Les directeurs avaient été formels. Pas de tueries, pas de violence sur les élèves ou le personnel. Je les avais écoutés en silence après être arrivé dans leur bureau par le portail. La lumière du jour qui filtrait au travers des fenêtres me fit plisser les yeux. Déjà, je savais que cet endroit allait m’énerver. Il y a bien trop de soleil à mon goût ici. J’étais à moitié concentré sur ce qu’ils disaient et pour tout dire, je me lassais de les écouter. Jusqu’à ce que leurs paroles sur le terme obéissance et serviabilité me firent hausser un sourcil, je restais perplexe. Et je commençais à les envoyer promener sur leurs intentions vis-à-vis de moi. Bien entendu, ils n’apprécièrent pas. Je m’en moquais de ce qu’ils pouvaient penser. Si j’avais fini par accepter c’était surtout par ennui mortel, et parce que j’avais enfin trouvé un amusement avec ces deux-là, rien de plus. Je comptais les attaquer, je levais le poignet vers eux et exécutait une torsion avec en mimant le geste comme si j’arrachais quelque chose et le sorcier en face de moi leva simplement un doigt et je fus pris d’un éclair vif qui traversa tout mon corps et me paralysa. Je grognais et râlais sur eux. En temps normal, ce sort marche, alors pourquoi ça n’avait pas marché, même si j’avais été paralysé, ça aurait dû fonctionner.

Je pestais contre eux et ils m’expliquèrent qu’ils avaient diminués mes pouvoirs et placé un sceau pour éviter que je fasse un massacre dans l’école. Je serrais les dents, je détestais être en infériorité face à de tels énergumènes. Je les mis en garde que leur sceau ne fonctionnerait pas éternellement et qu’il en fallait plus pour m’entraver. Mon corps luisant un peu plus, je voulais leur montrer qu’ils avaient tords en prenant la forme d’un dragon, je voulais les bouffer. Mais tout ce que j’obtins fut autre chose qui me choqua. Mon énergie s’était rapidement diminuée et mon corps draconien n’avait absolument rien détruit. Et pire ! J’étais devenu un simple dragonnet ridicule. Quelle honte ! Moi, le plus puissant  dragon nécroman, me retrouvais sous une forme absolument ridicule.  Ils souriaient en me voyant, et je rageais encore plus. Ils finirent leur explication sur le sceau et le reste de l’école mais j’en avais trop entendu. Ils m’énervaient et me lassaient sérieusement. Alors je n’attendis même pas qu’ils finissent et je sautais par une fenêtre en brisant le verre.

Pourquoi en étais-je arrivé là ? Quelle humiliation… Je ne pouvais même pas encore prendre ma forme humanoïde du fait que mon énergie était au plus bas et qu’il me faudrait récupérer avant de pouvoir reprendre ma forme d’emprunt. J’avais couru un certain temps pour me retrouver dans une forêt où l’ombre des arbres était la bienvenue.  C’était agréable et surtout réconfortant. Je récupèrerai plus d’énergie s’il faisait nuit, mais je me contenterais de cela simplement. Attendant avec impatience la nuit. Je continuais à marcher jusqu’à entendre des gens discuter. Je me dirigeais vers eux inconsciemment et en fait je me fichais bien qu’ils me voient ainsi. J’étais peut-être un dragonnet, mais je n’en gardais pas moins mes capacités. Au tournant d’un arbre, je vis enfin les deux personnes qui discutaient, et je restais planté là en les regardant. De quoi pouvaient-ils bien parler ? Je n’en savais rien et m’en fichais totalement.  Je décidais de passer près d’eux et me trouver un coin pépère où je pourrais être au calme et me reposer un peu. Et un peu plus loin des deux personnes, il y avait un arbre avec une grosse racine qui était suffisamment relevée pour que j’aille me mettre en dessous. En creusant un peu… Ce que je fis d’ailleurs avant de tourner sur moi-même pour chauffer la terre meuble et creusée avec mon souffle de feu noir qui se dissipa ensuite. Je me posais en boule tranquillement pour roupiller.  

