Il avait fini là parce que... En fait, il ne savait pas. En vérité, sa première pensée avait été de s'enfermer dans sa chambre pour se cacher du monde un temps. Mais quelque part, il avait eu peur que son professeur aille jusqu'à l'y chercher alors il avait fini non loin. La vue était magnifique mais il n'était pas encore assez calme pour la contempler et trouver du plaisir à ce paysage hivernal splendide. Il se laissa tomber sur un banc, resserrant inutilement son manteau autour de lui après avoir posé l'étui contenant son violon près de lui. Il tremblait et il s'en voulait d'être si faible, si... Non, il ne fallait pas qu'il parte par là, ces pensées finiraient de le détruire et il s'était promis d'apprendre à être fort.

Du temps passa, beaucoup ou peu, Lawrence n'en avait absolument aucune idée. Les oiseaux enchaînèrent les visites pour le tirer de sa peine et tenter de le faire sourire. Ils y arrivèrent au bout d'un certain temps mais le jeune elfe n'était pourtant pas encore totalement capable de se reprendre. Ça avait été trop inattendu, trop surprenant et il allait devoir se faire à l'idée que puisqu'il ne pouvait pas se protéger mentalement, ça arrivait sûrement encore. Sauf que ce n'était pas juste et même s'il avait appris depuis longtemps combien la vie l'était, il s'était dit qu'elle lui donnerait peut-être un peu de repos... Sans doute que cela avait été trop demandé.

Il finit par poser ses yeux sur le ciel, inspirant et expirant à fond. Ses tremblements s'étaient calmé mais son impression de douce sécurité s'était complètement fissuré. Il se lécha les lèvres en secouant la tête. Il ne pouvait pas se laisser aller à ce point. Tout pouvait arriver, il fallait qu'il cesse d'oublier cette règle. Peu importe qui, personne n'était réellement sécuritaire. Personne n'était totalement digne de confiance. A force, ça allait rentrer.

Et comme pour faire le deuil, il se mit à chanter...

J'avais senti sa présence. Maksimilian n'avait pas une aura discrète, sûrement tout simplement parce qu'il ne savait pas la cacher. Je le laissai m'écouter, il l'avait demandé et puisque j'étais lancé, je n'avais aucune raison de m'interrompre alors que ça me faisait du bien. La chanson pourrait paraître un choix étrange, surtout lorsqu'on savait qui en était le chanteur mais je comprenais bien ce que cet humain avait voulu dire et je m'y retrouvais parfaitement. Je voulais sentir moi aussi. Me sentir chez moi avec quelqu'un qui m'aimerait et que j'aimerai en retour. Au fond, ce serait même l'une des plus belles choses qui puissent m'arriver.

Lawrence vit son camarade descendre lentement sur le balcon, probablement pour ne pas l'effrayer. Mais après ce qu'il venait de vivre, il doutait tout de même que l'ange déchu puisse faire pire. Et même qu'il puisse avoir envie. Pas qu'il le connaissait si bien, ce n'était que la deuxième fois qu'il le voyait mais jusque là, Maksimilian ne lui avait pas donné l'impression de lui vouloir du mal. Pas plus que le professeur dirait certains. Il fallait qu'il arrête, il allait se coller un mal de crâne.

-Bonjour Maksimilian. Ça peut aller, merci et toi ?

Bien entendu, il n'allait pas mentir, ce n'était pas la forme et de toute façon, il était conscient que cela se voyait sur son visage. Néanmoins, comme son camarade souriait, le jeune elfe esquissa un sourire un peu timide mais qui n'atteignit pas ses yeux. C'était déjà mieux que rien. Il observa l'ange se poser et s'appuyer contre la rambarde. Avec ses ailes, cela donnait une très belle image, vraiment et quelque part, ça lui mettait du baume à l'âme.

-Je sentais ta présence. Je suis content que cela t'aies plu, tes compliments me font vraiment plaisir, merci.

