J'étais à la barre ! Ou à la bourre ? Ou au malbar ? Ah mince, ce n'était pas le moment pour moi de me prendre la tête avec ces fichus expressions que me collaient des maux de crâne. Oui, c'était ma faute, je n'avais qu'à pas être polyglotte mais c'était ainsi et j'aimais pouvoir parler toutes ces langues pour peu que j'ignore la partie "expressions idiomatiques". Je m'agitai dans tous les sens pour trouver mes notes, elle finirent toutes dans mon sac comme le script d'Alphonse. Mes livres n'étaient plus chez Eirik, je les avais bel et bien mis dans ma grotte qu'il avait pu voir par le passage. Il avait pu constater tout de même que même si ce n'était pas du douze étoiles, c'était un bon chez soi. Et puis c'était magique, alors ça pardonnait tout.

Mais je m'égarai encore, Alphonse m'attendait et je n'avais pas que ça à faire. Le problème c'était de partir avec un Eirik assez grognon et même pire - l'idée ne m'enchantait pas du tout - ou d'y aller seul en sachant que quand je reviendrai, ce serait l'apocalypse selon les dieux païens. Franchement entre le SIDA et le cancer inopérable du cerveau, fallait que je choisisse quoi moi ? J'essayai de remettre de l'ordre dans mes cheveux et j'allai frapper à la porte du bureau d'Eirik. J'entrouvris quand il me le permit et lui dit.

-Ahem, je ne sais plus si je te l'avais dit... Mais la rencontre avec Alphonse, c'est aujourd'hui. Tu veux toujours venir ?

Je le regardai, tout en sachant que son visage avait vite perdre ce sourire qu'il arborait en me voyant habituellement. Toujours un peu moqueur ou taquin le sourire par ailleurs... Et j'étais sûr d'une chose, ça allait être une très longue journée...




Enfin on y était. Ça n'avait pas été simple et très franchement, je redoutais l'arrivée d'Alphonse. En plus, il ne serait pas seul. Je sentis son aura avant même de le voir. Oui, c'était un simple humain mais pour moi, cet écrivain là avait toujours dégagé quelque chose que les autres écrivains humains n'avaient pas. Mon admiration ne venait pas de n'importe où, s'il vous plait. Je n'avais rien d'une groupie ou d'un fan lambda, c'était bien d'ailleurs à cause de cela qu'Alphonse et moi étions aussi proches. Intellectuellement surtout. Quoique nous avions quasi la même tendance à l'auto-destruction.

En tout cas, je me levai pour accueillir mon ami et son dominant. Un typé chinois, élancé, à l'allure presque jovial mais je ne m'y trompais pas un instant. Sûrement parce que je connaissais trop bien Alphonse. Cet homme là devait être un sacré phénomène et pouvait sans aucun doute faire souffrir mon ami autant qu'il en avait besoin. Rien à voir avec moi sur ce point là. Encore aujourd'hui, je me demandai comment j'avais fait pour ne serait-ce que l'étrangler. Je leur serrai la main à tous les deux.

-Content de te voir. Alphonse, je te présente Eirik, mon amant. Eirik, voici donc mon ami écrivain, Alphonse.

Qui ne changeait pas du tout. Ses yeux étaient toujours aussi gris, me rappelant la mer les jours de douces tempêtes. Ses cheveux noirs étaient plaqués en arrière, quant à sa tenue... Il n'avait pas changé de look, toujours avec ses chemises et ses vestons. Il aimait être propre sur lui, assurément pour cacher ce qu'il y avait à cacher. Je remarquai son collier de soumission et je me retins de porter la main à mon cou. J'eus envie de rougir mais je préférai m'asseoir sur la banquette à côté d'Eirik.

-Enchanté, Eirik. Ambroise m'a parlé de vous dans ces dernières lettres. J'avoue avoir été surpris. Je vous présente David.

Le chinois se contenta d'hocher de la tête sans perdre son sourire. Alphonse et moi nous commandâmes la même chose : deux chocolats et de la tarte tatin. Pour esquisser ensemble un sourire amusé. Mais je me calmai vite parce que je savais que cette complicité n'allait pas plaire à mon vampire contre lequel je m'appuyai rapidement pour le rassurer. Alphonse le nota, évidemment.

-Tiens donc, je ne mords pas.

J'eus envie de rire. Eirik mordait lui. Très fort même. Je pris sa main sous la table.

