Je continuais à chantonner, pour me fermer au monde et que personne n'ait l'idée de m'embêter pour m'empêcher de rentrer chez moi. Mais pourtant, une personne vint m'arrêter. Et cette personne, j'avais pensé ne plus la voir de la soirée. Et pour des semaines, des années, des millénaires... Je retins un soupir en levant les yeux. Qu'est-ce qu'il voulait ? Se moquer de moi ? C'était déjà bien assez fait, merci. Je n'allais pas pleurer devant cet idiot. Je serrai un peu les poings. Il osait me reprocher de l'avoir fait venir au bal ? Si j'avais su, je lui aurais dit de rester enterré dans son chalet !

-Tu es parti avant moi et en bonne compagnie j'aurais dit. La preuve, tu es débraillé. Tu t'es bien amusé ?

J'avais la voix plutôt acide, je n'allais pas étaler ma tristesse devant lui, ça lui aurait fait trop plaisir.

-Quant à ton frère, dont j'ai encore oublié le prénom d'ailleurs, je ne savais pas que c'était lui. Je voulais juste connaître mes collègues mais il est clair que j'aurais pu m'abstenir. Alors qui est l'impoli de nous deux, puisque tu n'es pas venu me voir alors que tu es arrivé après moi ?

Je baissai la tête et reculai pour que sa main ne soit plus sur mon épaule. Mais il me prit la main et m'entraîna sous un arbre. Je ne savais pas ce qu'il espérait en faisant ça mais s'il tentait quoique ce soit, je le frapperai. La tête baissée, je pris le temps de me calmer un peu, la colère n'était jamais une bonne chose et si je la laissai me conduire, j'allais peut-être prendre des décisions erronées parce que je n'écouterais pas correctement ce qu'il aurait à dire.

Je relevai enfin la tête, plus composé mais l'expression plutôt froide que d'habitude. J'avais mal. Je me demandais à quoi toute ma lecture intensive avait servi. Surtout que j'avais beau eu chercher, je n'avais rien trouvé à propos de cette histoire de principal. Et je n'étais pas retourné chez Eirik pour consulter les journaux. Peut-être que ceux-ci auraient pu m'expliquer. C'était trop tard. Il allait juste me dire qu'il avait trouvé ça amusant et que j'étais sûrement l'une des pires personnes à laquelle il aurait pu s'attacher.

Alors je profitai de sa fumée une dernière fois, le cœur très lourd et le cerveau presque... Tiens, pour une fois que mes pensées ne couraient plus dans tous les sens...

-Dis-le. Je me doutais que tu plaisantais. J'ai rien pour moi. Arrête de jouer. Et après, laisse-moi tranquille.

J'avais du mal à en revenir, j'étais plus ou moins en colère... pour ne pas être triste à pleurer et lui, il me poussait contre l'arbre qu'il nous avait poussés à rejoindre. Mais qu'est-ce qu'il croyait faire réellement ? Fini de me défouler ? Il était clair qu'il ne m'avait jamais vu réellement en colère, sinon il saurait que ce n'était pas ça ma manière de me défouler pour me calmer. D'ailleurs, je ne parlais pas quand j'étais en colère, je détruisais tout autour de moi, ressemblant plus à de l'acide vivant qu'à de la fumée.

Comme si j'allais l'empêcher de parler. Si je n'avais pas voulu le fin mot de l'histoire, il m'aurait été facile de lui échapper. Passer dans un autre plan et hop, fini. Je ne savais même pas pourquoi j'acceptais de perdre mon temps... Peut-être que j'espérais... Alors que je savais que ça faisait mal l'espoir. Je détestais l'espoir.

Donc... Il n'avait rien fait avec l'autre homme là ? Un appât pour me faire sortir de la salle de bal... Un simple geste aurait suffi. Je le reniflai. Tant pis si ça faisait impoli, pour une fois, j'en avais besoin. Et c'était vrai qu'il ne sentait pas le sexe et aucune autre odeur que la sienne d'ailleurs. Ça me calma un peu. Cependant, comment j'étais sensé savoir qui est-ce qu'il prenait pour manger, hein ? Je lui dis alors d'une voix calme et mesurée :

-Comment aurais-je pu le savoir ? Tu ne m'en as pas beaucoup parlé. Et c'est normal, j'étais fatigué mais tu ne peux pas me dire que tout est de ma faute. Tes goûts ne sont pas des lois.