Il fronça un peu les sourcils.

-Tu as de la neige dans le col. Serais-tu tombé ? J'espère que tu ne t'es pas fait mal...

Lawrence se leva pour aller vers Maksimilian, plus attentif pour trouver des blessures qui heureusement étaient inexistantes. Il s'était un peu emballé, ce n'était pas parce qu'il avait été blessé mentalement que tout le monde allait avoir mal aujourd'hui. Il se moqua un peu de lui-même intérieurement même s'il était soulagé également. Il s'appuya à son tour sur la rambarde, les yeux sur son vis-à-vis et en même temps sur le paysage qui s'étendaient autour d'eux.

-J'ai rencontré mon professeur de musique...

Mais au final, il ne savait plus quoi penser de cette rencontre... La peur lui donnait un goût amère. Il rangea une mèche de cheveux, essayant comme d'habitude de cacher sa sensualité trop - beaucoup trop - débordante.  

Au vu de son sourire, Lawrence voulait bien croire Maksimilian. Celui-ci avait juste l'air un peu fatigué mais rien de grave et c'était ce qui comptait le plus. Il le regarda retirer la neige de son col et cela lui tira un mince sourire qui se changeait même en doux rire. Il avait donc un bibliothécaire qui s'amusait à faire des batailles de boules de neige avec les élèves ? Voilà qui était fort surprenant, si on lui avait dit qu'un adulte faisait ce genre de choses aussi volontairement... Cela l'intriguait mais il aurait à voir ce sujet là plus tard.

En attendant, la présence de son camarade lui faisait un peu de bien, comme quoi, cela lui prouvait qu'il n'avait pas voulu être seul, juste échapper à son professeur.

-J'aurais aimé voir cela. Il semble donc que le bibliothécaire soit un peu spécial... En fait, nous le sommes tous à notre façon.

Sauf que j'aurais préféré ignorer ce côté de mon professeur. Je finirai par m'en remettre, je pensais avoir assez de forces pour ça, pour autant, j'espérai ne plus jamais avoir à le vivre. Je ne comprenais pas qu'il puisse faire une telle chose à ses élèves alors que ceux-ci devraient pouvoir avoir confiance en lui. J'avais beau tordre le problème dans tous les sens, je n'y voyais pas de solutions. Et je devais m'avouer que je n'avais aucune envie de lui faire face seul à seul à nouveau. Parce que je n'avais aucun moyen de savoir la façon dont il me traiterait après ma fuite de plus tôt.

Evidemment, la façon dont il l'avait dit avait interpellé son camarade. Lawrence ne voulait pourtant pas que l'ange ait une mauvaise image d'un de leurs professeurs mais ce n'était pas de sa faute tout cela. Pourtant, il se sentait coupable... Et il se détestait un peu pour ça. Il se lécha les lèvres, rangea une mèche, ce qui montrait clairement qu'il était nerveux.

-Il... Il a envahi mon esprit. Il disait qu'il serait patient et au final, alors que j'essayai de lui en parler un peu, il... Il a fait ça.

Il détourna la tête. Son dégoût pour lui-même augmentait alors qu'il se sentait honteux d'en parler. Il n'avait rien fait ! Mais il avait beau le savoir, rien n'y faisait, son éducation se faisait plus forte que le reste. Il recommença à trembler alors pour essayer de cacher cela, il agrippa fermement la rambarde.

-Je ne comprends pas... Je voulais lui faire confiance et...

Il avait un peu de mal à respirer en parlant de cela. Normal, il n'était pas sensé pouvoir se plaindre. Tous ses mécanismes d'éducation étaient en train d'essayer d'étouffer ma liberté de penser et de s'exprimer.  