Une fois que je m’étais posé, j’avais l’étrange sensation de ne pas être à ma place ici. L’endroit respirait la vie et ça me mettait mal à l’aise. J’avais juste besoin d’un coin pour être tranquille et récupérer mon énergie pour reprendre ma forme humanoïde. Je n’étais clairement pas à ma place dans cet endroit et en prime l’aura que la demoiselle dégageait me faisait clairement comprendre qu’elle était plutôt du genre à être mère Nature. Elle respirait trop de vie et rien que sa présence n’était pas la bienvenue pour moi. J’ignore encore pourquoi j’étais venu jusqu’à eux, peut-être justement à cause de leur énergie qui était supérieure à toutes celles que j’avais croisé dans l’école jusqu’à maintenant. En plus de ça, l’accueil du loup qui grogne m’avait bien fait rire, comme si un loup avait une seule chance contre moi. Même sous cette forme, j’en aurais fait du hot-wolf pour le repas. La petite demoiselle avait bien eu raison de la faire s’éloigner de moi. Je n’étais pas d’humeur à quoi que ce soit.

Je levais les yeux pour regarder la jeune femme qui s’était approchée de moi pour me parler. J’ignore qui était Nessa ou même ce croque mimi mais je n’appréciais pas qu’on me touche. Ce qu’elle fit en me demandant ce que je pouvais bien être. Moi ? Un démon ? Quelle horreur, me confondre avec ces trucs immondes. Je levais ma patte gauche pour dégager sa main qui me caressait la tête et je plissais les yeux en grognant. Et autant dire que j’étais contrarié du fait que sous cette forme mon grognement était ridicule. Vraiment trop ridicule. Ca faisait petite bête apeurée et c’était totalement risible. Damnation ! Pourquoi j’en suis arrivé là !? je m’enfonçais un peu plus sous la racine et montrais les crocs.

-Hors de ma vue, femelle ! Ne me compare pas à ces immondices des niveaux inférieurs ! Lui répondis-je en la fixant d’un regard qui se voulait froid. Mais je savais que sous cette forme j’étais totalement ridicule et c’était éreintant. Sous ma vraie forme je fais bien plus peur, et pourtant, voilà à quoi je suis réduits, à une apparence mignonne et qui me donne la nausée. Ce sorcier qui m’a fait ça ne paye rien pour attendre. Je finirais par trouver un moyen de retrouver l’entièreté de ma puissance.

Ils se moquent de moi. Tous les deux ! Y compris l’espèce de chose aux cheveux bouclés qui sent extrêmement fort l’eau de mer. C’est clairement un outrage à ma personne, une provocation que je ne puis accepter. Et si la femelle croie qu’elle m’impressionne avec ses pouvoirs de la terre elle a entièrement tout faux. JE Suis le faiseur de mort, et PERSONNE, je dis bien personne, n’est en mesure de me ridiculiser de la sorte. Je crache du feu au-dessus de ma tête et saute en utilisant l’ouverture de la branche que la femelle à cassée pour passer de l’autre côté et retomber au sol calmement en m’asseyant tranquillement, un léger sourire. Bien qu’il soit difficile d’apercevoir un sourire sur ma face actuelle. Je les fixe tous les deux d’un air se voulant hautain, mais Ô combien ridicule sous cette misérable forme.

-Ho ! T’aurais-je vexé ?… Pourtant c’est le terme que vous utilisez pour les espèces animales en tout genre, non ? N’êtes-vous point des animaux ? Mes paroles, pourtant anodines, t’ont froissées à ce point ?

Je reste tranquillement assis en sentant l’énergie de la vie autour de moi qui afflue et me dérange profondément. Bien entendu, je ne le montre pas et garde ma prestance ‘divine’ en les fixant avec dédain.  Elle surtout, puis l’autre male qui sent la mer. Ils peuvent être dangereux, mais pas autant que moi… Sauf sous cette forme ridicule… En fait je sais qu’ils ne me prennent absolument pas au sérieux avec ma forme actuelle mais tant pis. Je ne peux décemment pas utiliser ma véritable force vu que je suis totalement à cours d’énergie pour pouvoir créer des morts actuellement. Finalement, je crois que je n’arriverais pas à me reposer, ni même à trouver ne serait-ce qu’une once d’énergie de l’ombre dans ce coin qui respire la vie à souhait. C’est vraiment dérangeant.