-Je te signale que David a l'air tout aussi possessif si je puis me permettre.
-Je le suis bel et bien. J'ai Alphonse, je le garde. Et je vois bien que je ne crains rien de vous, Ambroise.

Ah, au moins, il avait la tête sur les épaules, David commanda un café par ailleurs avec une tartelette au citron. Je jetai un œil à mon amant. J'espérai qu'il ne resterait pas congelé pendant toute la réunion.

Evidemment, il fallait qu'il commence par montrer sa petite supériorité. Ça n'avait rien de surprenant puisque les humains étaient habituellement sa nourriture, mais j'avais tout de même espérer que Eirik se tiendrait un minimum. Espoir qu'il fracassait dès le début mais au moins, ça m'aura évité de retenir mon souffle pour toute la réunion. Rien que par sa posture, il semblait leur crier "vous êtes des fourmis et je suis l’Armageddon". Je sentis le regard perplexe d'Alphonse, remarquai que David avait quelque peu perdu son sourire. J'aurais dû prévenir que mon amant ferait forcément des siennes. De toute façon, quand c'était pas moi, c'était lui.

En tout cas, le fait qu'il confirme qu'il morde ne me tira aucun sourire, juste l'impression qu'il allait se les mettre à dos et ce dont il se fichait littéralement, bien entendu. Et sa main qui caressait ma jambe... J'aurais pu rougir mais comme tout cela s'annonçait mal, j'avais plus envie de lui donner une petite tape. Parce qu'il ne s'arrêta pas là, ça aurait trop délicat de sa part.

-Eirik, ne va pas comparer ce qui n'est pas comparable.

En sous-entendu : "tu es ridicule de te comparer un humain à toi alors que c'est ta nourriture".

-Je ne dis pas de bêtises, ce n'est pas parce que David n'est pas taillé comme toi qu'il ne peut pas être ce qu'il dit être. Et puis au fond, quel importance ? Ton but c'était juste d'être sûr qu'Alphonse ne mettrait pas les mains sur moi.
-Je vois, tu es encore tombé sur un phénomène. En fait, tu les accumules, Roïs.

Je regardai Alphonse qui n'avait donc pas prévu d'avoir la langue dans sa poche. Bon sang, Eirik allait être imputrescible ! Impotent ? Imbuvable ? Impossible ? Ah voilà, impossible ! Le serveur nous donna nous commande, repartit pour récupérer le café de mon vampire. Non mais franchement, ne pourrait-il pas être juste sage et gentil ? Bon d'accord, gentil, ce n'était pas dans sa nature mais sage, il pouvait !

-Disons qu'il m'ait quand même plus tombé dessus que le contraire...
-Oh, tu n'avais donc pas remarqué qu'il te draguait. Comme d'habitude...

David ne cessait plus d'observer Eirik comme essayer de décider s'il devait le remettre à sa place ou pas. Du moins, c'était l'impression que j'avais mais ce pauvre humain n'avait aucune chance face à mon amant... Qui continua de se conduire comme un vrai macho. Comment ça, je ne lui avais pas parlé d'Alphonse ? C'était pas vrai ! Mon ami me regarda de façon surprise alors je fis un petit geste de la main pour lui faire comprendre que mon vampire avait décidé d'avoir un grain. Sûrement un gros grain de café puisqu'il en buvait. Je m'attaquai à ma tarte pour ne pas me mettre à bouder.

-Vous voulez savoir si nous avons baisé le premier soir ? Assurément. Roïs était aussi défoncé que moi à l'opium alors j'ai écarté les cuisses et comme une chienne en chaleur, je lui ai dit de me monter dessus. Ce fut excellent.

J'atteignis alors un summum de rougeur que j'avais rarement connu. J'aurais dû me douter que Alphonse prendrait volontiers la perche pour battre Eirik. Je mis une main sur le genou de mon amant pour le serrer, voulant l'inciter au calme. David lui-même semblait un peu décontenancé et son regard se posa sur moi fixement. Je me demandai tout à coup ce que je fichais ici. Clairement, c'était une mauvaise idée d'avoir mon meilleur ami et mon petit ami à la même table.

-De l'opium ? Je croyais que c'était un mélange de plusieurs poudres...

Wouah, ça c'était de la réponse... Je devrais peut-être aller me pendre, non ?

