Je me traînais. Je n'avais pas spécialement de bonnes raisons d'être de bonne humeur, au contraire. Mon cou me grattait et je me sentais tout seul. Je détestais me sentir tout seul. Du coup, j'avais sombré dans un de mes travers habituels. Je n'avais plus quitté la bibliothèque, rangeant, nettoyant... Je rentrais à peine me changer, j'oubliais de manger et si je ne m'étais pas évanoui -ce que je ne saurais dire- ben c'était tant mieux. C'était bête à dire mais Eirik n'avait pas besoin de faire quelque chose, je me punissais très bien tout seul.

Revenant tard un soir à la bibliothèque -j'avais dormi quasiment toute la journée-, je trouvai un mot de mon vampire. Oh. Le temps était donc venu. Je n'eus pas d'hésitation, je me dirigeai vers sa maison après avoir déchiré le papier et l'avoir mis dans différentes poubelles. Au cas où. En chemin, je m'arrêtai quand même pour regarder les papillons bleus avec un pâle sourire et je repris ma route.

Arrivé au chalet, je me disais qu'il manquait vraiment un décor hivernal pour aller avec. Je frappai, j'entrai quand il me l'autorisa. Je ne m'étais pas attendu à ce qu'il vienne ouvrir. Je pris le temps de pendre mon manteau rouge, je ne voulais pas qu'il soit abîmé lui puis je vins m'asseoir comme il me l'avait ordonné. Il souriait. Mais je ne croyais pas un instant qu'il n'était pas en colère. Pourtant, je lui souris. J'étais un condamné, mon bourreau me souriait. Je ne dirais pas que je n'avais pas un peu peur mais j'étais comme ça. J'aimais les sourires.

-Oui, quelques petites choses en effet. C'est bon de savoir que tu vas bien.

Bien sûr, le temps n'était sûrement pas aux politesses dans la tête d'Eirik. Il avait enfin son Primero devant lui, il allait lui faire la peau dans les règles de l'art, point. Je fus un peu surpris qu'il me demande tout de même une explication. Je doutais qu'elle servirait à quelque chose, quoique je dirais, il se considérerait dans son bon droit. J'entrelaçais mes doigts, laissant ma berceuses résonner dans ma tête encore et encore.

-L'idée de base était de me venger. J'avais failli te perdre à cause de son geste, je voulais juste remettre les pendules à l'heure... Je crois qu'on dit. Alors je lui ai piqué ses instruments de musique, je comptais même le faire courir après. Mais finalement... Eh bien, j'ai quand même un point commun avec lui. Alors je n'avais plus envie de lui faire de mal. Et je n'avais pas envie que tu lui en fasses à cause de moi. C'est plutôt inutile...

Pour ne pas dire que j'étais plutôt inutile et que deux frères se battent à cause d'une feuille morte, c'était plutôt inepte. J'enlevai mon haut pour le plier soigneusement ensuite. Je continuais avec mes chaussures et chaussettes... Je finis nu devant Eirik, gêné et je m'agenouillais près de son fauteuil. Je l'avais dit à monsieur Rouge, je ferais comme je faisais avec ma maman. Vulnérable, prêt à être abusé. Il n'avait plus qu'à s'amuser.

De mon côté, je me bercerai...

C'était étrange... La vie était étrange... On décevait toujours les gens d'une façon ou d'une autre. Si l'on m'avait dit qu'un jour, je décevrais la personne à qui j'avais choisi d'appartenir parce que je défendais un membre de sa famille à lui... En tout cas, qu'il ait pu trouver mes intentions louables m'avait donné envie de sourire. Mais pas joyeusement. J'avais entendu dire qu'on répétait souvent les mêmes schémas avec les gens, mon papa m'avait dit que je m'attacherai toujours à des gens qui me feraient du mal. Mon papa avait bien raison. J'avais juste quitté ma maman pour trouver un autre maître. Je me demandais ce qu'il en penserait...