En général quand quelqu'un commençait son discours de cette manière, la suite était toujours mauvaise et Lawrence sentait que ça n'allait pas du tout lui plaire. En fait, peut-être qu'il aurait dû retourner dans sa chambre, au final. Pourtant il écouta la suite les questions de Maksimilian et secoua la tête. Il avait vu que l'ange avait fait un mouvement pour le toucher mais heureusement, il s'était finalement abstenu, sinon, il aurait été complètement fichu. Et l'idée de se soumettre à son camarade, si au moins elle ne lui faisait pas peur ne lui disait rien du tout puisqu'il le connaissait à peine.

Lawrence s'éloigna un peu de lui, en tenant toujours fermement la rambarde et le regarda. Il savait que son vis-à-vis n'avait aucun moyen de comprendre à quel point que dès qu'il était avec quelqu'un, il devait lutter contre lui-même pour ne pas faire l'esclave. Il inspira à fond, il fallait qu'il réussisse à s'expliquer. Même si ça ne plairait pas à Maksimilian sans doute. Sauf que celui-ci continua à lui donner son point de vue après un instant de flottement. Et le pire, c'était qu'il essayait d'être rassurant mais l'elfe ne voyait pas en quoi il tentait de l'être.

Je me demandais réellement s'il se rendait compte de ce qu'il disait. Il avait beau être un professeur, monsieur Ishirama n'aurait jamais dû se permettre un tel acte sans autorisation. Je supposais que c'était parce que cela ne lui était pas arrivé, qu'il n'avait pas eu ma vie... En tout cas, son avis en disait long sur sa façon de penser. Non, les adultes n'avaient pas toujours raison, peu importe leur statut. On finissait par l'apprendre durement. Se rendre compte que les adultes ne sont pas toujours fiables et ne veulent pas toujours notre bien, c'est douloureux. Tellement de choses pouvaient l'être. En tout cas, maintenant qu'il avait fini son petit discours, il fallait que je parle. Il méritait d'entendre mon point de vue à défaut de pouvoir le comprendre entièrement.

-Comment aurais-je pu lui donner l'autorisation de le faire alors que je ne savais même pas qu'il pouvait s'introduire dans l'esprit des gens ? Je venais à peine de le rencontrer, comment pourrais-je savoir tous ses talents ?

Déjà ceci remettait un peu les choses dans les rails. Mais venait la partie la plus compliquée et Lawrence retourna s'asseoir, serrant le banc glacé pour... pour s'accrocher à quelque chose, tout simplement.

-Ensuite, je ne sais pas dire non. Toute mon éducation a été basé sur le principe que je dois m'offrir. Je ne sais pas ou plutôt je ne peux pas dire non. Ça ne m'est pas encore possible. Et c'est en cela que c'est le pire, parce que je n'ai absolument aucune défense, Maksimilian. Présentement si tu me touchais pour... Je serai incapable de t'arrêter.

Je ne pouvais pas le regarder en disant cela. Ça faisait déjà tellement mal, j'avais presque l'impression qu'on m'arrachait le cœur. Tout ça parce que je n'étais pas sensé en parler comme je le faisais actuellement et que je repoussais mes limites pour qu'il voit, qu'il sache que pour moi, ce qu'avait fait mon professeur n'était pas rien.

-Et tu as raison quand tu dis que m'avoir touché n'est pas la même chose que ça. Ton esprit, le mien, c'est quelque chose d'intime, personne ne devrait penser avoir le droit d'y toucher juste parce qu'il est supérieur à toi ou moi. Oui, c'est un professeur, mais ça reste... un viol. C'est intime, privé, cela devrait être uniquement à moi et je ne devrais pas avoir à le défendre contre quelqu'un à qui je devrais pouvoir faire un minimum confiance. Surtout alors que j'essaie de lui parler de mon histoire et qu'il a déclaré qu'il serait patient.

Lawrence tremblait quand même. Il n'avait jamais autant parlé de sa vie par ailleurs. Il n'était même pas sûr que l'ange écoutait tout mais il allait finir comme ça, il n'aurait au moins pas fui là dessus, il aurait tout dit et au final, il aurait peut-être avancer un peu.