-Peu importe, on avait eu une telle discussion intellectuelle que la drogue pouvait être la seule chose à prendre pour qu'on redescende et qu'on devienne des bêtes.

Alphonse défiait clairement Eirik du regard.

-On... On devrait parler de ton livre.
-Non, pourquoi, commençons par le plus amusant.

J'avais envie de pleurer...

J'aurais dû me douter qu'Eirik n'aurait réellement aucune patience à cette occasion. Je voyais bien que Alphonse le défiait, mais je n'avais pas pensé qu'il réagirait au quart de tour. Enfin, ce n'était pas aussi violent que ce que j'aurais prédit mine de rien. Par contre, je me sentais réagir à sa colère, comme quoi, quand il le voulait, le lien entre lui et moi savait se faire sentir et j'avais étrangement l'envie de lui offrir mon cou pour lui montrer... ma soumission ? Si je n'avais pas été déjà complètement rouge, ça m'aurait mis dans sa teinte de couleur préférée.

-Il n'a aucune idée de ton âge, Eirik...

C'était dit d'une voix faible mais qu'aurais-je pu ajouter de toute façon ? Alphonse et David n'avaient aucune idée de ce à quoi ils avaient affaire. Un djinn et un vampire, rien que ça. L'un pouvait les dévorer physiquement ou en tout cas les vider de leur sang et l'autre pouvait leur prendre tout le reste s'ils faisaient des vœux dangereux. Et quand il perdit son sourire, je me sentis gelé à l'intérieur. Preuve que je ne plaisantais pas quand je disais qu'il commençait à me faire peur...

-Eirik...

J'entendis Alphonse gémir de plaisir et de douleur en même temps. Logique, il ne fallait pas oublier que lui était un masochiste. Toute la physionomie de David devint glacial et clairement, il aurait voulu que mon amant lâche le sien mais quelque part, il était vrai qu'il n'avait pas fait son travail de dominant en faisant taire Alphonse... Du coup, techniquement, Eirik avait le droit de punir Alphonse. Sauf que s'il le faisait vraiment, c'était moi qui lui en voudrait. La seule chose que je ne savais pas c'était si je lui en voudrais parce qu'il aurait fait du mal à mon meilleur ami ou si ce serait par jalousie. En fait, me pendre ne serait pas suffisant.

-Je ne lui ai pas manqué de respect, il n'y a rien de mal à aimer le sexe et Roïs sait l'apprécier quand il n'est pas dans les tours de dame Connaissance. Vous le savez sûrement. Osez me dire qu'il n'est pas agréable de le voir empli de plaisir.
-Bon sang, Alphonse, arrête. Eirik est réellement capable de te faire mal, tu ne devrais pas jouer avec lui. S'il te plait !

Je finis plus ou moins plaquer contre mon vampire alors que David attrapait le poignet d'Alphonse pour le vérifier. Il fronça les sourcils, sûrement étonné par la force qu'il avait fallu dégager pour que la peau de mon ami soit déjà bleu. Et quand Eirik en rajouta pour l'autre dominant et que mon instinct continuait d'hurler, je pris le visage de mon amant en coupe et je l'embrassai. Alors que je détestais absolument me donner ainsi en spectacle. J'avais envie de dire au lien d'aller se faire voir. Non mais vraiment... Et pourtant, ça m'apaisait de l'embrasser.

-Vous voyez le mal partout, Eirik. Je trouvais que cela ressembler à une taquinerie un peu vulgaire, tout à fait du genre d'Alphonse.

Je relâchai mon vampire, très gêné. Quelqu'un avait des requins ? Ah oui, c'était vrai que des requins mangeant de la fumée... Quoique je serai dans la mer alors ça pourrait me tuer.

-Cela fait des années que je n'ai pas vu Roïs en cher et en os. Deux ans au moins. Permettez que je savoure l'occasion, Maître Eirik.

Là, j'eus envie de jeter un regard noir à Alphonse bien que je comprenais qu'il utilise cette formule pour montrer qu'il se soumettait un temps soit peu. Nous nous regardâmes fixement quelques secondes et nous sortîmes le script d'Alphonse ensemble ainsi que mes notes de mon côté et un crayon. En fait, il valait mieux en finir vite. Eirik ne tiendrait pas plus de deux heures et je savais qu'il faudrait au moins ça pour parler de la majorité du troisième tome.