Je me pris un coup de poing qui ne me fit pas émettre une seule plainte. Je n'étais pas du genre à crier dans ces moments là. Eirik m'obligea à le regarder, pas de chance pour moi il avait laissé tomber le masque et je le trouvais magnifique. Magnifiquement sauvage. J'eus envie de toucher son visage mais je savais que ce serait une mauvaise idée. De toute façon, je n'avais que des mauvaises idées.

Et surtout je ne voyais pas comment me défendre. Je n'avais jamais su, même j'évitais toujours les situations qui demandaient que j'en arrive là. Alors lui donnait de bonnes raisons de me garder... J'étais mignon ? Bêtement gentil ? Il pouvait me tabasser à mort que je lui pardonnerai ? Je repensais au spot publicitaire que j'avais vu contre les violences conjugales. Ça me donna envie de sourire. Pour les humains, ça marchait, mais pas pour des créatures comme nous.

-Parce que si j'étais bêtement obéissant, je ne serais pas moi. Parce que si j'étais bêtement obéissant, tu ne m'aurais même pas vu. Parce que si j'étais tout le temps une lavette comme en ce moment, tu te serais déjà ennuyé et tu serais déjà parti.

Je ne savais même pas d'où me venait ma tirade, elle était sortie, c'était tout. Je ne savais pas si elle était vraie ou pas, je n'en étais plus là. Je voulais juste qu'il en finisse. Je m'attendais au pire de toute manière. D'ailleurs, comment on se faisait pardonner hein ? Qu'est-ce qu'il voulait entendre ? Que je ne le ferai plus ? Je n'étais pas du genre à mentir. Quant à mes cauchemars, ils existaient déjà. Il n'avait vraiment pas compris que je n'avais besoin de personne pour me faire souffrir. Que ce qu'il faisait me donner juste une raison de plus pour me faire toujours plus de mal.

Mon pire ennemi, c'était moi.

-Je peux pas mal de choses mais je ne sais pas ce que tu veux entendre. Je peux juste m'offrir et attendre de savoir ce que tu veux tant.

Mon regard vert d'eau se perdit dans le sien. J'aurais aimé l'embrasser. J'aurai aimé lui donner du plaisir. J'aurais aimé que les choses soient simples mais personne ne faisait jamais simple. Mais je voulais rester vrai et honnête. Il pouvait faire ce qu'il voulait, j'avais choisi d'être à lui. Mais à la fin, s'il allait trop loin, c'était lui qui perdrait, pas moi. Enfin si, je perdrai sûrement un bout de moi mais ça ne serait pas le premier. Je voudrai juste par contre que ce soit le dernier.

Tout était peut-être là... Eirik ne comprendrait peut-être pas ce que signifiait s'offrir pour moi. Jamais je ne laisserai quelqu'un que je n'aime pas un minimum me traitait de cette manière.

Je ne savais pas bien de quoi il était content. Je savais juste que j'allais forcément en souffrir. Puisque le but de tout ceci était de me punir. D'avoir désobéi mais aussi d'être compatissant. Au moins, Eirik répondit à ma question mais resta tout de même délibéré nébuleux. Que je choisisse quoi faire pour lui montrer que je voulais rester avec lui ? Je ne pouvais pas lui faire l'amour, il l'avait dit lui-même qu'il n'accepterait pas d'être soumis. Ce que je trouvais dommage quelque part, j'étais sûr que sous une telle extase, il serait encore plus beau.

Il me sourit mais cette fois, je n'en fis pas de même, trop perdu dans mon fouillis de pensées à la recherche de la bonne idée. Ce qui était gênant, j'avais remarqué assez vite que mon vampire n'était pas du genre tout à fait patient. Au contraire même. Pour moi qui fonctionnait finalement plutôt lentement même si ça ne se voyait pas toujours, ce n'était pas vraiment une bonne chose. Si j'optais pour la première idée qui me venait, je risquais de faire une catastrophe.

Je remarquai à peine les déchirures qu'il était en train de pratiquer sur mon torse. Je me sentais de toute façon fatigué d'essayer de me défendre. Je n'étais pas doué mais je devais assumer puisque j'avais désobéi. Que faire ? Et je finis en fumée, m'enroulant tout autour de son corps pour exciter chaque zone érogène en même temps.

