t'aime bien" et il vous mangera dans la main.

Je serrai les poings mais ne baissai pas la tête.

-Eirik ne m'a rien "chanté". Je suis devenu son Primero sans ça.

Et bien sûr, elle éclata de rire.

-Normal, il suffit de s'intéresser un peu à ta pauvre existence. Tu aurais mieux fait de rester au Qatar. Peut-être qu'une héritière aurait finir par daigner te regarder. Ça t'aurait plus d'argent qu'avec... ce semblant d'homme.

Mine de rien, si je devais leur reconnaître quelque chose, c'était que même s'ils s'insultaient, il n'y avait aucun noms de champignons dans tout ça. D'ailleurs, je ne voyais pas en quoi des champignons étaient des jurons mais bon, ça ne me regardait plus à ce stade. Leur relative politesse me lassait de plus en plus malgré tout. La journée n'avait pourtant pas été si dure mais j'aurais dû me douter que ces deux-là dans la même pièce, même avec le parfum me donnerait envie de me rouler en position fœtale dans mon lit.

En fait, je ne savais pas lequel des deux me fatiguait le plus. Maman qui me rabaissait presque à chaque parole ou Eirik qui n'avait pas réussi à tenir sa langue dès les premières minutes de leur rencontre. Quelque part, je regrettais de lui avoir parlé d'elle, surtout qu'il ne voyait pas les choses comme moi, évidemment. Il ne faisait que voir le mauvais côté de maman, ce que je pouvais un peu comprendre puisque avec moi, on ne percevait que cela. Sauf que maman était bien plus. Elle était sûrement la plus puissante djinn de ce monde.

Et elle le prouva. Bien sûr, Eirik n'avait pas voulu de vipères mais maman aimait parfois prendre les gens au mot et finit en basilic de fumée, dardant sa langue vers mon vampire.

-J'aime les ssserpents, pauvre de vous.

J'étais de plus en plus partagé entre l'envie de leur mettre une claque à tous les deux (et pourtant, ça n'était pas mon genre) et l'envie de les envoyer l'un l'autre à l'autre bout du monde. Pour pouvoir me reposer. J'avais mal à la tête maintenant, vraiment et je remerciai Glacier de venir chercher le câlin. Lui au moins, il me consolait. Parce que Eirik n'était pas du tout un soutien à jouer les gamins avec elle, au contraire. J'aurais aimé leur rappeler que la personne qui avait moins de trois cents ans ici, c'était moi.

Et en plus, Eirik était décidé à boire. Le bouquet final à mon avis.

-Les bonnes choses ? Alors leurs critères ne doivent pas monter bien haut. Au moins qu'ils se soient dit que ce serait une bonne idée de profiter d'un peu de médiocrité pour vraiment prendre du plaisir avec leurs prochains partenaires. Et avoir une pauvre anecdote à raconter.

Je me demandais vaguement si mon vampire allait insister alors qu'il était clair que maman allait découper chacun de ses arguments à la hache. Rouillée pour que ça fasse plus mal.

-Oh et je parlais d'argent comme ça. Puisque je l'ai fait vivre dans une relative pauvreté. Etre assuré qu'il ne manquera de rien, c'est important pour mon fils. N'est-ce pas ?

Oh ce sourire, encore. Même en serpent, maman savait très bien faire les sourires mauvais.

-Je ne manque plus de rien, ça va...

Bon sang, je ne voulais pas qu'on parle de ce genre de chose. De toute façon, je n'aimais pas parler de mon enfance et je préférerai qu'on la laisse où elle était, c'était à dire dans le passé.

-Maman n'est pas jalouse. Elle veut juste continuer à te mettre sur les nerfs et si tu craques, elle aura gagné.

Pour de vrai en plus. Je me levai, tant pis pour les caresses d'Eirik et le câlin de Glacier.

-Je vais nous faire un couscous...
-Oh mais je vais t'aider alors !

Elle reprit forme humaine et alla dans la cuisine en ajoutant pour mon vampire.

-Je suis mieux parce que moi, au moins, je ne vais pas faire exploser une maison parce que je ne sais pas contrôler mes nerfs.