-L'évolution cyclique de Claude ne fonctionne plus dans ce tome.
-J'étais sûr que c'était la première chose que tu dirais. J'avoue avoir tenté un algorithme qui tournerait en ma faveur mais j'ai échoué puisque tu l'as noté.
-Il faut dire que ton texte lui-même n'est plus cyclique, tu as brisé la barrière au septième chapitre. Il y a des petites boucles mais elles ne créent pas de spirales parfaites. Prend le moment où Sophie meurt, elle laisse...

Je me perdis complètement avec Alphonse pendant un quart d'heure, aucun de nous deux ne voulant laisser l'avantage à l'autre. Je ne revins à la réalité qu'en constatant que mon chocolat était froid et que le lien me donnait un peu mal au cœur. Je revins me coller à Eirik et lui murmura tout bas.

-Tu sens le lien ou c'est juste moi ?

David n'avait même pas réellement essayé de discuter avec mon amant, le regardant avec méfiance, comme tentant de percer un mystère.

Au moins, après aujourd'hui, il ne pourrait pas dire qu'il n'avait pas du mal avec tous mes amis. Même si à mon avis, j'avais deux cas extrêmes avec Alphonse et Sword. Sauf que n'étant pas du tout normal, il semblait logique que mes amis ne puissent l'être eux aussi. Mon baiser semblait l'avoir ravi, bien que je ne sois pas sûr de la raison pour laquelle il le rendait si content... Dommage que ça n'ait pas fait partir son côté grognon dans le même temps. Je fus tout de même étonné qu'il s'excuse auprès de moi, du coup j'hochai simplement la tête alors qu'Alphonse semblait se retenir de parler. Je remarquai du coin de l’œil que David lui tenait le bras.

Il valait mieux, je savais bien quel genre de commentaire sarcastique et cynique mon meilleur ami aurait pu faire...

En fait, à cet instant, le couple en prenait pour son grade et je ne savais pas comment empêcher ou gérer la chose. Eirik était toujours assez critique sur tout mais je devais avouer que là, il se surpassait. Je continuais à penser que c'était parce que c'était des humains et qu'à son sens, ceux-ci ne méritaient pas du tout qu'il les voit autrement que comme des pastilles sous ses bottes. La seule consolation était bien qu'il se retenait de tuer Alphonse qui devait trouver mon vampire très antipathique. Sauf qu'il adorait les personnes comme ça. Ça allait être compliquer de canaliser l'écrivain en face de moi et David en avait tout autant conscience que moi.

Après la première "dispute" sur le script, je me fis donc plus au moins papouiller à cause de ma question. Encore une fois, Eirik semblait ravi et j'aurais bien aimé comprendre pourquoi. Je me retins d'essayer d'arranger mes cheveux et rosit un peu au baiser sur ma tête. Il était bien plus attentionné que ce que j'aurais pensé, je l'aurais cru complètement détaché... J'avais un peu oublié son côté tactile dans cette affaire... Et oh... Donc, il était heureux que le lien soit aussi fort ? Et il s'excusa encore... Deux fois dans la même journée ? Un record !

-Ça va aller, je voulais juste comprendre...

Je me sentis d'ailleurs mieux juste après mais quelque chose me disait que c'était parce qu'il avait agi sur le lien. David semblait toujours essayer de comprendre ce qu'était Eirik. Le pauvre, il n'avait pas fini de se poser la question, à moins qu'il n'ait l'habitude de croiser des créatures. Alphonse passa une commande pour nous deux pour de nouveaux chocolat. Bonne idée ça.

-Suicidaire est un qualificatif qui lui va comme un gant puisque je l'ai rencontré alors qu'il dansait sur le parapet d'un pont. Je l'ai attrapé, fait dessoûler chez moi.
-Tu comptais sauter ?, demandai-je à Alphonse.
-Pas vraiment, je me disais juste que j'aimerais savoir voler. Pas toi ?

Sauf que moi, je pouvais.

-Si, il est tellement rapide de se déplacer dans le ciel plutôt que sur terre.
-Et vous, d'après ce que je sais, Eirik, vous avez rencontré Ambroise à la suite d'une blague. Avec du faux sang... dit David.

Oui, c'était comme ça que je l'avais raconté dans ma lettre pour Alphonse. Je n'aurais pas pensé cependant que David en sache autant. Son regard persistant commençait à m'irriter plus qu'autre chose. C'était MON vampire à MOI. Pas que je pensais qu'il était vraiment intéressé mais... Mon meilleur ami, si. C'était sûrement pour ça que David se sentait en compétition. Alphonse m'observa et souffla tout bas :

-Il faut que tu me montres où tu l'as trouvé.