Parce que je savais qu'une loi, même si on l'ignorait, s'appliquait si on l'enfreignait. Je perdis le fil de mes pensées alors qu'il me regardait sans son masque. J'avais le prédateur devant moi et je ne pouvais m'empêcher d'être fasciné. Et un peu intrigué aussi, pourquoi laissait-il tomber si facilement les apparences ? Pour me convaincre qu'il allait me dire la vérité ? En tout cas, j'étais sûr d'une chose, il n'était pas content. Mais on était un peu deux sur ce coup là.

Sael... Néphilim... Ah, oui, monsieur Néri. Je me demandai ce qu'il avait contre le blond qui même s'il était du genre laconique n'avait pas mauvais fond mais il continua sur son cadet et je me sentis rougir. Comme si j'avais apprécié que le roux fasse ça ! Pas du tout, non, et j'espérais bien qu'il ne le ferait plus jamais. Par contre, Eirik exagérait un peu dans son discours. Aucun droit, non mais tout de même... C'était son frère qui n'aurait pas du prendre ce droit !

-Je ne voulais pas. J'ai été très surpris qu'il le fasse mais tu es injuste, ce n'est pas comme si j'avais voulu ça, moi. Ton frère est impoli... J'espère bien que tu lui diras de ne plus le faire.

Sa voix me faisait courir des frissons le long du dos mais pas du tout des frissons de peur, au contraire. On était sensés se disputer et je me sentais un peu... excité. J'étais foutu si je commençais à réagir comme ça. Surtout que s'il me sentait, il saurait tout de suite que pour une fois, je pensais au sexe. J'étais encore plus rouge qu'avant. Heureusement qu'on était plus en pleine lumière... Quoique les vampires avaient une bonne vision... Était-il nyctalope comme moi ? Et les elfes ? Et les... Je commençais à bugger mais je me forçai à écouter la suite, c'était important. Et ça me ferait oublier le mot qui commençait par "s".

Suite qui vint après qu'il ait détruit une partie du tronc d'arbre auquel j'étais appuyé. Donc, je l'avais vraiment mis en colère. Et si je l'avais mis en colère, ça voulait dire qu'il y avait quand même une petite chance qu'il tienne à moi. Ce qu'il me confirma bientôt. Mais...

-Qu'est-ce que tu veux dire par principal ? J'ai cherché partout sans trouver...

Il me colla alors à lui et à l'arbre comme pour prévenir toute tentative d'évasion. Mais je ne comptais aller nulle part. Je posai mes mains sur ses épaules et serra doucement son vêtement. Je remarquai alors que je n'étais plus du tout énervé ou anxieux ou triste. Mais j'étais trop embrouillé pour savoir réellement ce que je ressentais. Par contre, je ris à sa dernière phrase chuchotée à mon oreille. Je risquai encore de le vexer mais c'était plus fort que moi.

-Je ne suis pas jaloux. Je ne sais pas être jaloux. Je me suis senti rejeté parce que je pensais que tu n'avais même pas eu un regard pour moi avant d'aller draguer cet homme. Et que donc, je ne t'intéressais plus. Ce que j'aurais compris mais ça fait mal...

Je détournai le regard à cause de la gêne. Sans compter que ma fascination était tout aussi gênante et que les deux combinés me donnaient envie de me tortiller. Ce que je fis un peu d'ailleurs.

-Même si j'ai l'habitude, je n'aime pas avoir mal...

-C'est impoli de se servir de son nez comme je viens de le faire. Et ça ne m'aurait pas dérangé que tu couches avec lui, vraiment.

Ce qui me dérangeait, c'était qu'il ne me prévienne pas et qu'il s'en aille comme si je n'existais pas. Il ne pouvait pas comprendre cette impression de n'être rien pour personne. Sans doute avait-il toujours été quelque chose pour quelqu'un. Laisser faire son frère... Et qu'aurait-il voulu que je fasse ? Que je lui mette mon poing dans la figure ? Eirik disait des bêtises dans sa colère tout de même. La suite de son discours me portait à croire qu'il allait tabasser son cadet. Si c'était le cas, ça allait loin juste pour une histoire d'odeur. Très loin même... J'avais dû mal à en revenir.

Et puis là, Eirik mit sa tête dans mon cou sur ma mâchoire. Je fermai les yeux une courte seconde quand il lécha mes lèvres. Je crispai mes doigts contre l'écorce de l'arbre. Un peuplier à mon avis.

-Oh... Oh. Oui, là, j'ai compris.