Ce qui pourrait vite le rendre fou... De rage ou de plaisir, c'était à voir.

-Je tiens beaucoup plus à toi que tu ne le crois. Et ce n'est pas juste...

Serpentant partout sous ses vêtements, j'avais presque l'impression de me frotter à lui comme une chienne en chaleur. Jamais je ne ferai ça pour un autre, mais j'aimais le toucher malgré sa peau plutôt froide. Je continuai donc mon manège, mettant mes yeux face aux siens. Avais-je raison ? Ou devais-je m'attendre au pire ?

Hum, c'était ça d'avoir des problèmes de pensées qui parfois empêchaient de finir les phrases. Je n'avais pas fini la mienne et elle compliqua encore plus ma situation. J'aurais dû le savoir que de toute façon, j'arriverai encore à me mettre dans des ennuis pires que ceux que j'avais de base. Je me laissai repousser par son eau, détestant cette impression de froid qui était en moi. Il ne faisait pas froid mais plus je sombrai, plus j'avais dû mal à simplement ne pas partir en fumée invisible, incolore et inodore. Que personne ne me voit parce que de toute façon...

-Ce qui est injuste, c'est que je n'arrive pas à te faire comprendre ce que je peux réellement penser ou ressentir à ton sujet. Je ne peux pas...

Parce que tout se mélangeait sans cesse, sans ordre ni désordre. Mais de toute manière, quoique je dise, ça ne calmerait pas sa colère, il fallait que je le laisse se défouler et vu la force avec laquelle il m'entraînait vers la chambre, ça allait être quelque chose. Je tressaillis aux liens d'eau. Evidemment, tant qu'à me faire souffrir, autant y aller à fond. Il n'avait réellement pas compris... Ou peut-être que si, justement, il n'avait que trop compris combien l'eau me faisait mal.

Je serrai les draps, les yeux clos, il pouvait juste voir que je réagissais au coup de griffes. J'aurais préféré qu'il les fasse lui-même. J'aurais préféré que ce soit ses mains oui. Je refusais de garder des traces de cela plus tard. Non, j'en avais déjà trop. Je faillis sourire quand il me parla de découvrir d'autres plaisirs. Ah oui, vraiment ? Du genre violent non ? Il m'obligea à le regarder dans les yeux mais ça ne me gênait pas ça. Il me touchait réellement, lui, pas son eau magique, juste lui.

Enfin, quand son ordre vint, je ne cherchai même pas à marquer une hésitation ou autre. Je le pris en bouche pour lui offrir la fellation folle qu'il voulait tant malgré le fait que je ne pouvais pas vraiment m'aider de mes mains. Et ce faisant, j'avais ma comptine en tête, ma maman, le prix d'un écran plasma, les livres qu'ils manquaient à la bibliothèque... Des idées que j'arrivais normalement à écarter pour ne penser qu'au sexe quand j'y étais mais vu que je n'étais pas du tout là pour mon plaisir mais pour le sien...

Je sentis sa main se poser dans mes cheveux et je m'accrochai d'une certaine manière à cette ancre qu'il venait de m'offrir sans le vouloir. Malgré la violence dont son eau faisait preuve, lui restait quelque part assez doux, ce qui était un contraste qui me menait à me demander à quoi il pensait. Alors que je savourai tout de même son goût sur ma langue, goût qui s'amplifiait plus les minutes passer. D'ailleurs, je finis par uniquement me concentrer sur son plaisir, se forçant à oublier que mon corps exister.

C'était bon de le sentir réagir, vraiment, j'en oubliais que mon corps s'effaçait sous son eau, que mes forces m'abandonnaient. Tant que je pouvais le rendre fou par les va-et-vient de son érection dans ma bouche et grâce à ma langue, le reste n'avait presque pas d'importance. Par contre, s'il était attendu à du sang, il devait être déçu, il ne pouvait pas y en avoir avec son eau magique, mon sang s'effaçait aussi. S'il comptait me boire...