-Qu'importe qu'il n'ait pas cherché à savoir autre chose à ce moment là, le simple fait que je ne sache pas dire non et qu'il n'ait pas demandé d'autorisation... Le pire c'est que je suis la victime mais que je me sens coupable et sale alors que je n'ai rien fait.

Et le discours de l'ange n'avait rien arrangé au final. Il avait envie d'aller prendre une douche et de se laver encore et encore. Mais il se retenait. Il était là pour se battre, pas pour abandonner dès la première grosse difficulté.

Il devait sérieusement inquiéter l'ange pour que celui-ci abandonne son poste à la rambarde et vienne s'accroupir devant lui. En gardant ses mains pour lui, bien heureusement. D'ailleurs, il semblait avoir bien compris, Maksimilian, qu'une distance de sécurité était une bonne chose à tenir avec lui et c'était déjà au moins ça en moins sur la liste plutôt longue de Lawrence. En même temps, il ne devrait normalement pas avoir du mal à faire respecter son espace vital, les gens n'aimaient pas se toucher surtout quand ils ne se connaissaient pas.

Il leva les yeux pour les mettre dans ceux de l'ange qui tenait tant à le calmer. Ça viendrait, il faudrait juste qu'ils cessent de discuter de choses aussi difficiles pour lui. Cependant, il avait réussi à faire comprendre son point de vue à son camarade. Pas qu'il avait cherché à réellement le convaincre de qu'il avait raison, ça n'avait pas été son but, non, il avait juste voulu que l'ange puisse comprendre comment il avait vu et comment il avait vécu la situation. Il pouvait être fier de cela au moins aujourd'hui, même si ça aurait été juste bien que cet incident n'arrive pas tout court.

-Rien ne me dit qu'il ne recommencera pas. Au contraire, même, comme je me suis enfui, il voudra tout de suite savoir pourquoi... Je ne sais pas du tout comment débloquer ça...

Peut-être devrais-je m'expliquer par mail ? En fait, c'était même une plutôt bonne méthode puisque cela m'empêcherait d'avoir à trembler devant mon professeur. Je n'avais pas envie de le revoir de sitôt en tout et Maksimilian avait beau dire, j'avais beau le savoir, j'avais l'impression que ma peau grattait à un point dérangeant. Sauf que prendre une douche ne résoudrait pas le problème, ça ne ferait même que l'entretenir. J'aurais aimé ne pas avoir ce tic, je savais que je finirais par céder... Mais peut-être que j'arriverai à ne pas trop frotter... Cette journée me semblait déjà trop longue...

Et ce même si l'ange prenait la chose au sérieux et essayer de le réconforter. Il avait d'ailleurs une drôle de façon de s'y prendre, à la fois froid et compatissant. Ça devait être une première pour lui, à l'humble avis de Lawrence. C'était brut de décoffrage mais c'était aussi attendrissant de savoir que son camarade faisait un tel effort pour lui.

-Je lui enverrais un mail... Je ne suis pas prêt à le revoir de suite.

Autant éviter l'attaque de panique.

-Et ce n'est pas que je ne veuille pas être franc mais... Là encore, je ne suis pas sensé parler de tout ça. Et encore moins parler de moi. Je ne souhaite à personne ce que j'ai vécu, être formé pour être ce que je suis... C'est enlever tellement de liberté. Quand je te vois avec tes ailes, je me dis que tu ne dois comprendre à quel point tu es libre... Mais je te rassure, je ne t'en veux pas pour cela. J'aime ton insouciance.

Et savoir qu'il l'entachait un peu avec ses histoires lui déplaisait mais il ne pouvait pas non plus laisser Maksimilian complètement ignorant, surtout si l'ange voulait continuer à le fréquenter. Il remarqua les joues roses de son camarade, son sourire et le lui rendit. Il avait cessé de trembler et voulait aussi changer de sujet alors quoi de mieux que de rebondir sur ce que son vis-à-vis avait dit.