Le fait qu’ils demandent tous les deux ce que j’étais me parut complètement dénué de sens. Ce que je suis ? Cela ne se voit-il pas ? Je suis pourtant différent d’un simple lézard ou d’un de ces minuscules reptiles.  Décidément, les créatures de cette terre sont vraiment ignorantes.

-Outre ces ‘détails’, en effet, je suis sûr que vous savez ce que je suis. Hors cette apparence totalement ridicule et minuscule de ma véritable forme. Je doute que votre monde détienne des ‘lézards’ sachant cracher du feu ! Fis-je en laissant échapper quelques flammes noires de ma gueule.

-Les créatures de ta génitrice, toi compris, sont-elles toutes si ignorantes sur ce monde ?

Je regarde l’homme, si bien entendu le terme d’homme convienne, et fait un signe de tête vers lui.

-Toi, le mâle aux cheveux bouclés ! Tu es une créature des mers, et tu n’as jamais rencontré de mes semblables des profondeurs marines ? Que c’est étonnant… Et décevant ! Moi qui pensais que les Tritons, des créatures pourtant magiques, connaissaient un tant soit peu mon espèce…

Ce n’est pas parce que je suis sous une apparence si ridicule que l’on peut se permettre une telle moquerie envers ma personne. Et je ne tolèrerai pas qu’on se moque de moi plus longtemps.

J'en ai suffisamment assez de leur piailleries ridicules. Ils me souffrent et je n'ai qu'une envie c'est de m'en aller de cet endroit écoeurant. Ou y mettre le feu me paraît être une idée aussi. Je me demande ce que cette femme ferait si je brûlais sa forêt. De plus ils ne cessent de me provoquer. Attendent-t-ils vraiment que je me mette en colère pour voir ma véritable puissance? Misérables! Vous ne payez rien pour attendre à un tel outrage. Je les regarde sans rien dire. Me concentrant pour dégager un maximum de ce qui me reste d'énergie afin de tenter de former une zone de malfaisance mais la seule chose que j'arrive à faire c'est... Seulement dégager mon aura de mort. Avec ça je fais un piètre nécromancien. Fichu sceaux qui m'empêche d'utiliser mes vrais pouvoirs. Je me mets à grogner de mécontentement sur eux et dans ma colère je crache une boule de feu noire vers la femme et l'homme poisson.

-Il suffit! Cessez vos niaiseries ridicules! Je ne vous permettrais pas de me ridiculiser plus longtemps!

Mais si j'avais ne serait-ce qu'un minimum de ma puissance pour créer des morts autour de moi je l'aurais fait depuis longtemps, au lieu de ça une petite zone de 5mètres autour de moi fait flétrire le sol et fait mourir toutes plantes se trouvant dans le périmètre. Je ne supporte pas ces endroits plein de vie et je préfère encore m'en aller d'ici. Je n'ai pas d'autre choix que de m'en aller en laissant derrière chacun de mes pas des traces de flétrissures. L'aur que je dégage, même minime fait mourir tout ce qui se trouve autour de moi. Je déteste fuir. Mais je n'ai pas le choix. Je n'ai aucune chance face à eux dans un tel endroit. Attendez que la nuit tombe et nous verrons bien qui est le plus fort. En attendant je ne suis pas à mon aise. Je quitte donc la forêt au plus vite en laissant une traînée d'herbes et plantes mortes sur mon passage. Je finis par me calmer un tant soit peu au fur et à mesure que je coure vers la sortie de cette forêt. Je veux retrouver mon chez moi mes ténèbres, mes morts, ma forme humanoïde et mes pouvoirs. Tant pis si j'emploie des techniques de couards. Je n'ai malheureusement pas d'autres options. Mais je reviendrais en meilleure forme. Il faut à tout prix que je trouve un moyen de briser ce sceau de malheur.