Cependant, ça n'avait pas du tout l'air d'être son idée, je l'entendais grogner et ça me rassurait qu'il ne puisse pas totalement se cacher derrière sa colère dans un moment si intime. Quand il vint entre mes lèvres, je fis très attention à tout boire et à le nettoyer avant qu'il ne se dégage rapidement, me laissant sur le lit, à la merci de son eau. Sans lui pour pouvoir mentalement échapper à la torture. Je mordis dans les draps pour ne pas crier. Jamais. Je n'avais pas fait cela pour ma maman, je ne le ferai pas pour lui.

Je ne sus pas exactement quand ça s'arrêta, j'étais dans un entre deux. J'avais mal, dans l'impossibilité de pouvoir réellement me régénérer. Dans l'incapacité de bouger, je gardai les yeux clos, le souffle court. Je n'avais aucune idée de l'étendue des dégâts, juste que ça devait être assez mauvais quand même pour que je sois ainsi prostré. Tout perdu, je me raccrochai à son odeur sur les draps, à ma berceuse que je me mis à chantonner très bas. J'essayai de rester conscient, au cas où. Rien ne me disait qu'il en avait réellement fini avec moi et je ne pouvais pas me rendre encore plus vulnérable à cette heure en sombrant dans le sommeil.

J'aurais voulu me couvrir aussi... Enfin, au moins, il pourrait admirer le spectacle, pour peu qu'il le veuille encore. Allait-il me laisser seul longtemps ?

Je sentis sa présence sans même le voir. Normal, je luttais pour ne pas sombrer justement à cause de lui. J'avais quand même réussi à refaire le tour de mes savoirs sur les théories du big bang pour réaliser qu'il me faudrait sans doute les mettre à jour. Même si ça ne serait clairement pas pour tout de suite et que j'avais dérivé sur les dernières découvertes océaniques, la température des termites, l'inégalité des richesses en Afrique du Sud... J'étais un petit peu fier de moi de ne pas m'être évanoui. Je me demandai si je devais ouvrir les yeux, lui montrer que je savais qu'il était là.

Mais il me surprit en me soulevant pour m'allonger sous les draps. Bien sûr, je m'étais mordu la lèvres quand il m'avait bougé, ça faisait mal mais être atrocement douloureux, ce qui était quelque part un soulagement. Je me mis sur le côté pour que mon dos ne soit pas en contact avec le matelas même s'il était un peu en contact avec le drap sur moi. Mais ça faisait du bien d'être couvert par quelque chose même si j'avais toujours froid. Je n'avais finalement toujours pas ouvert les yeux, j'aimais bien faire semblant. J'avais l'impression que la punition était finie mais Eirik ne le disait pas alors...

Je me mis à penser à des poneys verts sur des arcs-en-ciel dorés qui dansaient sur de la techno avec des japonais en cosplay. J'avais besoin de rire un peu intérieurement. Je me tendis un peu à son prochain mouvement, frémit un peu quand son bras passa autour de mon corps. Là j'ouvris les yeux, l'air presque perdu... Enfin pourquoi presque, je l'étais vraiment. Pourquoi cette douceur, là ? Je faillis même pleurer quand il se mit à chantonner une berceuse à son tour. Pourquoi ? Je serrai un peu les poings mais les détendit. S'il voulait vraiment me donner ça, je le prenais avec plaisir même si plus rien n'avait de sens.

Et puis vint sa question. Je ne savais pas si je devais répondre là encore. Je n'étais pas réellement en état de l'affronter si ma réponse lui déplaisait. Mais je n'étais pas un lâche, juste un djinn inutile. Inutile dans le sens où je ne manquerai à personne. Ou peut-être dans le sens que mes pouvoirs étaient si limités à côté de ceux de ma maman...

-De toi... De ce que je ressens quand je te vois.

Je bougeai légèrement mais gardai les yeux baissés pour ne pas le regarder. Je ne voulais pas nourrir encore sa colère pour le moment.

-Du fait que je ne t'aurais jamais laissé faire ça si je ne tenais pas à toi. Que...