-Il faudra qu'on essaie de faire une bataille nous aussi. En plus, il y a une patinoire, de ce que j'ai entendu. Je n'en ai jamais fait.

Je me levai pour le rejoindre en évitant tout de même de me mettre sur la trajectoire de sa fumée. L'odeur ne me plaisait pas vraiment et savoir qu'il se faisait du mal avec cette chose encore moins. Mais c'était sa liberté et je serai certainement le dernier à lui dire ce qu'il devait faire. Ce n'était pas ma place et très sincèrement, je ne voulais pas de cette place. J'apprenais encore à prendre soin de moi de façon correcte, je ne pouvais et ne voulais pas prendre en charge quelqu'un d'autre alors que j'étais capable de crises de panique.

Pourtant, Lawrence tendit une main légèrement tremblante et la posa sur la main libre de Maksimilian. Le contact était très léger, presque un effleurement.

-Merci, Maksimilian. Je vois bien que c'est la première fois que tu fais ça et j'apprécie. Je ne laisserai pas mes peurs gagner, je te le promets.

Il avait un peu oublié de brider sa sensualité mais bon, l'ange n'allait pas y réagir de toute façon.

-Avec plaisir, Maksimilian. Il faudra profiter des week-end pour ça.

Mais Lawrence avait hâte d'essayer un peu tous ces sports d'extérieur qu'il n'avait jamais pratiqué. Comme il avait toujours été gardé à l'intérieur du Centre, il se prenait encore et encore à découvrir les paysages. Ils étaient infinis et chacun beau à leur façon ; celui lui faisait un bien fou d'en voir toujours plus du monde au lieu de l'imaginer appuyer contre les barreaux de sa fenêtre au Centre. Il avait même vu quelques grandes villes avec ses parents adoptifs, de nuit, du haut de buildings. Ils avaient préféré éviter de marcher dans les rues en sachant que leur fils aurait dû mal avec les contacts physiques.

-Tu ne m'as pas dit d'où tu venais ? Tu dois te douter que de mon côté, je ne m'en souviens pas.

En fait, il se souvenait très peu de sa famille elfique. Il ne ressentait même pas de véritable manque par ailleurs, ce qui était tant mieux quelque part puisque cela aurait pu le rendre fou pendant sa captivité.

-Je suppose que c'est un pays froid, tu as l'air de bien supporter l'hiver à côté de moi.

Il fallait dire qu'il avait vécu dans un lieu clos avec une température constante de vingt-sept degrés et nu. Rien à voir avec ce présent avec du vent, un espace ouvert et une température qui devait avoisiner les moins deux degrés. Il eut un doux rire à la réplique de Maksimilian. Il trouvait leurs professeurs si originaux que cela ? Il avait dû vivre un peu isolé alors, il en avait vu beaucoup des énergumènes même si peu à peu, ils s'étaient fait mater eux aussi par le système du Centre. Tout ça pour dire qu'il n'était pas surpris par la variété et la disparité et qu'il l'accueillait même volontiers.

-Allons, si nous avons le droit d'être spéciaux, ils ont aussi le droit de l'être, non ? Et puis, je trouve que ça va bien à l'école de ne pas avoir des créatures qui pourraient être dites "normales" chez les leurs. J'aime les surprises.

Même si elle ne pouvait pas être toutes bonnes, je le concevais. Et alors que je pensais que le moment pour Maksimilian était passé, il revenait un peu en arrière. Comme quoi, cela devait vraiment le travailler de me voir ainsi. J'aurais sans aucun doute à faire plus attention. Et puis son regard étonné par ma main sur lui me troubla un peu. Il avait dit que je pouvais non ? A moins qu'il pense à des choses étranges... Non, ce devait simplement être sa gêne d'être si rassurant qui devait lui déplaire un peu. Pourtant, je lui poserai la question, je ne voulais pas le forcer à subir mon contact.

-Je le ferai. Néanmoins... Est-ce que le fait que je te touche te gêne ? Je ne voudrais pas... te forcer tu sais.