Sauf que Eirik l'entendrait forcément.

-Là où je travaille et je t'ai déjà dit que tu ne pourrais jamais venir là où je bosse. Tu es toujours aussi obstiné.

Sourire un peu moqueur de Alphonse. Il se prit une claque sur la cuisse de la part de David, bien sonore. Heureusement que personne ne regardait vraiment notre table. Le serveur déposa la commande d'Alphonse qui après avoir bu un peu de chocolat, susurra.

-Maître Eirik, préférez-vous le fouet ou la canne ?

Je me dis qu'avant la fin de cette journée, je serai assis sur Eirik pour être sûr qu'il ne tue pas Alphonse.

Hé, ce n'était pas de ma faute si David lisait les lettres d'Alphonse. Comment j'aurais pu savoir ça, moi, hein ? Quoique, mon meilleur ami avait peut-être simplement raconté à son dominant cette histoire. Après tout, elle était plutôt amusante et je pensais que j'en aurais fait de même à sa place. Bien que je me voyais mal parler de mes correspondants à Eirik en y réfléchissant bien. Parce que je ne communiquais pas seulement avec Alphonse mais aussi avec des chercheurs dans toutes sortes de domaine.

-Je ne suis pas innocent !
-Tu l'es tellement que ça en devient ridicule parfois.
-Alphonse ! Je vais bouder !

Cela ne fit que rire mon meilleur ami. Non mais quelle plaie il pouvait être parfois. En fait, surtout maintenant qu'il regardait mon vampire comme s'il voulait en faire son six heures. David toussota et serra le poignet déjà abîmé d'Alphonse pour lui faire comprendre qu'il devrait se taire un peu. Il commençait à être de mauvais poil le dominant humain. L'écrivain allait prendre cher quand ils rentreraient mais à mon avis, tel que je le connaissais, c'était exactement ce que recherchait Alphonse. Il voulait se faire battre, ce masochiste.

-Cette histoire était dans une lettre d'Ambroise. Al' m'a raconté rien de plus. Ca l'avait beaucoup fait rire, expliqua David.
-Bien sûr que cela m'a fait rire. Roïs est très doué pour les blagues, dit Alphonse en haussant les épaules.

La suite me choqua. Eirik n'avait pas dit ce que j'avais entendu, hein ? Vu les têtes des deux humains, si il avait osé. Je lui mis une petite tape sur la jambe en le regardant avec de gros yeux. Il cherchait à faire quoi là ? Si c'était finir de m'énerver, c'était bien parti ! Et si c'était me rendre jaloux... Oh, il allait voir qu'il n'aurait peut-être pas dû jouer à cela !

-Je doute que tu penses à ton frère en disant ça.

Et tic ! Non mais. J'étais sûr qu'il le sentait combien j'étais mécontent maintenant. Je devrais sans doute le faire taire avec un gâteau plein de crème. Il parlerait moins comme ça. Et en plus, il répondait à la question d'Alphonse. Pfff, il disait ça mais au final, il ne tapait pas. Je n'avais aucune envie de prendre une fessée, ça se saurait si j'étais cinglé à ce point là. Bien que je savais qu'il n'y avait rien de fou à aimer la fessée. David avait l'air aussi froid qu'un iceberg maintenant.

-Vous savez, il ne vous est pas réellement possible de juger de mes capacités aussi facilement. De plus, ce n'est pas en essayant de m'écraser que vous aurez vous l'air d'un bon dominant. Pour le moment, je vous trouve juste macho.

J'aurais bien détourné la fumée d'Eirik mais pas possible...

-Tu n'apprendras rien à personne, je te jure que je t'attacherai au lit, quitte à demander de l'aide à monsieur Dragon !

Je sentais le lien mais rien à faire, j'étais quand même furieux ! Alphonse était surpris de me voir aussi véhément, et pour cause, il fallait dire qu'il ne m'avait jamais réellement vu en colère.

-Même si j'ai peur de lui ! Tu es à moi !

Et je l'embrassai férocement. Deux fois dans la même après-midi, en public. Il me le paierait ! J'entendis vaguement Alphonse gémir. Il mériterait bien quelques baffes ! Quoique non, ça lui ferait plaisir.