Si mon sang avait été liquide, j'aurais sûrement rougi. Mais comme je ne pouvais pas saigner à mort, je restais pâle comme un fantôme.

-Que m'offrir à toi, c'est pas juste des mots ou juste physique... Ça me fait peur. Ce ne sont pas des mots que je sais utiliser, des choses que je sais manier.

Je commençai à me perdre dans mes propos. La fatigue pesait sur moi quand un éléphant.

Le fait qu'il cesse de chantonner me donna juste envie de partir en fumée par la fenêtre pour rentrer chez moi. Et me soigner, éventuellement. Je savais bien qu'il ne pouvait pas aimer ma réponse, mais quand même... Qu'avais-je dit de si mal ? En quoi était-ce contraire à ce que nous étions en train d'établir entre nous ? Il me força à le regarder et très franchement, je me retenais à grand peine d'avoir le regard fuyant. Vu qu'il tenait à ce qu'on se regarde les yeux dans les yeux. J'étais quelque peu content de ne pas pouvoir rougir.

-Des sentiments... Ça fait mal d'aimer. Surtout sans retour.

Je refusai de penser au fait que je me persuadai que ma mère m'aimait. Que mon père me manquait. Et qu'Eirik n'était sûrement pas intéressé par ça bien qu'il me fasse en parler. A tous les coups, ça allait être la fin dans les minutes qui viendraient. Qu'allais-je faire ? Dans mon état, je n'avais aucune bonne idée et encore moins la motivation pour quoi que ce soit. Et en plus, il soupira. Ce qui me fit partir sur des chibis des élèves qui dansaient la polka dans le cimetière en tirant la langue.

Et puis il me surprit. Encore. Comment pouvait-il hésiter en demander une explication ? Je m'attendais plus à ce qu'il rit, s'en aille, se chasse de son lit, me frappe encore. Tout sauf ça en fait. Je me demandai vaguement s'il était malade mais je n'avais plus de mains pour essayer de connaître sa température. Comme ça, j'avais l'impression qu'il était aussi froid que d'habitude.

-Je suis nul pour expliquer ça. Je m'en sors mieux avec la physique quantique...

Je fermai les yeux quelques secondes et les rouvrit.

-Je ne veux pas t'embêter en plus, c'est pas grave ce que je ressens. C'est pas pour ça que tu m'as choisi.

Je retins un soupir mais seulement parce que je pensais que lui aussi serait mal pris. Fichu pour fichu, je murmurai.

-Mais je t'aime beaucoup. Sinon, je ne serai pas là. Même quand tu es méchant... Je veux rester là...

Je remarquais que plus je parlais, plus Eirik semblait oublier ce que cela voulait dire de respirer correctement. Ce qui était assez étrange de mon point de vue, je ne voyais pas pourquoi ce que j'énonçais le toucher autant. Franchement, ça ne me paraissait pas très logique, il ne m'avait jamais paru porter sur ces choses là et le peu d'émotions que je lui avais vu tournaient plutôt autour de l'amusement, de la colère, de l'excitation... Rien de vraiment... Quoique je supposais que la colère était un sentiment profond. Mais ça n'avait aucun lien avec un sentiment véritablement positif envers moi.

En tout cas, il m'abandonna une nouvelle fois et je serrai les poings pour ne pas montrer que ça faisait mal. Sûrement qu'il était allé chercher mes affaires pour me les balancer dessus. Je commençai à me redresser, sans mains, c'était un peu bizarre mais il revint alors avec tout un changement de bougies et d'encens. Et il se mit même à fumer. Bien sûr, de suite, toute la fumée se redirigea vers moi, je fermai les yeux quelques secondes pour apprécier le bienfait que ça commençait à me faire.

Et je me rallongeai tout en l'écoutant. Ah, donc c'était des bêtises de penser ça ? Je pouvais réellement avoir des sentiments pour lui sans que ça le dérange ? Tout de même, il était un peu contradictoire, puisqu'il avouait encore qu'il m'avait choisi justement parce que j'étais... moi. Et ce n'était pas mon sujet préféré non plus. J'haussai mon épaule.