Et elle lui fit un clin d'oeil avant d'aller fouiller dans les placards et le frigidaire. Alors je me tournai vers Eirik pour l'embrasser. Longtemps. Pour essayer de lui faire comprendre que j'allais vraiment finir à bout s'ils continuaient. Il savait combien je n'étais pas solide, j'espérais de tout cœur qu'il n'avait pas envie de me voir voler en morceaux.

-Je t'en prie... Je t'en supplie même... Je ferai ce que tu veux ensuite mais arrête... Elle me fait mal mais si tu en rajoutes... Je sais que tu veux bien faire... Mais...

Mais pourquoi il m'écouterait ? Je me détachai et fis un sourire avant d'aller dans la cuisine.

Eirik avait vraiment un problème avec le fait que maman couchait à gauche et à droite ? Je ne comprenais pas pourquoi, lui-même il le faisait. C'était même une des choses qui avaient été primordiales dans ses explications à l'époque pour que je sache que justement, je ne serai pas le seul dans sa vie sexuelle. Ça n'avait aucun sens, pourquoi lui aurait-il le droit et pas elle ? Parce qu'elle m'avait ? Mais elle ne m'avait pas désiré, ça avait donc plus de sens à mes yeux qu'elle continue de mener sa vie comme si je n'étais pas là que le contraire. Sauf qu'évidemment, à tous les coups, la façon dont je pensais ne devait pas être la bonne. Ou du moins, Eirik ne la verrait pas comme la bonne.

J'étais bel et bien fichu d'un bon mal de crâne maintenant.

Par contre, qu'il pense que je puisse être naïf à propos de ma maman... Non, il n'avait pas compris. Je savais très bien comment elle était, trop peut-être. Mais je faisais juste ce qu'il fallait pour que les choses soient gérables pour moi. Il ne voyait pas que d'être trop lucide à son propos ne me ferait que souffrir à un point où je ne m'en serai jamais sorti. Il n'avait pas conscience du combat que cela avait été de vivre en sachant qu'elle pouvait me tuer quand elle en avait envie. C'était juste parce que j'étais déjà au fond qu'à l'époque, il n'était rien arrivé de radical. Mais je ne voulais pas y penser.

-Des fois, je regrette que tu ne lises plus mes pensées. Tu comprendrais tellement mieux... Et en même temps, serait-ce une si bonne idée que tu me comprennes à ce point ?

Je ne savais pas mais qu'il explose les canalisations. En quelques secondes, je finis avec un Glacier dans les bras qui miaula haut et fort son mécontentement. Et j'étais plutôt d'accord avec lui, là !

-Mes livres !

Bon sang, Eirik avait intérêt à ne pas les avoir abîmés ou il allait avoir de sacrés problèmes et il pouvait même oublier l'idée de me punir. Il ne mériterait même pas que je fasse selon son bon vouloir ! Je reposai mon chat dès qu'il eût évacué l'eau, vérifiai tous les rayons du bas de ma bibliothèque. Ça avait été juste et je me retins de lui jeter un regard noir. J'étais sensé être celui qui devait rester calme dans cette fichue situation alors j'allais le rester. Mais franchement, pour le coup, j'en aurai bien pris un pour taper l'autre avec. Comme dans les cartoons.

Ses excuses eurent le don de me refroidir mais je remarquai quand même que même s'il se proposait de faire réparer ça, il allait avoir du mal. On était en pleine période de fêtes, s'il trouvait quelqu'un à pas cher, ce serait du miracle. Je soupirai, esquissai un pauvre sourire et répondit avec un peu de raillerie pour détendre un peu le moment.

-Tu sais, si tu voulais que je vienne passer les vacances d'hiver chez toi, il suffisait de le demander simplement. Je serai venu. Mais avec Glacier.

Mon chat miaula et commença sa toilette alors que je rejoignais maman dans la cuisine. Elle se portait bien sûr à merveilles, elle avait commencé à couper les légumes avec des lames de fumée, les bras croisés, l'air moqueuse. Je me mis à préparer la viande tout en demander à Eirik de mettre de l'eau au feu pour la semoule, lui apprenant comment je m'y prenais personnellement. La préparation fut bien sûr entrecoupée de piques de la part de ma mère mais parfois, j'adoucissais les angles. Ça avait presque l'air d'un vrai repas en famille pour moi. Presque parce que j'avais beau faire semblant d'être content, je ne me faisais pas d'illusion.