-Un soumis qui clame que son dominant lui appartient. De mieux en mieux, commenta David.
-Dommage que Roïs n'ait pas envie de partager.
-Tu montes à trente.

Alphonse se tortilla sur son siège.

-Roïs. Et le douzième chapitre.

Un peu perdu, j'hochai la tête et commençai à lui exposer le problème, nous finîmes encore dans une dispute de vingt minutes cette fois.

-Je sais, sadique.

Même si j'étais au courant, j'avais mes limites. Ce sale vampire pouvait vraiment me mettre en rage quand il le voulait bien. Ça n'était pas juste qu'il profite de cette rencontre de cette façon. Je refusais d'être jaloux. Il ne méritait pas que je le sois. En fait, le mieux serait que je paraisse indifférent... Sauf qu'Alphonse essaierait forcément de me faire réagir encore plus. Et déjà qu'Eirik avait plus ou moins envie de le tuer alors... Je retins un soupir frustré. Mon amant me le paierait, na !

Et puis il avait vraiment besoin de les traiter de gamin ? Lui-même n'avait pas l'air d'avoir plus de trente ans chez les humains malgré ses cheveux blancs ! David devait sûrement penser que c'était le chenil qui se mordait le cul mais bon...

-Vous vous pensez donc omniscient en plus de cela. Vous devriez vous méfier, vous pourriez tomber de haut au moment où vous vous y attendrez le moins.

Ils allaient par en finir aux mains... Sauf que le gagnant était déjà tout trouvé. Je retins un autre soupir de dépit cette fois. Leçon à retenir, ne plus emmener Eirik parmi des humains. Il était parfaitement insupportable avec eux. Et même si je devais tenir la distance pour donner mon point de vue à Alphonse sur son livre - alors que mon meilleur ami zieutait souvent vers MON amant - j'entendais parfaitement ce que ce dernier disait à David. Non mais sérieusement, il voulait que je le tape, pas vrai ?

-Vous avez un problème de violence, pas vrai ? Vous ne pouvez pas mener une simple conversation sans faire des menaces ? Vous jouez les supérieurs mais en vérité, vous vous sentez inférieur. Pas étonnant que vous vous montriez si caricaturale.

Aouch... David savait parler. Je choppai Eirik par le bras pour l'entraîner.

-On revient !

Je le poussai dans les toilettes, puis dans une cabine et je fermai derrière nous. J'avais le souffle plus court et sacrément envie de tout plaquer là. Sauf que j'avais dit à Alphonse qu'on parlerait de son livre alors je finirai ce que j'avais commencé. Je saisis l'une des mains d'Eirik et la posai autour de mon cou.

-Si tu veux me tuer, finis-en maintenant. Sinon, arrête. Arrête de répondre par la violence à ce qu'ils disent. Je sais bien que tu ne manies pas aussi bien les mots que nous mais tu ne fais qu'empirer la situation depuis tout à l'heure.

Je m'en fichai qu'il serre, de toute façon, au point où j'en étais. J'avais déjà l'impression d'étouffer.

-Ils ne savent pas ce que nous sommes... Et je ne veux pas qu'ils sachent non plus. A quoi ça te sert de jouer comme ça avec eux alors qu'on sait qu'ils te sont forcément inférieurs ? Tu penses que ça me plait ?

Je voulais comprendre ce qui lui passait par la tête. Je n'avais pas voulu qu'il vienne, déjà que je trouvais que c'était un manque de confiance de sa part. Mais là, il dépassait vraiment les bornes à les menacer de mort à chaque dialogue. A même me menacer au final. Ça faisait mal. Juste mal, je voulais qu'il arrête.

Mais Alphonse adorait les conflits, il aimait l'anarchie et le sang, c'était dans sa nature de masochiste. Plus le monde lui prouvait qu'il allait mal, mieux il se sentait. Quant à David, je m'en fichais de son existence, j'en avais juste assez qu'Eirik prenne le temps de se disputer avec un humain qui n'avait aucune conscience des conséquences de ses actes. Enfin, au moins, il n'avait pas réellement envie de me tuer mais il n'en restait pas moins qu'il m'avait menacé aussi. Note que vu qu'il en distribuait à tout le monde, il n'y avait peut-être pas prêté attention. Mais me rappeler plus ou moins qu'il pouvait facilement me tuer... Je soupirai intérieurement.