-Maman a déjà fait pire. Et elle m'aime. C'est normal, j'ai l'habitude... que les gens que j'aime bien que me fassent du mal. Maman, toi...

Je grimaçai.

-Et non, je ne suis pas masochiste. J'ai juste une haute tolérance à la douleur maintenant. Quelque part, ça nous rendra service si tu me punis encore un jour.

Je dirais plutôt que j'étais fataliste et dépressif mais que même si je ne me soignais pas, au moins, ça ne se voyait pas. Et je ne comptais pas tellement laisser Eirik remarquer que j'étais comme ça. Les dépressifs, ça faisait fuir les gens.

-Et puis, il parait que l'amour, ça ne s'explique pas, n'est-ce pas. Je t'aime bien parce que tu es toi. Tu as du caractère, du savoir, un bon physique, tu sens la neige...

Bon, pour le dernier point, peut-être que j'aurais dû me taire mais c'était ce qui faisait qu'il m'attirait aussi alors... Et puis, je n'avais plus rien à perdre. Je laissai juste mon corps absorber encore et encore la fumée. Je me soignais lentement mais il fallait s'y attendre.

La conversation, même si elle n'était pas des plus faciles, me distrayait bien de mon état. Bien sûr, la fumée avait déjà réparé le plus simple mais mon dos semblait être dans un très mauvais état. D'ailleurs, j'évitais de bouger parce que j'avais l'impression que ma colonne vertébrale pourrait se casser. Et si ça arrivait, je me changerai forcément en fumée pour tout le reste de mon rétablissement. En tout cas, flatter un peu Eirik avait eu le don de le faire sourire et de ne pas laisser penser à de possibles autres punitions. Parce que non, personnellement, je n'en voulais pas. Et je taperai la première personne qui me dirait que je suis masochiste. Parce que ce n'était pas vrai. J'avais même été un enfant très sage mais avec ma maman, ça ne suffisait pas.

-J'aime que tu sentes la neige moi. Et oui, sérieusement, que veux-tu, j'adore la neige. Et ton odeur avec...

Je ne voyais pas pourquoi ça l'étonnait en fait. Il avait bien dû remarquer que la neige était un thème récurrent avec moi. Si j'avais eu des mains, j'aurais joué avec ses cheveux d'ailleurs. J'avais toujours son goût sur la langue...

La suite me laissa un peu pantois. J'avais fait ça, moi ? Ne plus le laisser me faire du mal à ce point ? Mais alors quand devais-je l'arrêter ?

-Alors qu'est-ce que je suis sensé te laisser me faire ? Sans limite, je vais être un peu perdu.

C'était déjà le cas d'ailleurs. S'il avait envie de me punir en m'obligeant à faire l'animal de compagnie avec un collier et à marcher à quatre pattes... Hum, moi, ça, je ne le voulais pas. Je savais qu'on était pas égaux. On ne pouvait pas l'être, et ce qui pensait que dans un couple, les gens étaient réellement égaux, ils étaient stupides. Il y en avait toujours un plus dépendant de l'autre.

Mes pensées s'éparpillèrent alors dans tous les sens pour me montrer des exemples, même chez les animaux, avant que je finisse sur la qualité des strates de terre de l'île, la colonie de termites que j'avais vu près des serres, qu'il manquait un toboggan sur la plage et même toute une aire de jeux, qu'il se passait des drôles de choses dans le cimetière puisque j'y avais entendu de la musique.

-Tu veux encore qu'on parle de ma maman... Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Tu n'aimes pas du tout ma maman.

Je me mordis un peu la lèvre alors que ma colonne faisait comme un claquement. La fumée avait réparé quelque chose... Mais ça faisait mal.

-Maman n'avait pas prévu d'avoir un enfant. Elle a fait de son mieux. Je te l'ai dit, je crois, je n'apprenais pas assez vite pour elle. Quand ça l'exaspérait ou que ça l'énervait, elle me faisait faire ce que j'ai fait pour toi tout à l'heure. Et elle me punissait.