Ce qui ne m'aida pas à apaiser mes rougeurs. Ça n'était pas indiqué comme ça dans le livre, c'était quelque chose comme le "Primero Sanguine". Alors normal que je n'avais pas comprendre à quoi il se référait. Après, je n'étais pas si surpris qu'il n'utilise pas les termes livresques mais son expression était si éloignée de ce qui était écrit qu'il m'avait perdu en bord de mer. A moins qu'on dise en rase campagne. Ou au pied du château... En haut d'un gratte-ciel ? Ah, mince, bon, ça n'était pas le moment. Il était à nouveau souriant et plus ou moins calmé. Ce qui était tant mieux pour moi.

Il revint sur la jalousie. Non, vraiment, sur ce point là, il ne m'avait pas compris. Sûrement parce qu'il aimait que son "primero" soit jaloux mais vraiment, ça n'avait pas été ça et je le savais. Par beaucoup de vœux que j'avais exaucé, je savais ce qu'était la jalousie et ce qu'elle provoquait. Peut-être que je finirai par l'être mais là maintenant, ça n'avait pas été le cas. J'aurais vraiment juste aimé être prévenu.

-Je sais bien que tu ne peux pas t'intéresser qu'à moi. Si tu t'intéresses déjà un peu, c'est bien.

Comment lui expliquer que juste un peu, ça me suffisait après n'avoir rien eu du tout ? Il me caressa la joue.

-Vraiment, un peu, c'est déjà bien... Mais qu'est-ce que tu aurais fait exactement ?

Parce que c'était flou comme phrase. J'avais peur de quoi selon lui ? Ça passa un peu à la trappe quand il m'embrassa. Un baiser profond et dominateur. Je m'accrochai un peu plus à ses épaules puis passa ma main sur sa nuque pour jouer avec ses cheveux. Je ne devrais pas me laisser aller aussi facilement mais j'avais tellement envie qu'il ait envie de moi. Ça devait être égoïste... On m'avait souvent dit que les enfants étaient égoïstes. Il avait donc raison de me traiter de gamin alors...

Je me perdis un peu plus en me collant à lui, un peu serré dans mon pantalon. Non, pas comme ça, je ne devais pas... C'était toujours ça le piège avec les baisers, on se sentait bien...

-Eirik...

J'essayai de faire fonctionner mon cerveau mais je ne voyais pas quoi dire d'autre. J'espérai juste ne pas avoir l'air débauché parce que j'avais l'impression d'être une catin avec le feu aux fesses. Et je détestai ça. Et puis j'étais un peu stressé parce que si ça arrivait, ce serait Eirik qui dominerait, je le savais très bien. Et ça n'était jamais arrivé que je me laisse prendre.

Oh ! Oh... J'étais certain que j'étais en train de rougir. Je ne pensais même plus au fait qu'Eirik pourrait ou non le voir cependant. Il me trouvait vraiment intéressant, moi ? Avec mes blagues, ma manie de trop parler, l'autre manie de perdre les gens avec ce que je disais ? Moi ? Eh bien si je m'étais attendu à quelque chose comme ça en venant dans cette école... Non, pas du tout. Mais si je prenais l'occasion, ça oui, absolument. Je serai un fou très fou si je ne donnais pas une chance à tout ça.

Complètement accroché à Eirik pendant le baiser dans lequel je me retenais de gémir, je ne pus finalement pas le faire très longtemps. Evidemment, le vampire avait repéré mon petit problème dans mon pantalon et semblait résolu à me la faire comprendre. Quand sa cuisse frotta à mon entrejambe, je laissai entendre un gémissement un peu sonore, serrait un peu plus ma prise sur ses épaules. Il rajouta en plus ses mains... Sur ma peau même... Heureusement qu'il n'essayait pas d'aller trop loin où perturbé que j'étais, je n'aurais pas tenu longtemps. Avant de me changer en fumée.

Surtout nous sachant en public. Eirik avait beau me faire tourner un peu la tête, je n'oubliai pas que nous étions dans les jardins et que des élèves et pas que -des collègues !- allaient et venaient autour de nous. D'ailleurs, le vampire s'arrêta quand un groupe d'élèves passa un peu trop près. Je ne savais pas si je les remerciais où si je leur enverrai des fruits confits comme cadeaux. Ou des cornes de gazelle. D'éléphant ? De mammouth... Euh... Enfin, au moins, Eirik était un peu calmé.

-Pour me faire du mal, qu'est-ce que tu aurais fait ?

Ma curiosité me perdra un jour.

-Parce que pour le reste, j'ai définitivement compris je pense.

Il fallait d'ailleurs que je me calme avant qu'on reparte. Même si je n'avais aucune idée de ce qu'Eirik voulait faire maintenant. Je refusai de penser qu'il avait été intéressé par ce qu'il y avait dans mon pantalon.