Le jeune elfe retira sa main, rompant le contact ténu.

La Russie ? En effet, la température devait même lui paraître plutôt bonne ! Lawrence savait que là-bas, cela pouvait descendre jusqu'à moins quarante, surtout au plus proche du cercle polaire. Rien que d'y penser, il en frissonnait de froid même s'il n'y avait pas été pour constater à quel point cela pouvait être mordant. Mais le jeune elfe avait beaucoup d'imagination, il avait dû en développer pendant son temps là-bas pour ne pas finir morose et déprimé. En tout cas, il se sentait plutôt enthousiaste maintenant.

-Il parait que c'est immense, avec des étendues toutes couvertes de neiges et de glaces. As-tu vu des ours polaires ? Et des renards arctiques ? Il semble trop mignons sur les photos que j'ai trouvé dans les livres.

Oui, les animaux et lui, c'était une grande histoire d'amour. En fait, c'était ce qui l'avait aidé à si bien récupérer de sa captivité. Il avait toujours trouvé des bestioles avec qui discutaient lors de ses sorties autour de la demeure de ses parents adoptifs. D'ailleurs, à défaut de pouvoir parler de la forêt de son enfance, il pouvait parler de Brocéliande. Il secoua la tête, se traitant un peu d'idiot. Il aurait pu y penser plus tôt mais c'était si nouveau pour lui cette nouvelle famille. Du coup, il avait presque l'air penaud.

-Je viens de me rendre compte que même si je ne peux pas te parler de mon enfance, je peux parler de mes parents adoptifs et de là où je vis avec eux... J'ai encore un peu de mal à intégrer que leur maison est aussi la mienne. Nous vivons en France, dans la forêt de Brocéliande. Et j'y ai beaucoup d'amis animaux.

Il lui raconta un peu comment il voyait la forêt, le bruissement des feuilles qui chuchotaient l'empreinte magique laissée par des siècles de druides, les cairns au détour des chemins, les quelques dolmens couverts de mousse qui continuaient de se dresser fièrement malgré leur habit végétal, les quelques autels délabrés dont certains vibraient encore de tellement de vie qu'on pouvait se demander ce qu'il y avait fait. Mais la forêt n'était pas habitée par d'autres choses que des animaux, eux-mêmes vivaient à la lisière. Et il avoua avoir demandé pourquoi à ses parents, ce à quoi ils avaient répondu : "Personne ne veut déranger Merlin et Viviane."

Et puis il me rassura en me disant que si, je pouvais bien le toucher et son sourire large après mon rire était très mignon. Il était sensible à la bonne humeur des gens autour de lui et je ferai de mon mieux pour m'en souvenir. Je ne voulais rendre personne triste au fond. Par contre, quand il posa sa main sur la mienne, je sentis un énorme frisson me parcourir. Ça ne faisait pas mal mais je devais résister. Heureusement, le toucher de Maksimilian n'avait rien de sexuel ou de dominateur où j'aurais mis genoux à terre avant même de l'avoir compris. Et je ne doutais pas que cela l'aurait choqué. Et paniqué. Il ne fit pas durer le contact mais je me rendais compte que ça allait. Que cela, je pouvais le gérer.

-Ça va... Ton toucher n'a rien d'agressif ou de dominateur. Et comme tu n'as pas envie de moi, c'est juste comme... Comme quand mon père adoptif me touche. C'est bien... En fait, ça veut dire que ma soumission est bel et bien relié à un caractère type.

Il secoua la tête, sourit. Il remit sa main sur celle de l'ange, la posant juste dessus. Se faisant à la chaleur qu'elle dégageait. Ils avaient la peau aussi pâle l'un que l'autre. Bien que la sienne ait des reflets quelque part, de par sa nature.

-Je pense que tant que tu ne fais que ça pour le moment, ça ira très bien. Tu sais, ce n'est pas que je déteste qu'on me touche. C'est que je déteste ce que je deviens selon la personne. Je ne veux pas être un jouet.