Son baiser me fit m'agripper à lui. Décidément, j'aurais toujours un mal fou à comprendre comment il fonctionnait pas vrai. Et puis pourquoi le lien avait décidé de m'embêter aujourd'hui ? En tout cas, je fis attention à ne pas rouler des yeux.

-D'accord, je vais essayer de faire ça. Au pire, je ne vais pas arrêter de le faire tousser, comme ça, on n'entendra plus rien de lui.

J'avais un peu rosi. On ne parlait pas à son Primero comme ça ? Je n'avais pas pris ce que disait l'autre dominant comme des insultes... En fait, il fallait dire que je m'en moquais un peu de ce qu'il racontait. Il était le mec d'Alphonse, pas Alphonse et c'était pour mon meilleur ami que j'étais venu et pour rien d'autre.

Il repartit avant que je n'émette une réponse et je fis la moue. J'en profitai donc pour... ben ce qu'on faisait normalement dans des toilettes, me lavai les mains et revint m'asseoir avec eux. Il semblait que pendant ma petite absence, Eirik ait encore dit quelque chose parce que maintenant, David semblait à deux doigts de vouloir le tuer. Je jetai un œil à Alphonse qui s'était emparé de mes notes et de mon crayon, jonglant avec et ne semblant pas du tout s'occuper du fait que son dominant était bouleversé. C'était bien son genre. A l'intérieur, il devait rigoler, j'en étais certain.

En tout cas, il fallait que je calme David. Alors que je créai une petite bille de fumée qu'il goba alors qu'il allait parler. Il se mit à tousser mais je disposai soigneusement mon petit don dans sa gorge pour qu'il reste gêné jusqu'à la fin de l'entrevue.

-Bon, puisque tu as lu mes notes, qu'en penses-tu ?
-Je pense que tu y as sérieusement réfléchi. Je me demande si je ne devrais pas te mettre comme co-auteur...
-Non, pas besoin. C'était pour toi, évidemment que j'allais y penser sérieusement.
-Tu n'es pas un bon ami pour rien... T'es trop gentil, Roïs.

On pouvait être trop gentil ? Les gens me percevaient vraiment comme un nounours ? David continuait à toucher, tout en buvant son café pour essayer de faire passer ma bille. Sauf que comme j'étais là, je pouvais la régénérer encore et encore. Et vu que c'était petit, c'était facile à faire.

-Je peux être méchant et tu le sais. Ça n'a pas de sens de dire que je suis trop gentil.
-Je sors... articula David.

Alphonse dut se lever pour le laisser passer et David finit hors du salon de thé pour un temps.

-Étrange, il n'était pas malade ce matin, marmonna Al'
-Oh, tu sais, ça peut arriver précipitamment...

Je m'appuyai contre Eirik alors qu'on reprenait notre débat sur son livre. Le ton finit par monter pour que tout s'écrase finalement comme un soufflet quand David revint.

-Viens... *kof kof* te battre !
-David, tu ne vas quand même pas...
-Toi, tu te tais. Et tu me laisses... *kof kof* gérer.

Je me levai alors, très très irrité et je lui collai mon poing dans le nez. Qui se mit à saigner. David avait l'air ébahi que j'ai osé mais je n'avais pas fini.

-Va gérer ailleurs, tu ne vois pas qu'on est occupés ?!

Et je partis sur un discours sur la violence, la douleur, la description de plaies, comment il allait crever s'il continuait à me soûler et je me rassis en me tenant la tête. Pourquoi ça faisait mal à la fin ?!

Je m'étais rarement senti aussi malade alors qu'en réalité, je n'avais rien du tout. Je savais que ce n'était pas que ma colère, que je devais réagir aussi à celle d'Eirik mais ça n'arrangeait pas mon état pour autant. Je sus, plus que je ne vis mon amant jouer les boucliers pour bloquer une attaque de David. Le lâche, j'avais au mal cœur et lui, il essayait de faire les brutes. Sauf qu'avec mon vampire, il avait dû se heurter à un vrai mur. Qui l'abattit sur notre table.

-Roïs ? Ça va ?

Oui, Alphonse n'était pas du tout inquiet pour son dominant. A mon avis, leur relation était fini. J'entendis Eirik prévenir David de ne plus faire le malin mais vu l'humeur de l'homme, pas sûr que celui-ci écoute. Je remarquai vaguement que Eirik avait un peu hypnotisé les humains autour à sa façon. Ça valait mieux, je n'avais pas tellement envie que l'on appelle la police à cause d'un crétin. Ce serait lui faire trop d'honneur. Sans compter que ça donnerait des ennuis à Alphonse et l'idée ne me plaisait pas du tout.