Environ une demi-heure plus tard, le repas était prêt, nous étions à table, Glacier mangeait son saumon fumé comme d'habitude. Maman mangeait avec cette prestance qui ne la quittait jamais. Et puis cette question inattendue tomba.

-Puis-je savoir pourquoi tu as pris en puissance ?

Je n'y avais pas pensé mais évidemment, elle l'avait remarqué.

-Euh... Comme je suis le Primero d'Eirik, je me suis dit qu'avec plus de puissance, je pourrais lui donner plus de sang.

Elle renifla.

-Parce que tu sers de garde-manger à ce vampire ? Un être aussi volage que moi, sinon plus mais qui crache quand même son venin sur moi à ce sujet.

A croire qu'elle avait lu dans mes pensées.

-En même temps, il a raison ton sauvage. Etre sûr que tu seras là pour chauffer les draps, c'est un avantage pour lui.

Décidément, les gifles faisaient bien moins mal que ses paroles assassines.

-Je suppose que la pause ne pouvait pas durer. Ça ne me dérange pas.
-Normal, tu n'as jamais eu aucune estime pour toi-même. Quand on sait pourtant que tu es capable de survivre sans l'aide de personne, c'est risible.

Là par contre, je ne savais pas si c'était un compliment ou une insulte. Je jetai un coup d'oeil à Eirik. Il allait encore exploser, non ?

J'aurais vraiment dû me douter que le dîner ne pourrait pas se passer dans le calme, ça aurait été trop demandé bien sûr. Si Eirik avait maîtrisé le feu plutôt que l'eau, j'étais certain qu'il y aurait eu le feu partout dans le salon. Mais ça ne nous aurait pas fait grand chose à maman comme à moi. Cependant, je préférais son contrôle de l'eau même s'il pouvait me tuer avec. Au moins, mes livres ne risquaient quasiment rien et Glacier prendrait juste un bain. Si je ne devais pas survivre, je voulais que ces deux choses là restent. Mon chat n'avait rien à voir avec toutes ces histoires, tout comme mes livres.

-Je fais ce que je veux de mon corps ? Attends, tu me laisserais coucher avec quelqu'un d'autre ?

C'était une blague ça. Même maman regardait Eirik d'un air un peu étonné là. Mais elle se reprit rapidement et répondit.

-Ça c'est ce que vous croyez cependant. Le mieux pour qu'un Djinn prenne en puissance c'est qu'il dépouille totalement et entièrement un être de tous ses désirs. Pour ne laisser qu'une coquille vide.
-Vraiment ? C'est... horrible.
-Ce que tu ressembles à ton père, bon sang, c'est épuisant. Comment penses-tu qu'il soit mort ?

Là, il y eut un total black out dans mon cerveau. Je savais qu'il devait se passer des choses autour de moi mais je n'arrivais pas à en prendre conscience. Je supposais qu'ils se disputaient encore mais je n'arrivais plus du tout à m'ancrer dans la réalité. Maman avait... Elle avait réellement fait... Pourquoi ? Papa n'était qu'un pauvre homme, qu'est-ce qui aurait pu être si... délicieux en lui ? J'avais l'impression de tomber dans mon esprit encore et encore, de ne pas voir la fin de ce gouffre dans lequel elle venait de violemment me pousser.

Et pendant ce temps, Kalaya subissait l'attaque d'Eirik mais au lieu de se tordre de douleur, elle riait comme une folle. Impossible de savoir si c'était du flanc ou autre chose mais en tout cas, elle explosa finalement en nuage de fumée bien qu'elle soit toujours soumise à l'intrusion du vampire.

-Bête, bête, si bête petit vampire...

Elle chantait cela tout en riant, la fumée qu'elle était tournant un peu sur elle-même.