-Je pense qu'on devrait partir pour continuer notre conversation ailleurs. Veux-tu venir chez moi ? J'ai du thé au chocolat et des sucres d'orge.

Je retirai lentement mes mains de son corps, ça me paraissait tellement étrange que je puisse vouloir être proche de quelqu'un aussi simplement que cela. Alors qu'en plus, la personne en question n'était pas si chaude mais son odeur... La neige et moi, c'était vraiment une obsession. Qui aidait bien Eirik.

-Ah non, j'y pense, je veux danser. Au moins une fois, je me suis entraîné pour le bal, en plus !

Fouiller mon esprit... Bah, ce n'était pas comme si j'avais de grands secrets à cacher, au contraire même, je me trouvais plutôt normal et terne comme créature. Certes je réalisais des vœux mais je n'étais pas l'auteur de ceux-ci et je ne me sentais pas mal de la folie, de la duplicité, de la haine et autres des gens qui faisaient appel à moi. Je n'étais même que de passage dans leur vie. Et même si je leur prenais quelque chose -et je trouvais normal d'être payé- je n'étais coupable de rien. L'un des seuls pouvoirs que j'avais et qu'Eirik ne connaissait pas, c'était ma possibilité de changer de plans pour aller exaucer des vœux dans d'autres mondes.

Peut-être que c'était là-bas que j'aurais disparu pendant un temps s'il avait réellement mis à exécution son plan. Ensuite, je l'aurais royalement snobé et s'il avait osé poser ses mains sur moi, je le lui aurais fait regretter. Je n'étais pas forcément vieux ou puissant mais je savais me défendre et je n'aurais pas hésité à le faire. Je redressai un peu ma tenue, un peu gêné qu'il ait touché mon corps. Même si c'était juste mes hanches. Je me disais dans le même temps que je devais encore passer pour un vierge mais au début d'une relation, j'étais toujours un peu -beaucoup- gêné. Avec mes cicatrices, je ne savais pas avoir confiance en mon corps.

-Tu as de l'idée, c'est certain. Mais fouiller dans ma tête ne te servirait pas à grand chose. Et je pourrais vite t'échapper si tu essayais de trop fouiller. Enfin, tout cela n'était qu'hypothétique.

Et très vite, je le fis rire. Oui, je voulais danser ! C'était bien le but premier d'un bal, non ? J'avais fait attention à répéter au cas où, pas que je pensais que j'aurais été ridicule mais j'avais préféré guérir que prévenir... A moins que ça ne soit l'inverse... Combien coûtait les soins d'un médecin encore ? Est-ce que je pouvais aller chez un médecin en réalité ? Je revins à la réalité quand Eirik s'éloigna de l'arbre -un bouleau ? Ou un peuplier ?- avec moi. Je me retrouvais suiveur. Pas que ça me dérangeait, ça me fit même sourire alors qu'on commençait à bouger.

Nous n'étions pas du tout en phase avec la musique, ça ressemblait à du métal d'ailleurs. J'aimais bien mais je préférais que nous dansions calmement, l'un contre l'autre... J'étais tellement détendu d'un coup que j'oubliais les distances de bienséance et je posai ma tête sur le torse d'Eirik. Comme quoi, toutes ses histoires arrivaient à me fatiguer. Je devais ressembler à un bébé. Ou à une fille tellement romantique... Pouah...

-Comme tu le vois, j'arrive à te suivre, oui. Je me mets à l'aise aussi.

Et je me mis à babiller un peu sur le ciel, les arbres, les bals, les élèves, l'horloge... Ça n'avait pas forcément beaucoup de sens comme ça mais je pensais qu'à force d'entraînement, Eirik verrait les liens logiques entre tout ça. Mais je finis aussi par me taire pour juste apprécier, c'était rare que j'ai l'occasion de danser. Surtout avec quelqu'un d'autre que ma mère.

-Même quand tu danses, on sait que tu es un dominateur. C'est amusant... Je ne sais pas si tu aimeras chez moi...

Je souris, relevai un peu la tête pour le regarder.

-J'y pense, tous les professeurs sont des géants, ici ? Il n'y avait que monsieur Blond qui avait à peu près ma taille.

J'avais réussi à oublier le nom du professeur gentil. Et je l'entraînai vers ma maison. En souhaitant qu'il ne rentre pas dans une de mes piles de livres. Il fallait qu'on finisse de discuter de certaines choses et vu que des élèves passaient encore. S'il voulait qu'on parle du lien et du reste... Enfin, valait vraiment mieux que la partie très intime se fasse dans un lieu clos.