Et je ferai tout pour ne pas en être un pour qui que ce soit.

Il se laissa bercer par la jolie description de Maksimilian bien qu'elle ne soit pas si détaillée que cela, à l'entendre, on savait qu'il aimait son pays et que même s'il était content d'être ici, il éprouvait un petit manque. Vu comment il évitait le sujet, ce devait sans doute être à cause de ses parents qu'il était parti de chez lui sans vraiment de regrets. C'était dommage quelque part, les parents devaient être ceux qui vous aimez et vous protégez de tout, pas vos bourreaux. Pourtant son vrai père avait été le sien et l'ange devant lui essayait d'essayer aux siens.

En tout cas, l'air nostalgique de son camarade le touchait, il était vraiment dommage qu'il ne puisse tout avoir mais c'était finalement le lot de tout le monde que de devoir choisir encore et encore. Enfin, dans tout cela, ce qu'il aurait voir c'était les aurores boréales. La façon dont elles devaient illuminer le ciel était sûrement à couper le souffle.

-Un jour j'irai. Les elfes vivent bien assez vieux pour que au moins une fois dans ma vie, je puisse voir cela de mes propres yeux. Et pas que cela d'ailleurs. Je veux voir aussi des îles, les tropiques, les plaines désertiques...

Le monde, tout simplement. Après tout, n'étant plus un elfe comme un autre, il pouvait bien se permettre de voyager comme il l'entendait. Alors qu'habituellement sa race était plutôt sédentaire et surtout très attaché à sa forêt.

-Si on y va ensemble, je demanderai aux renards de jouer un peu avec nous.

Il rit doucement, ce serait sûrement quelque chose. Ceux de Brocéliande étaient très joueurs alors avec un peu de chance, leurs cousins arctiques le seraient aussi. Bien qu'il n'avait pas encore parlé de son talent envers les animaux alors ce qu'il venait de dire devait sembler un peu étrange à Maksimilian.

Je m'étais tellement habitué à parler aux animaux et surtout à les écouter que mes parents adoptifs avaient compris mon don sans que j'ai besoin de l'expliquer. Mais forcément, face à quelqu'un qui me connaissait depuis quelques jours, et encore, quelques heures par jour où l'on s'était croisé, je devais paraître un peu fou. Ce fut ce moment que choisit un pinson pour venir se poser sur la rambarde et venir finalement se mettre sur ma main qui n'était pas sur celle de l'ange. Et il se mit à me parler du froid comme si d'ailleurs mon camarade n'était pas là.

-Il semble que l'on veuille m'aider à illustrer mon propos. Je suis capable de communiquer avec les animaux. Tous les sons qu'ils produisent me viennent comme des mots et ils comprennent parfaitement les miens.

Je demandais très gentiment et poliment au pinson d'aller se poser sur l'épaule de Maksimilian pour quelques secondes, ce qu'il fit pour tout de même rapidement revenir sur ma main. Du coup, je dus utiliser l'autre, interrompant mon contact avec l'ange et je sortis des miettes de pain d'un mouchoir que je le laissais picorer. La faim d'un oiseau avant tout.

Sympa, vraiment ? Il avait bien remarqué que l'ange était plutôt franc et sans réserve mais qu'il lui avoue si facilement qu'il le trouvait même "super sympa", ça le surprenait un peu. Mais dans le bon sens. Il rosit tout en souriant, le pinson lui demandant ce qu'il se passait, ce à quoi il lui répondit rapidement. Et l'oiseau revint à son repas. Comme quoi, certains animaux n'étaient vraiment pas compliqués.

-Merci, je te trouve très sympathique également. Et je n'ajouterai rien de plus parce que je pense t'avoir assez gêné pour aujourd'hui. Es-tu trop fatigué ? Ce serait bien de découvrir une autre partie de l'école... Si le cœur t'en dit.