Je me forçai à reprendre conscience. Parce que... Parce que je ne voulais pas qu'elle gagne. Je ferai mon deuil plus tard, là, ce qui était important, c'était qu'elle s'en aille. Qu'on cesse de la supporter Eirik et moi. Même si ça me faisait souffrir, je ne voulais plus jamais la voir. Et que je m'aperçus de l'état de mon vampire, je fus totalement sûr de ma décision. Je me levai rapidement pour venir me blottir contre mon amant et je l'embrassai. Si je voulais qu'elle parte, il fallait qu'il la relâche et vite.

-Laisse-la partir, elle n'en vaut pas la peine. Elle va même s'en aller dès ce soir. Inutile de continuer ce combat stupide.

Elle avait beau avoir tué papa, je ne voulais pas qu'elle meurt. Qu'on me pense trop sensible, peu importe mais je ne pouvais pas accepter qu'Eirik ait le sang de maman sur les mains. Je ne supporterai plus qu'il me touche. Dès qu'elle fut libérée, elle cessa de rire comme une dément et sembla presque s'incliner.

-Adieu.

Et elle disparut au loin, loin... Je savais qu'elle avait changé de plan. Et alors, je fondis en larmes contre Eirik.

Pourquoi ? Dans sa rage, Eirik ne voyait pas pourquoi pourtant, la réponse était plutôt particulièrement évidente. Je finirai par lui expliquer mais là, je sanglotais tellement que j'avais même du mal à respirer. Papa ne méritait vraiment pas ça. Il l'avait tellement aimé, trop même. C'était sans doute pour ça qu'elle avait pu le détruire aussi facilement... Le pauvre, ça n'était pas juste mais j'avais très vite appris que rien n'était juste et qu'il fallait toujours se battre pour avoir la moindre parcelle de bonheur. Mais présentement j'en avais une et je n'allais pas la laisser s'en aller.

J'eus encore quelques hoquets alors qu'il s'excusait, me faisant secouer la tête. Il n'avait pas à le faire, rien n'était de sa faute. Au contraire, pendant tout ce temps, il avait juste pensé encore et encore à me défendre. Je ne savais pas si je le méritais mais j'étais tout de même heureux qu'il l'ait fait.

-Ne... t'excuse pas...

Ma fumée me ramena un mouchoir avec lequel j'essuyais rapidement mon visage.

-Je ne pouvais pas... Je n'aurais pas supporté que tu tues... Quelqu'un que j'aime. Même si elle est tout ce qu'elle est... J'aurais pas pu... Peu importe combien elle le mérite...

J'avais froid, je n'avais plus faim et j'avais juste envie... de partir d'ici. Pourtant, je fis en sorte que ma fumée rajoute une bûche dans le feu tout en restant blotti contre mon vampire, plus calme. Plus fatigué aussi.

-Merci d'avoir été là. Merci de m'avoir défendu. Je sais que je n'ai pas été à la hauteur mais... Merci.

J'espérai tout de même qu'il n'aurait pas dans l'intention de me punir de suite, je n'étais pas en état. En fait, j'avais l'impression que j'allais me briser comme des atomes lors d'une fission nucléaire. Ou disparaître comme les lourds nuages après qu'ils se soient déchargés de leur pluie. Je fermai les yeux, il me brûlait un peu tout en prenant l'une des mains d'Eirik pour l'embrasser sur la paume. J'avais envie - besoin même - de douceur et je souhaitais qu'il se mette à même m'en donner trop. Même si ça n'était pas du tout son genre aussi.

Glacier miaula et monta alors sur mes genoux, lécha ma main libre. Cela me tira un sourire, enfin un, et je le caressai jusqu'à ce qu'il ronronne. Puis je relevai la tête pour croiser le regard de mon vampire.

-On range et on va chez toi ? Je n'ai plus envie de rester ici.

Tant que flotterait le parfum de ma maman dans l'air, je n'aurais pas envie de revenir. Je déposai Glacier pour me lever et embrassai Eirik, laissant ma fumée faire le reste. C'était plutôt paresseux de ma part mais je n'avais pas le courage ou l'énergie de m'éloigner de lui.

La suite ici.