Je me mit lentement sur le ventre, repoussant les draps avec mes coudes pour laisser mon dos à l'air libre. Ce n'était pas le moment pour laisser la couverture collait à mes muscles. Parce que oui, je me doutais que mon épiderme et même mon derme avaient en partie disparu et pas que... Mais je changeai de pensées parce que ça, ça me déprimerait.

-Elle était gentille comment ta maman ?

Je ne voyais pas pourquoi il prendrait mal cette question.

Ah, enfin un rire. Dès lors, je me détendis un peu plus même si j'avais mal. Ça lui allait bien de rire, franchement, je devais m'arranger pour qu'il le fasse plus souvent. Je n'aimais pas qu'il puisse être triste à cause de moi. De toute façon, les émotions négatives à cause de moi, c'était pas mon délire... Enfin, je disais ça mais je l'avais quand même poussé à se mettre en colère. C'était fait et je ne pouvais pas dire que je ne l'avais pas un peu cherché.

En tout cas, j'était plutôt d'accord sur son idée, ne plus utiliser son eau, avec joie. Surtout que j'avais du mal à me soigner puisqu'elle était magique. Après, ça laissait le reste plutôt flou quand même, il avait beaucoup de possibilités mais je n'avais pas envie d'en parler maintenant. Mais plus tard, ça ne serait pas un mal. J'avais besoin de se reposer un peu au calme ou du moins sans penser à ça.

-D'accord, plus d'eau. Ce sera tant mieux... Je me sens tout épuisé, ça me vide de mes forces.

Et c'était surtout pour ça que je prenais autant de temps pour me soigner. A mon invitation pour parler de sa maman, Eirik eut l'air d'hésiter. Étrange, parce que j'étais certain que sa mère n'était pas comme la mienne. Bon, sûrement sévère, quand même mais pas prête à faire autant de mal que la sienne. Il se fit même servir à boire par son eau... De l'alcool. A croire que les parents, c'était le pire des sujets comme lui comme pour moi. Je le laissai boire, de toute façon, à ce stade, j'utilisai la conversation pour ne pas m'endormir. Surtout qu'il était un peu en retard dans ses réactions...

-Ma berceuse, c'est moi qui me la suis faite, maman n'a jamais chanté pour moi. En fait, je vivais seul dans notre maison du Qatar. Elle préférait vivre ailleurs.

La femme était belle... Très belle. Normal que Eirik soit pas si mal. Par contre, monsieur Rouge était un peu trop tatoué à mon goût. Surtout sur le front là, ça lui donnait un front vraiment trop large...

-Elle était très jolie. Ma maman l'est aussi. Mais je ne pourrais pas te montrer, je n'ai aucune photo d'elle. Elle ne voulait pas que j'en ai.

Je sentais que je me faisais un derme... C'était chouette.

-Tu as combien de frères et de sœurs ? Si tu as d'autres questions, vas-y.

C'était la seule autre question que j'avais. Je m'en fichais pas mal du reste. Je frottai mon nez à sa peau, lui sourit.

Moi j'aimais bien le fait que ses cheveux soient plus blancs que rouges. En même temps, être avec un homme avec la même couleur de cheveux que moi m'aurait fortement perturbé. Mais sans qu'il le dise, je savais qu'elles étaient naturelles, rien qu'au toucher et j'y avais touché à sa chevelure la dernière fois qu'on s'était vu. Dommage que je sois pas en état pour qu'on puisse faire... Hum, je recommençais à penser comme les gens hormonaux, pas bien ça. Je me mis à réciter les décimales du nombre pi tout en écoutant la suite de ce qu'Eirik avait à dire.

Même s'il ne le disait pas, au ton de sa voix, je comprenais qu'il avait vraiment un problème avec ma maman. Que je ne comprenais pas du tout. En même temps, je ne m'étais jamais pensé sur le vrai modèle d'une famille et de ce qu'elle devrait être. Du coup, je ne ressentais pas de manque puisque je ne faisais pas de réelles comparaisons. Et puis, il fallait de tout, je ne me trouvais pas spécialement malheureux et j'avais vite appris à me débrouiller seul par moi-même pour me nourrir. Quelque part, ma maman m'avait donné les armes pour ne dépendre que de moi-même.