-Ça va aller... Je pense qu'on va te laisser...

Je n'aimais pas que Alphonse s'inquiète pour moi. Je laissais de l'argent pour payer l'addition tout en rajoutant.

-Je te laisse mes notes et ma copie du script puisque comme tu t'en doutes, là aussi j'ai laissé des petites indications. On s'appelle pour en parler, d'accord ?
-Une conférence vidéo serait encore mieux.
-Ça me va. Je pourrais te montrer Glacier.

Je me sentais vidé, c'était horrible. Je pris la main d'Eirik avait un sourire mais je doutais que cela le rassure. Et après un salut à Alphonse, je l'entraînais à l'extérieur. L'air frais me fit un peu de bien mais pas assez. Je finis par pousser mon cher amant dans une ruelle et je m'appuyai contre le mur en dévoilant mon cou.

-Mords moi... S'il te plait. Je... Je ne comprends pas... Mais mords !

Je serrai les bords de sa veste l'air presque suppliant. Pourquoi aujourd'hui ? D'habitude, je l'envoyais rouler le lien ! Je le sentais à peine, mais là... Parce que j'avais eu peur ? Parce qu'on était entouré d'humains sans qu'il y ait de magie puissante autour ? Je cherchais une solution sans en voir aucune. Je savais juste que je voulais ses crocs dans mon cou.

Je me sentis complètement fondre contre Eirik quand il accepta de me mordre. Bien sûr, quand ses dents percèrent ma peau, j'en souffris un peu mais après... Je pouvais à peine réfléchir, ça faisait un bien fou que j'aurais pu le laisser me vider entièrement... Du moins, je le supposais. Hum, j'étais vraiment dans une phase suicidaire, mes pensées finissaient toujours par y revenir depuis que nous étions sortis. J'en serrai Eirik davantage, il allait me protéger de cela, toujours. Sans le savoir, par contre, comme d'habitude...

Un peu anémié par la suite, ce qui était logique, je me laissai faire par mon vampire en répondant paresseusement à son baiser. Pour sourire en plus.

-Ah bon, c'est un honneur ? Je ne crois pas moi... Mais j'aime bien que tu prennes la chose comme ça.

J'aurais voulu me blottir encore plus contre lui mais avec ma doudoune, c'était un peu compliqué. Bien sûr, Eirik ne s'arrêta pas là, évidemment qu'il ne pouvait pas. Et c'était moi le curieux... Que ? A cause de David... Non. Mais Alphonse quand même... Je sentis ma jalousie revenir en force et je serrai mon amant encore plus fort du coup. Pas qu'il aurait du mal à me repousser s'il en avait envie en réalité.

-Non... Mais déjà Alphonse... Je ne veux pas qu'Alphonse te plaise... Je sais que tu vas voir ailleurs pour boire... Mais pas lui. S'il te plait.

J'avais presque une voix boudeuse et implorante à la fois, parfaitement conscient que ça faisait gamin mais j'étais très très inquiet en réalité. Alphonse était bien mieux que moi... Et il aimait la douleur en plus... Son seul point faible, c'était qu'il était un humain.

-Et puis depuis ce matin... J'ai des pensées...

J'hésitais à le dire et je chuchotai tout bas.

-J'ai eu envie de me tuer plusieurs fois... Et je me raccroche toujours à toi quand j'ai envie...

Je ne pensais pas que la discussion qui allait suivre serait génial, au contraire. Cependant, j'étais sensé être honnête, je me souvenais parfaitement que ne pas savoir rendait mon vampire un peu fou. Sauf que je n'avais pas envie d'en parler plus. J'avais même l'impression d'en avoir trop dit et le fait qu'il soit conscient de mon état le rendait plus réel et plus pathétique encore. Je ne savais pas quand exactement j'avais commencé à sombrer mais Alphonse ne m'avait pas aidé. Quant à son dominant, c'était juste un crétin.

-Et puis y'a moins de magie ici... Et on était presque dans la même humeur puisqu'on était agacés tous les deux... Alors... Voilà... On rentre ?

On ne pouvait pas réellement parler de ça dans une ruelle. En plus, j'avais froid avec l'anémie, ce serait bête que je tombe malade.

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