-Je suppose que tu peux dire ça. Mais comme je n'ai jamais cherché à comparer mon existence avec celle d'une autre personne, je ne peux pas valider un avis pour ou contre. Ce serait purement subjectif et ça ne correspond pas à ma façon de penser.

D'autres auraient dit de me distancier de la réalité. En tout cas, l'humeur d'Eirik n'était plus la meilleure qui soit. Je me demandais si c'était le lien qui me faisait dire ça ou si j'arrivais si bien à lire ses expressions, ce qui serait surprenant vu que nos liens restaient assez récents. Mais après, j'avais fais quelques études comportementales sur les mâles dominants... Je me perdis en repensant au rapport de deux milles pages que j'avais fait que pour moi.

-Mon papa était un humain. Il est mort quand j'ai eu... une soixantaine d'années. Des fois, je vais voir sa tombe. C'est de lui que vient ma passion pour les livres, il était archiviste à Paris. C'est aussi à cause de lui que j'aime autant le thé.

Je souris tristement, il me manquait. Les dernières années de sa vie, j'étais resté avec lui. C'était à cette époque là que j'avais pris son nom.

-Il était follement amoureux de maman le pauvre. Mais c'était mignon à regarder.

Je sentis que je pouvais enfin recommencer à bouger mon dos comme je le voulais. La nouvelle peau était un peu sensible mais c'était bon d'en avoir à nouveau une.

Eirik admirait mon papa ? Ouah, ben dis donc. C'était rare qu'un vampire ait un quelconque égard envers leur nourriture. Par contre, comment pouvait-il être si sûr qu'il ne supporterait pas ma maman ? Franchement, le fait qu'il soit aussi catégorique me laissait perplexe à ce sujet. Maman était belle et très charmante. Et elle n'était pas méchante avec tout le monde, loin de là. La relation de mes parents avait été assez compliqué. Papa ne voyait maman que quand elle venait me déposer et me reprendre de ses soins. En général, elle restait une nuit à chaque fois. Papa s'en contentait.

Je me serai presque senti rougir si mon sang n'était toujours pas figé dans mes veines en attendant que mes mains et mes poignets reviennent. Bien sûr que si, il aurait trouvé. Peut-être pas aussi vite parce que je n'oubliais pas que l'un comme l'autre, nous n'étions pas arrivé depuis longtemps mais il aurait trouvé. Comme les ornithorynques arrivaient à trouver des nids pour faire leurs bébés. De très étranges animaux ceux-là d'ailleurs puisqu'ils n'avaient pas de mamelles mais que le lait coulait sur leur ventre par de petites ouvertures...

-Je ne suis pas timide, je suis pudique, rien à voir.

J'étais sûr qu'il avait fait exprès de dire ça. Rien qu'à la façon dont il venait de m'enlacer et son espèce de sourire commercial habituel. Le pire, c'était que j'avais envie d'un câlin alors j'aurais bien aimé qu'il me serre davantage.

-C'est toi qui est un exhibitionniste. Je sais que tu es beau.

Mais peut-être qu'il aimait être souvent complimenter. Hum, c'était pas trop mon truc, on plus, si j'osais me lancer dans des métaphores, elles seraient si étranges qu'il me regarderait pour rire ensuite. Il ne valait mieux pas que je me lance dans l'aventure. Par contre, je levai la tête pour l'embrasser et mordiller sa lèvre inférieure. Pas sûr qu'il voulait se goûter sur ma langue après tout.

-J'ai remarqué que souvent, dévoilé c'est mieux que tout montré. En tout cas, moi, ça m'excite bien plus.

Qu'est-ce qui me prenait de lui donner des armes pour mieux me rendre fou au lit ? Bon, au moins, je ne rougissais toujours pas. Mais j'eus le réflexe de me cacher le visage dans son cou. Il allait comprendre que j'avais trouvé ça gênant à dire. J'arrivais à me mettre vraiment tout seul dans les ennuis.